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L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Patrick Bloche et plusieurs de ses collègues visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe (n°s 586, 3462). La parole est à M. Patrick Bloche, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en faisant inscrire à l'ordre du jour de notre Assemblée une proposition de loi visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe, qui a été déposée une première fois en 2006, le groupe socialiste, radical et citoyen, par la voix de son président Jean-Marc Ayrault, a souhaité d'abord répondre à l'interpellation qui a été celle du Conseil constitutionnel le 28 janvier dernier. Le Conseil constitutionnel avait en effet été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation et posée par ...
Au-delà du rappel, s'il était nécessaire, que le PACS et le mariage, ce ne sont pas les mêmes droits et, de fait, les mêmes devoirs, votre rapporteur souhaiterait récuser deux arguments souvent avancés par les opposants à l'ouverture du mariage aux couples de même sexe. Le premier, c'est la visée censément procréatrice du mariage. Avouons qu'il ne résiste pas au fait que 56 % des premiers enfants naissent aujourd'hui hors mariage. Le second pointe la démarche communautariste qui sous-tendrait la revendication de l'ouverture du mariage aux couples de même sexe. Nous rejetons d'autant plus cette objection que la démarche des auteurs de cette proposition de loi ...
...tions dans les autres pays, notamment en France. En l'état actuel de la jurisprudence, les juridictions européennes comme nationales se refusent à déclarer les dispositions actuelles du code civil contraires aux normes supérieures, laissant au législateur national, c'est-à-dire à nous, le soin de trancher la question. De ce fait, une évidence s'impose, la reconnaissance du mariage des couples de même sexe ne peut être que législative. Votre rapporteur tient de fait à rappeler l'effet incontestablement déclencheur qu'a eu l'initiative prise par notre collègue Noël Mamère lorsqu'il a célébré, en tant que maire de Bègles, le 5 juin 2004, un mariage entre deux hommes. En effet, cela a permis aux tribunaux français de préciser la portée des articles du code civil relatifs au mariage. Ce mariage a cer...
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il y a douze ans, au siècle dernier, en 1999, était adopté le PACS, première reconnaissance de droits pour les couples de même sexe. Je veux saluer ici la douce opiniâtreté du rapporteur, Patrick Bloche, qui, inlassablement, a conduit, avant l'adoption du PACS et depuis lors, cette patiente bataille de l'égalité, cet indispensable combat du droit à l'indifférence. C'était il y a douze ans, c'était au siècle dernier, et je veux revenir sur les arguments développés alors par les adversaires les plus résolus du PACS. Je n'évoqu...
...ident, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes quelques-uns ici à garder le souvenir du 15 novembre 1999, lorsque notre collègue Patrick Bloche avait présenté sa loi sur le PACS, souvenir douloureux, amer de propos qui restent encore gravés dans notre mémoire. Je garde aussi le souvenir ému du 5 juin 2004, lorsque j'ai célébré un mariage de personnes de même sexe à Bègles. Ce qui me choque, ce sont les 4 000 lettres d'insultes que j'ai reçues. Ce jour-là, je me suis dit que le rôle des politiques n'était pas de maintenir les gens dans l'ignorance et la peur, mais de lutter contre l'ignorance et la peur de soi-même.
...oits que tous les autres. Aujourd'hui, des homosexuels ou des lesbiennes qui veulent se marier ne peuvent pas le faire. Cela n'est pas digne d'un pays dans lequel on veut appliquer l'égalité des droits pour tous. Je rappelle que, dès 1993, Mme Claudia Roth, alors présidente du groupe des Verts au Parlement européen, avait rédigé une résolution et un rapport ouvrant le mariage à des personnes de même sexe. Elle a été suivie, comme je l'ai précisé il y a quelques instants, par de nombreux pays, mais la France résiste encore. Pourquoi donc, monsieur le garde des sceaux, alors que vous savez qu'une majorité de Français sont favorables à l'ouverture du mariage à des personnes de même sexe ? Nous sommes dans une situation qui n'est pas acceptable pour un pays prétendant exporter les principes démocrati...
il a dit que les sentiments partagés par deux personnes, un homme et une femme ou deux personnes du même sexe, dès lors qu'ils sont sincères et désintéressés, sont toujours éminemment respectables, et qu'il en va ainsi de l'amour comme de tous les autres sentiments. Il n'est donc plus question, je le répète, de stigmatiser qui que ce soit.
