Déposé le 27 septembre 2011 par : M. Bapt, Mme Lemorton, Mme Marisol Touraine, M. Mallot, M. Jean-Marie Le Guen, M. Renucci, Mme Crozon, M. Nauche, les membres du groupe Socialiste, radical, citoyen, divers gauche.
Après l'article L. 1143-1 du code de la santé publique, il est inséré un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Action de groupe
« Art. L. 1144-1. - L'action de groupe a pour objet, dans les conditions prévues au présent chapitre, de réparer intégralement tous les préjudices subis individuellement par plusieurs personnes physiques, qu'il s'agisse d'une atteinte à l'intégrité physique ou psychologique, ayant pour origine commune l'inexécution ou la mauvaise exécution par un exploitant du médicament des obligations légales, réglementaires, et contractuelles en vigueur nées de l'exploitation et de la prescription du médicament.
« Art. L. 1144-2. - L'action est introduite par une association agréée en application de l'article L. 1114-1 reconnue d'utilité publique et représentative sur le plan national aux seules fins de faire reconnaître le principe de la responsabilité du professionnel, de prononcer la condamnation de principe et de fixer le mode de calcul de l'indemnisation envers les victimes, qu'elles soient directes comme indirectes.
« Art. L. 1144-3. - Les victimes ayant subi un dommage objet de l'action mentionnée à l'article L. 1144-1, ainsi que les victimes par ricochet, bénéficient de l'interruption de la prescription résultant de l'introduction de l'action de groupe, pendant la durée de la procédure et, au plus tard, jusqu'au jour du prononcé du jugement statuant sur la responsabilité de l'exploitant.
« Art. L. 1144-4. - Le juge ordonne, aux frais de l'exploitant intéressé, la diffusion, par tous moyens appropriés, de l'information sur le jugement déclarant sa responsabilité afin de permettre aux victimes ayant subi un dommage objet de l'action prévue par l'article L. 1144-1 d'en avoir connaissance.
« Art. L. 1144-5. - Tout personne physique qui estime avoir subi un dommage de la nature de celui ou de ceux qui ont fait l'objet du jugement déclaratoire de responsabilité peut demander à l'exploitant intéressé une indemnité correspondant aux préjudices subis.
« L'exploitant est tenu d'adresser à la victime une offre d'indemnité ou d'indiquer les motifs du refus dans des conditions et délais fixés par décret en Conseil d'État.
« Art. L. 1144-5. - La victime qui refuse l'offre de l'exploitant ou à laquelle aucune offre d'indemnité n'a été faite dans le délai imparti, adresse une demande à la juridiction ayant prononcé le jugement déclaratoire de responsabilité.
« Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat ou avoué. Elles ont la faculté de se faire assister ou représenter selon les règles applicables devant le tribunal d'instance ou par une des associations visées à l'article L. 1142-2.
« Art. L. 1144-6. - Lorsqu'aucune offre d'indemnité n'a été faite dans le délai imparti ou si l'offre proposée par l'exploitant est manifestement insuffisante, le juge qui fixe l'indemnité peut d'office condamner l'exploitant à verser à titre de pénalité à la victime une somme au plus égale à 50 % de l'indemnité allouée.
« Art. L. 1144-7. - Les tribunaux de grande instance appelés à connaître des actions de groupe sont déterminés par décret.
« Art. L. 1144-8. - Les modalités d'application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'État. ».
Cet amendement vise à créer la possibilité d'action de groupe.
Le Président de la République avait demandé en début d'année 2005 au Gouvernement de proposer une modification de la législation pour permettre à des groupes de consommateurs et à leurs associations d'intenter des actions collectives contre les pratiques abusives observées sur certains marchés. Malgré une rédaction assez timide, ce projet a été retiré de l'ordre du jour de l'Assemblée nationale par le gouvernement lui-même.
Il n'y a donc rien en droit français si ce n'est la seule action ouverte aux associations de consommateurs et qui permet de regrouper des actions individuelles de consommateurs, mais l'action en représentation conjointe, n'a été que très peu utilisée car trop lourde et complexe dans sa mise enoeuvre.
Or l'affaire du MEDIATOR a permis de mesurer à quel point les victimes sanitaires étaient démunies face à des grands groupes industriels qui avaient les capacités économiques et judiciaires de retarder les procédures et de faire subir un véritable parcours du combattant aux victimes déjà atteintes psychologiquement ou physiquement ainsi qu'à leurs familles.
C'est bien, ici, l'égalité des armes qui est niée du fait de l'inadaptation de nos lois et du refus des gouvernements successifs de légiférer en ce sens.
Une association a fait un parallèle avec le drame de l'amiante, et a rappelé que « personne n'aurait imaginé que l'on confie la création du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante à la société Eternit ».
Il faut déplorer par ailleurs, que l'action publique (l'action pénale) n'ait pas été engagée, d'abord, par le parquet (Ministère public) à l'initiative de l'État comme le Garde des sceaux en avait le pouvoir et qu'il ait fallu attendre le concours de la CNAMTS, de la Mutualité et des associations de victimes pour que le Juge pénal soit saisi et qu'une instruction soit initiée.
Il faut dire que c'est ici une constante que la démission de l'État dans la recherche des auteurs d'infractions pénales en matière de scandales sanitaires. On rappellera que les veuves de l'amiante ont été contraintes de se battre pour que leurs plaintes soient enregistrées et qu'elles attendent depuis plus de 15 ans que des moyens soient réellement attribués au pole de santé publique pour que ce dossier puisse, enfin, être présenté à une juridiction de jugement.
Il y a, ici, un sentiment profond d'injustice pour les victimes et leurs familles lorsque l'on sait la promptitude, ces dernières années, à engager des actions pénales pour des motifs futiles.
Par ailleurs, le traitement sans cohérence des drames sanitaires conduit à une injustice et à une discrimination majeure à l'endroit d'autres victimes qui ont assisté à une sur-médiatisation de l'affaire du Médiator dont l'ampleur n'a d'égal que le silence qu'elles doivent supporter pour elles.
Ainsi dénoncé le déni actuel à l'endroit, par exemple, des victimes du distilbène, ce produit administré en masse jusque dans les années 80 aux femmes enceintes avec les conséquences que l'on connaît jusqu'à la troisième génération. De même, le sort des victimes des syndromes de Lyell et de Stevens-Johnson, atteintes graves de la peau et des muqueuses, a été évoqué également.
Il est inconcevable que toutes ces victimes doivent - parce que leur pathologie n'est pas due à tel ou tel médicament - être les « oubliées » de l'indemnisation et qu'elles aient à supporter, seules, à leur frais et dans le silence des médias, des années de procédure, d'expertises et de contre-expertises pour espérer obtenir enfin une reconnaissance de responsabilité et une réparation de leur préjudice. Pourtant, comme pour le Médiator, les effets indésirables démontrés et les dommages irrémédiables causés sur leur santé sont le fruit de médicaments ou de dispositifs qui ont été validés par les autorités administratives et financées par la collectivité.
Aujourd'hui, il est urgent de faire adopter dans notre arsenal judiciaire une action de groupe permettant aux victimes du médicament une indemnisation rapide et directe auprès du responsable sans attendre 10 ou 15 années de procédure ou la constitution d'un énième fonds d'indemnisation dont le financement, au final, est le plus souvent assuré par les deniers publics.
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