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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 28 octobre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2009 — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac :

Avec 276 milliards d'autorisations de dépense – 350 si l'on y ajoute les prélèvements sur recettes – et 51 milliards d'endettement supplémentaire, la représentation nationale n'a pu déplacer que 118 millions d'euros. C'est la seule marge de manoeuvre qu'a consentie le Gouvernement entre la préparation du budget, cet été, et le vote qui va intervenir dans quelques minutes, alors même que, entre-temps, une crise financière d'une ampleur sans égale depuis 1930 avait éclaté partout dans le monde, alors même que la France traverse une crise économique et sociale qui préexistait à la crise financière et qui, naturellement, lui survivra.

Il ne s'agit donc pas d'un budget sincère, mais d'un budget qui pourrait tomber sous le coup des lois relatives à la contrefaçon, un budget bâti grâce aux vessies de cet été dont vous voudriez faire des lanternes pour nous éclairer cet hiver et l'année prochaine, bref, un budget contrefait et insincère.

On peut d'ailleurs s'interroger sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement a décidé de soumettre un tel texte au Parlement. S'agit-il simplement de demander à la majorité de faire preuve d'une absolue fidélité, d'une fidélité confinant à l'aveuglement ? Car il faut être aveugle pour accepter un budget fondé sur une hypothèse de croissance de 1 % à 1,5 % quand ce qui nous attend, l'année prochaine, c'est la stagnation au mieux, la récession très probablement, la dépression peut-être. Tout le monde le sait, tout le monde le dit, sauf les responsables des pouvoirs publics.

Il faut en effet beaucoup d'aveuglement pour voter un projet de budget prévoyant une baisse des crédits du ministère de l'emploi de quelque 5 %, quand chacun sait que, l'année prochaine, le chômage va augmenter dans des proportions considérables.

Il faut beaucoup d'aveuglement pour voter un projet de loi de finances qui fait des collectivités locales une variable d'ajustement budgétaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.) Ce sont elles, pourtant, qui assurent 70 % à 75 % de l'investissement public. Certes, le Président de la République a annoncé que l'État investirait 175 milliards. Mais il n'y a rien d'étonnant à cela : c'est ce qui était prévu et c'est la norme d'investissement public consenti par l'État. Mais cela ne représente que 20 % à 25 % de l'investissement public, le principal étant apporté par les collectivités locales. Si elles deviennent des variables d'ajustement budgétaire, elles seront contraintes de réduire leurs investissements, ce qui aggravera la crise économique et le chômage, notamment dans les territoires qui souffrent déjà le plus. (Mêmes mouvements.)

Oui, il faut beaucoup d'aveuglement pour adopter un budget qui ne respecte même pas les priorités que la majorité s'était fixées. Ainsi, les crédits du ministère du logement baissent, alors même que l'on s'apprête à détourner pour d'autres fins l'épargne réglementée et populaire, ce qui est scandaleux, inadmissible.

De même, on ne tient plus compte de la priorité que représente la recherche. Certes, le budget augmente, mais des centaines de postes de chercheurs sont supprimés. Quelle sorte de recherche publique espérez-vous construire, mes chers collègues ? Une recherche sans chercheurs, comme, en d'autres temps, vous rêviez d'industriels sans salariés ?

La priorité n'est pas non plus respectée en matière de justice : les personnels sont franchement méprisés par le ministère responsable du secteur, un ministère où règne l'incurie, un ministère totalement dépourvu de moyens pour que les professionnels exercent leur mission, une actualité récente l'a encore démontré.

Oui, décidément, il faut beaucoup d'aveuglement pour continuer à faire des heures supplémentaires l'alpha et l'oméga d'une politique de la demande qui est un échec patent, pour promouvoir une politique fiscale qui se caractérise par l'injustice et le scandale, pour refuser de revenir sur le bouclier fiscal, pour maintenir des dispositions qui font que des milliers de contribuables, parmi les plus aisés du pays, ne paient plus ni impôt ni CSG, quand le moindre salarié, fût-il à mi-temps, paie, lui, la CSG sur la totalité de ses revenus. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Il faut beaucoup d'aveuglement, mes chers collègues, pour ne pas respecter les priorités qu'on s'est fixées et pour s'obstiner à mener des politiques publiques qui sont d'ores et déjà sanctionnées par l'échec, un échec qui ne pourra que s'aggraver, la crise financière ne pouvant qu'aiguiser la crise économique et sociale.

Mes chers collègues, c'est donc sans surprise que le groupe socialiste, radical et citoyen ne votera pas un projet de budget que seuls des parlementaires refusant de considérer la réalité en face s'apprêtent à adopter. Ceux-ci auront à rendre compte de leurs actes devant tous les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

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