Déposé le 7 février 2011 par : M. Mamère, M. Yves Cochet, M. de Rugy, Mme Billard.
I. - Une personne peut demander qu'il soit mis fin à sa vie par un moyen indolore lorsqu'elle juge que son état de santé, que la qualité et la dignité de sa vie l'y conduisent.
II. - L'article L. 1110-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1110-2. - La personne malade a droit au respect de sa liberté et de sa dignité. Elle peut bénéficier dans les conditions prévues par le présent code, d'une aide active à mourir. »
L'éthique et la pratique médicales ont connu en France, au cours des quatre dernières décennies, de profondes évolutions offrant à nos concitoyens toujours plus d'autonomie et de liberté. Ainsi, aujourd'hui, plus personne ne conteste sérieusement les bienfaits de la contraception, de l'interruption volontaire de grossesse, du prélèvement d'organes sur les êtres vivants, de la procréation médicalement assistée, de la stérilisation à caractère non thérapeutique par ligature des trompes ou par vasectomie... Ce qui a changé aussi, c'est aussi et surtout la relation patient/médecin.
Cette relation a connu de grandes transformations, et plus personne ne saurait prétendre que le patient ou le malade n'est qu'un spectateur passif de sa situation, dépourvu de libre arbitre et qu'il est le seul à ne pas être en mesure de dire ce qui lui convient, ce qu'il souhaite pour lui-même.
Il reste pourtant une dernière liberté à conquérir : la liberté pour les personne atteintes d'une maladie incurable d'avoir le droit de mourir dans la dignité.
Les législateurs ont progressivement pris conscience de l'importance de cette question.À cet égard la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients, en reconnaissant à ces derniers le droit de refuser toute investigation sur leur personne ou toute thérapeutique alors même que leur refuspourrait mettre leur vie en danger, a constitué une réelle avancée.
Des cas dramatiques, celui de Vincent HUMBERT et celui de Chantale SEBIRE par exemple sont venus pour nous rappeler l'exigence des patients de décider lucidement et clairement de leur sort.
Ce type de situation a à tout le moins permis de mettre en lumière la volonté du patient de passer du rôle de spectateur à celui d'acteur de sa maladie.
La sédation terminale, qui estla technique la plus pratiquée dans les unités de soins intensifs, est loin d'être satisfaisante : cette méthode, qui consiste à « faire dormir le patient », n'est en fait qu'une euthanasie active que le médecin refuse d'assumer au plus grand préjudice de la personne concernée.
De surcroît, la mort désirée par la personne malade ne survient qu'après une période qui peut être plus ou moins longue selon son état au moment de sa mise en sommeil, l'arrêt ou non de l'hydratation et les complications éventuelles. Certes, cette solution satisfait à la demande du patient de ne plus vivre ; elle ne satisfait pourtant pas à celle, légitime, d'une fin de vie calme, rapide et digne.
Enfin, il estflagrant de constater que, dans les payss'étant dotés d'une législation autorisant le droit de mourir dans la dignité, loin de limiter la création de centres de soins palliatifs, ont, tout au contraire, favorisé le développement de ces derniers.
La Hollande, la Suisse romande et alémanique, la Belgique, l'État d'Oregon aux États-Unis et bien d'autres pays ont mené des réflexions sur le droit à mourir dans la dignité. Ces pays se sont dotés d'une législation en conséquence.
La nuit du 19 au 20 février 2008, le Luxembourg est devenu le troisième pays européen à autoriser le droit à l'aide active à mourir. Les députés luxembourgeois se sont en effet majoritairement déclarés favorables à la loi Err/Huss sur la dépénalisation de l'euthanasie. Jean Huss est un député Vert qui est l'origine de ce projet de loi et en est à la fois le co-rapporteur. Pour démontrer la justesse de ce projet, il a déclaré : « ce n'est pas dans la légalité que les abus ont lieu, mais bel et bien dans l'illégalité ».
