Déposé le 16 juin 2010 par : M. Bapt.
Substituer aux mots :
« biberons produits à base de bisphénol A sont suspendues »,
les mots :
« contenants de denrées alimentaires produits à base de bisphénol A autres que les biberons sont suspendues, à compter du 1er janvier 2012, ».
Dès la promulgation du projet de loi portant engagement national pour l'environnement, la suspension de l'utilisation de biberons produits à base de BPA entrera en vigueur. Il s'agit d'une mesure positive mais qui doit être complétée.
En effet, elle ne résout pas de façon satisfaisante le problème spécifique de l'exposition des bébés à cette substance et il serait incohérent de protéger les nourrissons qui boivent au biberon et ne pas se préoccuper de leurs autres modes d'exposition au bisphénol. Le professeur Jean-François Narbonne, professeur de toxicologie à l'université de Bordeaux et expert à l'Afssa, estime ainsi que «c'est avant tout par l'intermédiaire de la mère que l'enfant est exposé au bisphénol A :in utéro, durant la gestation, mais également lors de l'allaitement, et là le biberon n'intervient pas !» (http://www.lanutrition.fr/Interdiction-des-biberons-au-bisphénol-A-de-la-poudre-aux-yeux-a-4304.html).
En premier lieu, la seule suspension de l'utilisation de biberons au BPA ne règle évidemment pas la question de l'exposition in utero, alors que des études scientifiques suggèrent au contraire une contamination in utero au travers de la barrière placentaire. Le Professeur Patrick Fénichel, chef du service endocrinologie du CHU de Nice, a ainsi indiqué qu'une étude devant être bientôt publiée avait, au travers de dosages réalisés dans le sang de cordon ombilical d'une centaine de bébés à la maternité de Nice, mis en évidence du BPA dans 90 % des échantillons...
Par ailleurs, le biberon n'est pas la seule source d'exposition des nouveaux-nés et des nourrissons. Le lait constitue également une voie d'exposition importante, qu'il soit maternel, par le biais de l'exposition des femmes aux produits alimentaires en contact avec des revêtements intérieurs contenant du BPA, ou maternisé, par le biais du BPA utilisé pour assurer l'étanchéité des boîtes contenant la poudre de lait. A ce titre, une interdiction des seuls contenants alimentaires à base de BPA destinés aux enfants de moins de trois ans, sur le modèle de la législation du Danemark, ne serait qu'un pis-aller n'apportant pas de solution globale aux risques de contamination par l'intermédiaire de la mère.
Dans son avis du 29 janvier 2010, l'Afssa a rendu publique une estimation intéressante de l'exposition au BPA des nourrissons.
Estimation de l'exposition au BPA des nourrissons
« Sur la base d'une consommation journalière de lait de 174 ml/kg de poids corporel, les données (USA, Japon, Canada) montrent qu'ils seraient exposés à :
• 0,33 - 1,27 μg de BPA/kg pc/j par le lait maternel (pour les concentrations moyennes et maximales en bisphénol A total) ;
• 0,20 - 2,1 μg de BPA/kg pc/j par le lait maternisé (par migration à partir de l'emballage) ;
• 0,017 - 0,12 μg de BPA/kg pc/j par migration à partir du biberon, dans des conditions réalistes d'utilisation ».
Source : avis de l'Afssa du 29 janvier 2010 relatif à l'analyse critique des résultats d'une étude de toxicité sur le développement du système nerveux ainsi que d'autres données publiées récemment sur les effets toxiques du bisphénol A
Cette estimation démontre que l'exposition des nourrissons par migration à partir du biberon est la plus faible, bien avant l'exposition par le lait maternisé et le lait maternel !
La représentation nationale a estimé lors du projet de loi portant engagement national pour l'environnement que les signaux d'alerte sur le BPA étaient suffisamment inquiétants pour justifier une suspension de la commercialisation des biberons.
Il est donc proposé, par souci de cohérence et dans le respect d'un principe de précaution désormais élevé au rang constitutionnel, d'adopter un amendement qui garantit efficacement, comme le prévoit le Préambule de la Constitution de 1946, la protection de la santé de l'enfant.
L'amendement vise à suspendre, à compter du 1er janvier 2012, la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de contenants de denrées alimentaires produits à base de Bisphénol A autres que les biberons.
La dénomination de « contenants de denrées alimentaires produits à base de Bisphénol A » est plus adéquate que la notion ambiguë de « plastiques alimentaires ». La suspension visée par l'amendement concernera donc, à compter du 1er janvier 2012, l'ensemble des matériaux et objets en matière plastique produit à base de Bisphénol A et destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires, à l'exception des biberons dont la commercialisation sera suspendue dès promulgation de la loi portant engagement national pour l'environnement.
L'article 18 du règlement du 27 octobre 2004 concernant les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires prévoit explicitement la possibilité de «mesures de sauvegarde » qui peuvent être provisoirement prises par les États pour suspendre un produit qui présente, en raison de nouvelles données ou d'une nouvelle évaluation des données existantes, un danger pour la santé humaine, ce qui est bien le cas du BPA.
La fixation d'une période transitoire avant l'entrée en vigueur de la suspension, fixée au 1er janvier 2012, permettra utilement à l'ensemble des autorités de contrôle concernées de poursuivre leurs travaux de recherche sur l'innocuité des matériaux de substitution et laissera également aux industriels la possibilité d'adapter leur processus de fabrication, ce qu'il aurait d'ailleurs déjà commencé de faire (la société Eden Foods produit ainsi des boîtes de conserve sans BPA depuis 1999).
On rappellera que l'État du Connecticut a interdit en mai 2009, avec une entrée en vigueur à compter du 1er octobre 2011, la fabrication et la vente de contenants de denrées alimentaires comportant du Bisphénol A et que d'autres États, comme la Californie, seraient en voie de prendre la même mesure. Par ailleurs, le ministère de la santé du Costa Rica vient tout récemment de publier un décret exécutif interdisant l'utilisation du BPA dans les biberons et les emballages alimentaires destinés aux enfants.
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