Le Haut conseil de la famille doit définir les instruments de politique publique qui permettent de soutenir les familles, sans se limiter aux compétences de la branche famille de la sécurité sociale.
La politique familiale doit prendre en compte, par exemple, les aides aux étudiants versées par le ministère chargé de l'enseignement supérieur et s'interroger sur l'évolution des solidarités familiales.
La politique familiale devrait aussi mieux prendre en compte une réalité sociologique lourde de conséquences pour le budget des familles : l'allongement de la durée des études et le poids financier représenté par les adolescents et les jeunes adultes qui restent à la charge de leurs parents beaucoup plus longtemps que par le passé. Dans ce domaine, notre politique familiale n'est pas du tout adaptée. Ne faut-il pas aujourd'hui réfléchir aux moyens d'autonomie nécessaires aux jeunes adultes ?
Le Haut conseil de la famille devra déterminer s'il est préférable d'utiliser les marges de manoeuvre financières pour majorer les prestations familiales, ou plutôt pour améliorer l'offre des services, qui restent très inégalement répartis sur le territoire national.
Ces dernières années, de gros efforts ont été faits pour solvabiliser les familles, qui ont d'ailleurs conduit à une majoration notable des tarifs de garde. En revanche, le développement de l'offre de garde a été plutôt contraint, avec les nouveaux critères d'attribution des crédits d'action sociale des caisses d'allocations familiales : les collectivités locales ont dû revoir certains projets de création de crèches en raison des restrictions pour l'aide à l'investissement de la part de la branche famille.
Après avoir clarifié les objectifs de la politique familiale, le Haut conseil de la famille devra aussi s'interroger sur les moyens financiers alloués à cette politique.
Je déplore que des décisions importantes se préparent dans le cadre de la négociation de la future convention d'orientation et de gestion pour les années 2009-2012 entre l'État et la CNAF, sans que la représentation nationale en soit tenue informée. Les enjeux sont pourtant cruciaux, notamment pour le financement des établissements d'accueil des jeunes enfants, qui dépendent de la progression des crédits d'action sociale attribués à la CNAF par le Gouvernement.
Lors de la dernière réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale, vous avez annoncé, madame la secrétaire d'État chargée de la famille, que les crédits du Fonds national d'action sociale augmenteraient de 6 % par an au cours de la prochaine COG. Vous avez par ailleurs affirmé vouloir créer au moins 22 000 places de crèches par an.
Ces deux affirmations ne semblent pas cohérentes. Selon les informations des gestionnaires de la branche famille, une augmentation de 6 % par an des crédits du FNASS permettrait tout au plus de financer 7 300 places d'accueil, cette estimation étant d'ailleurs à relativiser, certaines CAF la jugeant très optimiste. Comment financer le développement de l'offre de garde, alors même que les dépenses de fonctionnement des équipements existants ont une croissance annuelle soutenue ?
Préparer une grande réforme sur l'organisation des modes de garde, sans disposer au préalable du cadrage financier qui s'imposera pour financer les places nouvelles ou pour subventionner les frais de fonctionnement des structures existantes, augure mal des ambitions de cette réforme.
Comment les collectivités locales pourraient-elles croire à cette dynamique de réforme, alors que leur confiance dans le partenariat avec les CAF a déjà été mise à mal par les restrictions de crédits dues à l'application du nouveau dispositif des contrats enfance-jeunesse ?
Cette réforme ne pourra réussir sans une clarification des mécanismes de financement et une réflexion sur les incitations fiscales à mettre en oeuvre.
Je souligne l'importance d'une planification pluriannuelle des financements des établissements d'accueil des jeunes enfants pour éviter les « stops and go » des différents plans crèches qui se sont succédé depuis 2001. Les critères d'éligibilité pour recevoir une aide à l'investissement ayant changé à chaque plan crèche, les collectivités locales ont dû sans cesse s'adapter à de nouvelles règles du jeu, ce qui les a dissuadées de mener de multiples projets innovants.
Pourquoi parler de « droit opposable » à la garde d'enfant ? Je me félicite qu'un glissement sémantique se soit opéré. Alors qu'au début de l'année 2008, la communication officielle du Gouvernement utilisait encore l'expression « droit opposable à la garde d'enfant», le projet de réforme est désormais désigné par l'expression « droit à l'accompagnement à la garde d'enfant ».
La notion de droit « opposable » à la garde d'enfants ne me paraît ni réaliste ni opportune. Face à une insuffisance patente de l'offre quantitative, il ne paraît pas réaliste de parler de droit opposable. Outre le risque d'une judiciarisation excessive, la mise en place d'un droit opposable supposerait des moyens financiers et humains trop importants qui paraissent hors de portée, compte tenu de l'état d'endettement des régimes sociaux.
Le défi à relever suppose au contraire un véritable climat de confiance entre les gestionnaires d'établissements d'accueil, les communes et les CAF.
J'appelle de mes voeux une démarche de partenariat reposant sur des financements pluriannuels, les CAF s'interdisant de modifier les règles du jeu en cours de contrat, comme elles l'ont fait, hélas, avec le contrat enfance-jeunesse.
La réforme des modes de garde doit conduire à organiser les composantes d'un service public de la petite enfance dont je vais indiquer les axes forts.
Il s'agit de garantir un égal accès de tous les parents à des services ou des équipements de garde dont le coût est pris en charge partiellement par la collectivité, ce qui suppose de mieux informer les parents et de réduire les disparités territoriales de l'offre de garde.
Il faut améliorer la couverture de besoins prioritaires comme, par exemple, l'accueil en urgence des enfants des bénéficiaires de minima sociaux, car le retour à l'emploi est très souvent freiné par des difficultés de mode de garde.
Il faut enfin prévoir une continuité des services d'accueil et leur adaptation à des horaires de travail atypiques, au besoin en faisant intervenir successivement plusieurs professionnels pour couvrir de larges amplitudes horaires, un financement public devant compenser les surcoûts de ce type d'accueil.
Le service public de la petite enfance doit faire en sorte que les offres et les demandes de garde se coordonnent et se rapprochent sur un bassin de vie. Plusieurs expérimentations locales ont cherché à organiser et à rapprocher les offres et les demandes d'accueil. La solution la plus aboutie est sans conteste le site Internet développé par la CAF du Bas-Rhin, « mon-enfant. fr », qui permet de recenser sur le département l'ensemble des offres et des demandes.
Cet outil informatique, qui a déjà fait ses preuves, peut être opérationnel dans toute la France d'ici à quelques mois.