Le Président libyen porte à l'égard de nos compatriotes une responsabilité que nous ne saurions oublier, non plus que les anathèmes qu'il a proférés à l'égard de nos démocraties et de ce qu'elles représentent. Sa soudaine conversion est sans doute une bonne chose, mais vous permettrez aux parlementaires de nourrir quelques doutes sur ce point. Sans compter que la libération a été suivie d'un embrouillamini dans les propos du Président libyen et de membres de sa famille, faisant percevoir des querelles au sein du pouvoir qui ne laissent pas de nous inquiéter.
Cela ne pouvait rester sans réponse de notre part : nous ne pouvons pas accepter l'idée, formulée par des Libyens ou des Français, que la libération ait résulté d'un troc qui salirait notre image dans le monde. Le début de réponse que vous avez donné, monsieur le ministre, laisse à penser qu'il n'en est rien, ce dont, pour ma part, je n'ai jamais douté. Cependant, et je rejoins M. Moscovici sur ce point, la commission d'enquête auditionnera souverainement les personnes qui devront l'être. Et si, comme je l'espère, j'en fais partie, je n'entends pas perdre mon temps sur des échos parus dans la presse au sujet de telle ou telle personnalité – et vous non plus, monsieur Moscovici, si j'en crois vos dernières déclarations. Le sujet véritable sera l'examen de nos relations politiques avec un pays dont le moins que l'on puisse dire est qu'il n'a pas toujours une attitude conforme à ses discours.
Le second enjeu de cette commission d'enquête me paraît plus fondamental encore : les relations qui, je l'espère, vont s'établir entre le Parlement et l'exécutif. L'évolution n'est pas mineure pour nos institutions puisque, pour la première fois, une commission d'enquête va se saisir d'un problème de politique internationale : vous vous en êtes félicité, monsieur le ministre, et nous aussi. Il y a quelques années, la proposition faite par M. Mamère d'une commission d'enquête sur les conditions de libération otages du Liban avait été refusée. Je me souviens aussi qu'à la grande époque de la cohabitation, nous avions abordé le problème du Kosovo. Étant l'orateur du groupe libéral, je m'étais retrouvé bien isolé entre, d'un côté, le groupe du RPR qui tenait au domaine réservé du Président de la République, et, de l'autre, le groupe socialiste qui tenait à celui du Premier ministre. Notre pays avait ainsi réussi le tour de force de s'engager dans une action militaire et diplomatique de la plus haute importance sans que l'Assemblée nationale ait pu la voter ou même obtenir des informations avant la presse !
Je souhaite donc que la commission d'enquête sur les conditions de libération des infirmières bulgares nous permette d'en finir avec ce temps.