Il s'agit à présent de savoir c'est le coeur de notre débat si la convergence des régimes juridiques doit être totale, si l'union entre deux personnes de même sexe doit relever des mêmes règles que le mariage d'un homme et d'une femme. Répondre à cette question, c'est d'abord donner son analyse du mariage. Celui-ci est une institution, et donc la réponse sera de caractère juridique, mais c'est aussi un principe d'organisation de la société, et, par conséquent, la réponse aura également un caractère social. D'un point de vue juridique, il faut souligner que...
...mme l'union d'un homme et d'une femme, n'ont rien de contraire à la loi fondamentale. C'est dans le même sens qu'a tranché la Cour européenne des droits de l'homme. Elle a en effet affirmé, en particulier dans l'arrêt Schalk et Kopf contre l'Autriche, que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'impose pas aux États parties l'obligation d'instituer le mariage de personnes du même sexe. Dans cet arrêt, elle énumère les États signataires de la Convention qui ont reconnu le mariage homosexuel, et je veux rectifier la présentation quelque peu tendancieuse sur ce point de notre collègueNoël Mamère : certes, six États l'ont reconnu, mais sur un total de quarante-sept ! Ils constituent par conséquent une minorité. (« Et alors ? » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
...naître le mariage homosexuel, c'est ouvrir la porte à l'adoption, et par conséquent institutionnaliser le fait qu'un enfant puisse être élevé par deux pères et aucune mère ou par deux mères et aucun père. Nous savons bien que des situations de cette nature existent dans la société d'aujourd'hui et que, en France, probablement plusieurs dizaines de milliers d'enfants sont élevés par des couples du même sexe. Il n'est évidemment pas question de fustiger ces parents adoptifs ; au contraire, élever un enfant qui n'est pas le sien est toujours un très beau geste, une marque de générosité qu'il faut saluer. Mais est-ce une raison pour inscrire de telles situations dans notre droit ? C'est le coeur même de notre débat. Les auteurs du texte vont valoir que d'autres pays l'ont fait, essentiellement en Euro...
...ger qui guette le droit de la famille, ce serait de s'enfermer dans des traditions sans lien avec les évolutions de notre société. C'est d'ailleurs un fait qui a été rappelé : la majorité des enfants naissent actuellement hors du mariage, et, dans l'histoire de notre droit, conjugalité et filiation ont toujours suivi des chemins bien différents. En proposant l'ouverture du mariage aux couples de même sexe, nous proposons en réalité une réhabilitation de l'institution même du mariage, dans ce qu'elle apporte de reconnaissance, de stabilité et de protection à un couple. Nous renforçons le cadre juridique du mariage en lui permettant de s'ouvrir à tous. Nous le laisserions s'affaiblir si nous le laissions tel qu'il est, ouvert aux uns et fermé aux autres, en contradiction avec les valeurs de la Répub...
... 1789 ont choisi de poser les bases de la République et cela reste d'une grande actualité et d'une grande modernité. Pourtant, les hommes et les femmes n'ont pas tous et toutes les mêmes droits. Aujourd'hui, deux personnes qui s'aiment, si elles sont de sexe différent, peuvent sceller leur union comme elles l'entendent : elles peuvent vivre en concubinage, se pacser, se marier. Deux personnes de même sexe ne le peuvent pas : le mariage leur est interdit. Des membres de cette assemblée expliquent que le mariage est une institution, une union qui dépasse le contrat signé par deux époux. Mais la République n'a pas à sonder les coeurs de ses citoyens. Le sens que les époux donnent à leur mariage ne regarde pas la collectivité. Le mariage est, du point de vue de la République, un acte d'état civil. C...
...société. Le mariage repose en effet sur l'association des deux identités sexuelles et témoigne du sens de l'engagement du couple formé par un homme et une femme dans la société, et de la volonté de la société d'accorder des droits privilégiés à ceux qui s'engagent ainsi dans un lien juridique. Le législateur, dans sa sagesse, a donc estimé que la différence de situation entre des partenaires de même sexe et les couples composés d'un homme et d'une femme pouvait justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille. C'est donc logiquement que le Conseil constitutionnel, en janvier dernier, a déclaré l'interdiction du mariage homosexuel conforme à la Constitution, estimant que le « droit de mener une vie familiale normale » n'implique pas que les couples de même sexe puiss...
