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Philippe Gosselin
Question N° 97308 au Ministère de la Culture


Question soumise le 28 décembre 2010

M. Philippe Gosselin attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur les prérogatives des architectes des bâtiments de France dans les périmètres de monuments historiques. Dès lors que la co-visibilité entre un projet de construction et un monument historique est établie, il est nécessaire de recueillir, lors de l'instruction du permis de construire, l'avis conforme de l'architecte des bâtiments de France (ABF) au titre des lois de 1913 et de 1943 relatives à la protection des monuments historiques et de leurs abords. Cet avis conforme, destiné à protéger les abords des monuments historiques, est discutable lorsqu'une collectivité, pour réaliser un bâtiment public, choisit son maître d'oeuvre après concours. En effet, la mise en place d'un concours appelle la constitution d'un jury composé d'élus et de personnes qualifiées dans la maîtrise d'oeuvre, lequel après examen des projets et débats, propose un lauréat au pouvoir adjudicateur. L'architecte lauréat doit ensuite conduire son dossier de conception de projet dans une forme identique à celle qui a été présentée au concours avant de solliciter un permis de construire. Intervenant après toutes ces étapes, la nécessité d'obtenir l'avis conforme de l'ABF paraît injustifiée car, trop souvent, cela conduit à remettre en cause les projets dans une logique tendant à limiter la création architecturale. C'est pourquoi ce pouvoir de l'ABF est de plus en plus contesté par les collectivités, alors qu'avec la procédure du concours elles se sont données les moyens matériels, professionnels et financiers pour conduire leurs projets, et alors même que certains ABF refusent manifestement de participer aux jurys. Il semble ainsi de plus en difficile de faire cohabiter la procédure de concours en périmètre de monument historique et le principe de l'avis conforme de l'ABF. Des évolutions de la loi pourraient dès lors être envisagées qui permettraient de concilier le respect du patrimoine historique, des finances publiques et de la liberté des élus quant au choix de l'architecture sur leur territoire. Ainsi, l'ABF pourrait faire obligatoirement partie du jury de concours, avec la faculté de s'exprimer comme tout autre membre du jury, disposant en ce sens d'une voix délibérative. Dans ce cas de figure, la sélection opérée par le jury se substituerait à l'« avis conforme » de l'ABF lors de l'instruction du permis de construire. Une alternative reviendrait à exclure du champ des projets soumis à l'avis conforme de l'ABF les projets relevant de la procédure de jury. Il le remercie donc de bien vouloir lui indiquer son sentiment à l'égard de ces propositions d'évolutions et dans quelle mesure l'une ou l'autre d'entre elles pourraient être envisagées.

Réponse émise le 27 mars 2012

Le pouvoir d'avis conforme de l'Architecte des bâtiments de France (ABF) aux abords d'un monument historique et le choix d'un maître d'œuvre par la procédure de concours ne sont pas de même nature. En effet, le régime des abords des monuments historiques est une servitude qui relève du code du patrimoine et qui s'impose à tous les projets de construction, tandis que la procédure de concours est destinée au seul choix après mise en concurrence d'un projet architectural. L'avis de l'ABF a pour objet le maintien d'un environnement cohérent dans le champ de visibilité des monuments historiques. Il s'agit d'y assurer une continuité urbaine, paysagère ou architecturale, de façon à préserver les alentours des monuments protégés et garantir ainsi leur bonne présentation. L'ABF traduit ces principes par l'analyse des implantations, des morphologies et de l'aspect des projets qui lui sont soumis. Il ne s'agit en aucun cas de limiter la création architecturale mais de l'encadrer afin qu'elle soit adaptée au contexte. Le décret n° 79-180 du 6 mars 1979 modifié instituant les services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDAP), devenus depuis novembre 2010 services territoriaux de l'architecture et du patrimoine (STAP) dispose, par ailleurs, dans son article 2 que ces services, en parallèle des missions de l'ABF, ont pour mission: « ...de promouvoir une architecture et un urbanisme de qualité s'intégrant harmonieusement dans le milieu environnant». Si, avec la procédure du concours, les collectivités se sont effectivement données les moyens matériels, professionnels et financiers de conduire leurs projets, la prise en compte, dans le cahier des charges de la consultation, des conditions dans lesquelles un projet, aux abords d'un monument historique, et plus généralement en espace protégé, peut être envisagé, permettra d'éviter toute situation conflictuelle par la suite. L'intérêt d'associer l'ABF dès la programmation puis à la rédaction du cahier des charges permet d'y intégrer ses premières réflexions sur les conditions de la faisabilité de l'opération et sa compatibilité avec le site choisi. Il pourra de cette façon expliciter les lignes fortes du cadre urbain ou paysager et joindre le cas échéant une note écrite de sensibilité patrimoniale et paysagère faisant ressortir les éléments fondamentaux du contexte à prendre en compte. La circulaire n° 2002-019 du 5 novembre 2002 relative à la place des STAP dans les opérations conduites sous maîtrise d'ouvrage publique a eu pour objet de clarifier le rôle que doit jouer ce service dans les procédures de sélection de maître d'œuvre. Pour ce qui est de la participation des ABF dans les jurys de concours, la circulaire prévoit deux cas : 1) Pour des opérations situées en espaces protégés, soumises à l'avis conforme de l'ABF, il est instamment demandé aux ABF de ne pas participer au jury avec voix délibérative, afin de protéger la liberté et la légitimité de l'avis qui sera donné plus tard en application de la loi. En revanche il est recommandé, dans cette circulaire, que l'ABF soit entendu en tant qu'expert, tout au long de la procédure de concours. A cet effet, il est important qu'il puisse participer aux travaux de la commission technique, dont le rôle est essentiel pour analyser l'insertion du projet dans le tissu urbain ou le cadre paysager. Il est également souhaitable qu'il puisse être entendu par le jury sur les règles attachées au site du projet ainsi que sur les points sensibles et éclairer le jury sur son analyse des projets. 2) En dehors des espaces protégés, où l'avis de l'ABF n'est pas légalement requis, il est recommandé que les ABF puissent, le plus souvent possible, sous réserve de leur disponibilité, faire partie des jurys de concours de sélection de la maîtrise d'œuvre pour faire valoir la qualité architecturale et urbaine et mettre à profit leur expertise et savoir-faire dans ce domaine. Aucune évolution législative n'est donc envisagée à ce stade pour concilier le respect du patrimoine historique et de la liberté des élus quant au choix de l'architecture sur leur territoire. L'association de l'ABF aux projets des collectivités, dès la rédaction du programme, et la possibilité pour eux de s'exprimer au moment de l'analyse des projets, sans faire partie du jury si le projet est prévu dans un espace protégé, sont des conditions suffisantes pour éviter les situations de remise en cause de projets lauréats. 

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