Votre ministère comporte un département clé pour lutter contre cette immigration de la misère : le codéveloppement. Car, chacun le sait, ce n'est pas par plaisir que tous ces pauvres gens viennent dans les pays riches, où très souvent ils sont mal logés, mal considérés et, finalement, malheureux. Il faut les aider, là-bas, chez eux. Je sais que c'est l'une de vos priorités, monsieur le ministre, et nous aurons, je l'espère, l'occasion de voir se concrétiser des mesures fortes dans ce domaine.
Par ailleurs, vous avez demandé aux préfets de respecter des quotas de reconduites à la frontière. La loi doit être respectée, j'en conviens. Mais, derrière les chiffres, monsieur le ministre, il y a des êtres humains. Et ces êtres humains sont des deux côtés : du côté des clandestins, mais aussi de celui des forces de l'ordre. J'ai récemment rencontré des gendarmes qui venaient d'interpeller des clandestins. Je ne me souviens plus des circonstances exactes de l'opération, mais ils avaient été mandatés pour interpeller ces hommes en situation irrégulière sur leur lieu d'hébergement. Tout s'est bien passé − « bien » entre guillemets −, dans la dignité : pas de cris, pas de révolte, seulement des larmes. L'un de ces hommes vivait avec une jeune femme, il y avait des enfants. Les gendarmes m'ont dit leur désarroi devant de telles missions. Ils m'ont dit avoir espéré, à ce moment-là, que le juge saurait trouver la juste mesure de la solution humaine − et ici, je ne mets pas de guillemets.
C'est bien là toute la difficulté de lois comme celle que vous nous proposez : il faut à la fois protéger notre pays des risques de flux migratoires incontrôlés et traiter avec humanité et dignité les personnes qui souhaitent s'installer sur notre territoire, ou qui sont déboutées de leur demande.
Le texte qui nous est soumis, fortement amendé par le rapporteur, m'inquiète quant à la faisabilité de certaines mesures, comme celle de l'apprentissage du français ou des valeurs de la République. Je suis inquiète aussi à cause d'autres mesures qui risquent d'être dénoncées par des instances supérieures, comme le Conseil constitutionnel, ou attaquées devant la Cour européenne des droits de l'homme. J'y reviendrai au cours de l'examen des articles.
Enfin, je voudrais remarquer que, même si, pour la plupart, vous avez oublié de les saisir pour avis en amont, vous avez cependant, ainsi que le rapporteur, tenu compte des remarques, propositions et inquiétudes de commissions ou organismes dont le rôle est de vous alerter ou de vous éclairer. Ainsi, la Commission nationale consultative des droits de l'homme, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, le Défenseur des enfants, ont été, fût-ce partiellement, entendus. Je m'en réjouis.
Pour conclure, j'émettrai cependant une crainte et une demande.
Plusieurs articles renvoient à des décrets d'application. S'agissant d'un texte aussi sensible, et dans le cadre plus général de la modernisation de nos institutions, je souhaiterais que le Parlement ainsi que des organismes spécialisés soient associés à leur rédaction. En effet, trop souvent, on le voit avec l'affaire de la loi instituant le droit au logement opposable, les décrets complexifient la loi, voire en dénaturent l'esprit.
S'agissant d'une loi comme celle que vous nous proposez, simple dans son esprit mais si complexe dans sa mise en oeuvre, il me semble que nous devons aller, dans notre action de parlementaire, jusqu'au bout de notre responsabilité, c'est-à-dire jusqu'au contrôle de l'application de la loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)