En France, le débat est ouvert depuis quelques années. Rappelons-nous le cas de Mme Chantal Sébire, atteinte d'une tumeur incurable causant une dégradation de son visage et de nombreuses souffrances. Lundi 17 mars 2008, le vice-président du Tribunal de Grande instance de Dijon a rejeté sa demande de mourir dans la dignité. Le magistrat a écrit que cette requête « s'oppose au code de déontologie médicale, lequel dispose que le médecin n'a pas le droit de délibérément donner la mort ». La loi sur la fin de vie du 22 avril 2005 (appelée Loi Leonetti) tend en effet à instaurer un droit au « laisser mourir », contribuant à aggraver les souffrances de personnes déjà gravement malades et qui ne seront plus alimentées.
Il est temps de passer de la répression pénale au droit.
Actuellement, la législation fait de l'euthanasie un crime. On observe déjà des pratiques qui quoique non condamnées ne sont pas éloignées de l'euthanasie. En réalité, l'euthanasie est pratiquée par les médecins : en réanimation, 50 % des patients décèdent après décision médicale (selon Le Monde du 8 mai 2002 se référant à une enquête de The Lancet). C'est le médecin qui décide d'arrêter un appareil ou de ne pas en ajouter un. En néonatologie, l'euthanasie est un geste fréquent - évalué, discuté, accepté.
Contrairement à d'autres législations comme celles de l'Espagne ou celui de la Suisse, notre code pénal ne fait aucune distinction entre la mort donnée à autrui par compassion et celle préparée et infligée, qualifiée d'assassinat et punie de réclusion criminelle à perpétuité. À la législation répressive s'ajoutent les règles de déontologie, qui sont aussi dissuasives. Le code de déontologie dans son article 38 stipule que le médecin « n'a pas le droit de provoquer délibérément la mort » de son malade.
Cependant il arrive au corps médical de pratiquer ce que l'on peut qualifier de « lente euthanasie ». Il s'agit alors d'administrer à un malade des antalgiques de plus en plus puissants destinés à alléger sa souffrance, même s'ils risquent d'abréger sa vie. Cette façon de procéder est, en principe, non répréhensible, puisque l'intention du médecin n'est pas de provoquer la mort de son patient, mais de soulager sa douleur. Le critère réside donc dans l'intention de l'auteur de l'acte et l'excuse, de ce que l'on dénomme « la loi double effet », permet de pratiquer une lente euthanasie pour les malades en phase terminale, éprouvant d'intenses douleurs physiques. Cette façon de procéder a certes des avantages, mais apparaît aussi comme une profonde hypocrisie, montrant la situation de malaise dans lequel se trouve un médecin confronté à la phase ultime et douloureuse de la maladie de son patient.
S'il est accusé d'avoir agi avec l'intention de provoquer la mort de ce malade, il risque outre une condamnation pénale d'être suspendu ou interdit de l'exercice de sa profession.
Toutefois, encore aujourd'hui, la France reste l'un d'entre les pays développés dont la loi et même la pratique sont le moins favorables à l'exercice du droit fondamental de chaque être humain sur sa propre vie.
Le Comité Consultatif National d'Éthique a admis le principe d'une exception euthanasique.
Cette législation est en contradiction totale avec les souhaits plusieurs fois exprimés, à l'occasion d'enquêtes d'opinion, par les citoyens de notre pays. Cette question fait certes débat, mais nous savons que dans chaque famille politique, nous trouvons des partisans du droit de mourir dans la dignité. Ceux-ci estiment, avec constance, que sur ce point la loi, comme la déontologie médicale, est devenue inadéquate, anachronique, injuste. Pour ne répondre qu'à la question aujourd'hui posée, la dépénalisation de l'aide apportée à mourir, sur la demande expresse de la personne concernée, est souhaitée par 88 % des sondés en 2001 (sondage IFOP 2002). Ce sondage a été réalisé alors qu'était intervenue la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs.
Le moment est venu de venir en aide à celles et ceux qui sont dans une situation si douloureuse que leur volonté de quitter la vie soit devenue plus forte que leur désir d'y demeurer encore quelques jours ou quelques semaines.
Cet amendement et ceux qui suivent et le complètent ne visent pas à banaliser un acte qui engagera toujours l'éthique et la responsabilité de ses acteurs
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