Le mariage assure également le renouvellement des générations, la lisibilité de la filiation et de la parenté, et apporte de la sécurité aussi bien aux adultes qu'aux enfants issus de leur communion sexuelle. Outre la remise en question de la différence sexuelle que pose le mariage entre deux personnes de même sexe, sa conséquence majeure en est la revendication au droit à l'adoption. Car, mes chers collègues, derrière la légalisation du mariage homosexuel se dessine un autre débat : celui de la légitimité de l'homoparentalité avec l'adoption d'enfants par des adultes de même sexe, ou bien le recours à des mères porteuses à l'étranger.
...ée majeure de la société en termes d'égalité des droits. Depuis les années 1960, l'égalité entre les hommes et les femmes a progressé en ce qui concerne le partage de l'autorité parentale. De nos jours, plus de la moitié des enfants naissent hors mariage et la distinction entre les enfants dits « légitimes » et les enfants dits « naturels » a été effacée. L'ouverture du mariage aux personnes de même sexe est donc une revendication légitime, une évolution du droit nécessaire, parce que la loi ne peut pas ignorer, refuser, rejeter la société réelle. Que certains, à droite, le veuillent ou non, nos concitoyens ne supporteront plus longtemps de se voir priver du type d'union de leur choix. En 1994 déjà, puis en 2001 et en 2003, le Parlement européen a adopté des résolutions demandant l'abolition de ...
...ciale qui participe d'un renforcement du principe d'égalité. Nous pouvons en effet nous interroger sur la place de la France en matière d'égalité et des droits et libertés individuels. Comme l'a rappelé notre collègue Noël Mamère, les Pays-Bas, la Belgique, l'Espagne, le Canada, l'Afrique du Sud, la Norvège, la Suède, le Portugal, pour ne citer qu'eux, reconnaissent le mariage entre personnes de même sexe. La France veut-elle rester à la remorque de ces pays ? Comme Robert Badinter le signalait déjà le 20 décembre 1981 dans son intervention à l'Assemblée nationale lors de la dépénalisation de l'homosexualité, « le moment est venu, pour l'Assemblée, d'en finir avec ces discriminations comme avec toutes les autres qui subsistent encore dans notre société, car elles sont indignes de la France ». Le...
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons ce matin une proposition de loi visant à ouvrir le mariage aux personnes de même sexe. Comme tout sujet de société, la question du mariage homosexuel est particulièrement sensible, car elle touche à la conscience de chacun d'entre nous et à nos convictions personnelles. Par ailleurs, elle transcende les clivages traditionnels. Des sensibilités différentes s'expriment à ce sujet, y compris dans ma famille politique, l'UMP. Je tiens d'ailleurs à remercier le président Christian Ja...
...Bien sûr, la création du PACS a représenté une avancée importante en termes de droit, ainsi qu'un choix renforcé en termes de contrat offert aux couples. Notre majorité a d'ailleurs, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, grandement contribué à l'amélioration du PACS. Mais ne devrions-nous pas franchir une nouvelle étape ? N'est-il pas de notre responsabilité de permettre aux couples de même sexe, à travers le mariage, de bénéficier des mêmes droits que les autres alors qu'il existe aujourd'hui des différences non négligeables entre PACS et mariage ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
On voit que cet argument n'est pas recevable, car il ne prend pas en compte les différentes situations de vie de nos concitoyens. Mes chers collègues, la société évolue, l'opinion évolue. Aujourd'hui, la grande majorité de nos compatriotes est favorable à l'ouverture du mariage civil aux couples de même sexe. Toutes les enquêtes d'opinion le montrent. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle un grand nombre de démocraties ont déjà, comme vous l'avez rappelé, monsieur Mamère, fait évoluer leur législation : la Belgique, les Pays-Bas, le Canada, tout comme l'Espagne et le Portugal ou encore l'Argentine. On constate aujourd'hui que, dans ces pays, la société a entériné cette évolution sans drame. Ne de...