J'ai parlé d'« incapacité collective ».
Certes, chaque année apporte son lot de réformes, annoncées comme telles, ou de mesures nouvelles proposées à un corps social désabusé et même réticent, qui tente de comprendre le sens des efforts demandés dans une cacophonie politique et sociale masquant l'impossibilité d'un consensus minimum sur l'essentiel.
Le corps social sent bien, pourtant, qu'il n'est pas sain de continuer à s'endetter de la sorte pour des dépenses courantes. Nos dépenses sociales sont en effet des dépenses courantes qui, comme le souligne la Cour des comptes, ne doivent pas être reportées sur les générations futures, d'autant que le corps social est finalement celui qui règle déjà et réglera encore longtemps les ardoises de nos conservatismes égoïstes et de tous les corporatismes à courte vue qui freinent les changements, que chacun sait pourtant inéluctables.
Le coût de la dette pour l'an prochain sera de 8,9 milliards d'euros, soit 1,5 milliard d'euros de plus qu'en 2008, en raison de la charge supplémentaire d'amortissement. Or ces 8,9 milliards, qui équivalent à deux fois l'augmentation de l'ONDAM pour 2009, nous les versons aux établissements financiers au lieu de les mobiliser pour la santé des Français ou en vue de financer leur retraite !
Certains prendront prétexte du montant effarant de cette somme pour minimiser l'impact des revendications corporatistes en tous genres et justifier qu'on ne fasse rien, notamment qu'on n'indexe pas sur l'inflation les accises sur le vin – 1,1 million d'euros répartis sur 3,5 milliards de bouteilles –, ni qu'on optimise nos dépenses de médicament, sinon avec prudence, qu'il s'agisse des prescriptions en ville, à l'hôpital et même en maisons de retraite, ni qu'on bouscule une organisation hospitalière sclérosée qui a été incapable d'anticiper le virage de la tarification à l'activité. Il faudrait en revanche continuer à disperser l'argent des Français sur toutes sortes de soins et de produits de santé même peu efficaces, et continuer à entretenir les trop coûteuses délégations de gestion de l'assurance maladie à certaines mutuelles au nom de la tradition. Je ne sais si l'audace d'une telle affirmation me vaudra de votre part, madame et messieurs les ministres, un rappel à l'ordre, pour répondre à l'admonestation du président de la Mutualité, au nom du reste de je ne sais quelle légitimité.