Bien des choses ayant déjà été dites sur la nouvelle taxe que le Gouvernement veut créer, j'insisterai pour ma part sur ses aspects juridiques, sans avoir l'outrecuidance de me faire plus savante que les professeurs Guy Carcassonne et Gilbert Parléani, qui ont rédigé une note fort intéressante sur le respect des principes de droit communautaire, de constitutionnalité et de liberté de communication que la création de cette nouvelle taxe semble mettre à mal.
Les professeurs Carcassonne et Parléani montrent bien que cette taxe pose plusieurs problèmes. Tout d'abord, « aucun lien tangible ne relie les assujettis futurs aux modes de gestion de l'audiovisuel public », ce qui paraît contraire au droit communautaire.
En outre, « des interrogations surgissent du fait que des entreprises qui ont une activité de communication ou de diffusion d'images ou de musique ne seront pas taxées, alors que leur activité est en partie de même nature que celle des opérateurs de télécommunications et de communications électroniques », pour leur part soumis à la taxe. Le principe d'égalité devant l'impôt est donc mis en cause.
Quant au droit communautaire de la concurrence, on pourrait considérer ces taxes, une fois reversées – si elles le sont – au service public de l'audiovisuel, comme des aides d'État. Or, « la qualification d'“aide d'État au profit des chaînes de service public” empêcherait toute mise en oeuvre du soutien compensatoire au profit des chaînes de service public avant que la Commission ait donné son “feu vert”. Si le financement envisagé venait à être mis en oeuvre avant ce “feu vert”, tout intéressé, et en particulier tout opérateur concurrent des chaînes de service public, pourrait demander au juge français d'interdire le financement, voire de condamner les bénéficiaires au remboursement des financements reçus de façon illicite. […] Il apparaît en effet que le soutien public qui serait renforcé au profit de ces chaînes devrait être considéré comme une “aide d'État” au sens des articles 87 et suivants du traité de Rome. » Enfin, « l'affectation globale du produit de la taxe aux chaînes publiques ferait problème, car elle ne peut pas être toujours proportionnée aux obligations de service public : une taxe assise sur le chiffre d'affaires des opérateurs de télécommunications et de communications électroniques variera selon leur activité propre, et non pas en fonction des besoins en compensation des chaînes de service public. »
Par ailleurs, ces deux éminents professeurs s'interrogent sur la constitutionnalité de cette disposition au regard du droit français. Cette nouvelle taxe semble en effet contraire au principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques puisque certains contributeurs seulement sont appelés à supporter cette taxe d'intérêt général au bénéfice de tous. Or, le législateur doit toujours fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose d'atteindre. Dans le cas présent, « l'absence de précision sur les intentions du Gouvernement contraint à des conjectures, mais ces dernières, à des degrés divers, laissent toujours planer le risque d'une inconstitutionnalité. ».
Le lien entre votre nouvelle taxation et la mesure qu'elle a vocation à financer n'est pas clairement établi, ce qui est gravement contraire au principe d'égalité. Toutes les entreprises étant placées dans une même situation au regard de la loi fiscale, rien ne saurait justifier que certaines soient sélectivement désignées pour être assujetties à une taxation particulière : ce serait constitutif d'une rupture d'égalité difficilement compréhensible. La Constitution n'admet pas la possibilité, même pour le législateur, de décider d'une taxation qui serait prise « à la tête du contribuable », si l'on peut dire. Par définition, tout choix qu'il serait amené à faire pour dresser la liste des assujettis ne pourrait se prévaloir des critères d'objectivité et de rationalité qu'exige la jurisprudence.