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Philippe Tourtelier
Question N° 76692 au Ministère de l'Écologie


Question soumise le 20 avril 2010

En pleine année internationale de la biodiversité, au moment où la France veut afficher des ambitions dans ce domaine, M. Philippe Tourtelier attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur les critiques et l'inquiétude que le projet de plan de gestion de l'anguille suscite. Alors que cette espèce de poisson migrateur (qui traverse l'océan Atlantique d'ouest en est, portée par le gulf stream) est classée en danger critique d'extinction au niveau mondial, le manque d'ambition, l'inadéquation de ce plan et le manque de concertation qui a prévalue à son élaboration, sont dénoncés tant par des scientifiques, que par des associations de protection de la nature, que par des pêcheurs. La Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique a notamment manifesté une contestation grandissante locale et régionale. En application du règlement R(CE) n° 1100-2007 du 18 septembre 2007, la France a transmis à la Commission européenne un plan de sauvegarde de l'anguille européenne, fin décembre 2008. En son temps, les premières orientations de ce plan de gestion ont été dénoncées, et des propositions ont été faites, malheureusement rejetées. Le volet prélèvement (moratoire de pêcherie de cinq ans) et gestion des ouvrages pénalisant la circulation des anguilles, a notamment été écarté. La plan retenu actuellement ne permettra pas de répondre à l'objectif européen de sauvegarde et s'apparente davantage à un plan de gestion guidé par des impératifs « économiques » favorables à la pêche professionnelle et commerciale. Celle-ci est particulièrement friande de civelles, un des premiers stades de la métamorphose de l'anguille, particulièrement exploitées en raison d'une demande accrue... et d'une abondance réduite. La surpêche de la civelle (cet alevin est également appelé pibale dans le sud-ouest) est principalement motivée par l'exportation, notamment à destination de l'Espagne et des pays asiatiques, principaux consommateurs et commanditaires. Alors que la France s'est dotée d'une stratégie nationale de la biodiversité, et propose, notamment dans le cadre du projet de loi Grenelle 1, la mise en place d'ici 2013 de plans de conservation ou de restauration efficaces pour les espèces en danger critique d'extinction, l'ensemble de la communauté scientifique spécialiste de l'espèce s'accorde pour dénoncer un plan peu ambitieux qui condamne l'espèce à moyen terme. Scientifiques, associations de protection de la nature, mais aussi pêcheurs considèrent que le projet de plan est insuffisant et inefficace. En effet, les mesures du plan semblent en disproportion totale avec le haut niveau de protection et le statut dont l'anguille jouit au niveau international, en vertu, notamment, de son classement en annexe de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées (CITES) et de son inscription sur la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) relative aux espèces menacées « en danger critique d'extinction ». Tout récemment, alourdissant encore ces critiques, la commission faune et habitats du Conseil national de protection de la nature a adopté une motion très défavorable au plan soutenu par son ministère. Il lui demande donc de prendre rapidement toutes les mesures qui s'imposent pour revenir sur ce plan de gestion de l'anguille dont le niveau d'exigence décidera de toute responsabilité de la survie ou de l'extinction de ce poisson migrateur unique. Il lui rappelle que le déclin de cette espèce dans les eaux territoriales françaises est connu depuis trente ans, que l'urgence est criante du point de vue du développement durable, donc des générations futures.

Réponse émise le 15 juin 2010

Le plan de gestion de l'anguille a été transmis à la Commission européenne le 18 décembre 2008, conformément aux dispositions contenues dans le règlement (CE) n° 1100/2007 du 18 septembre 2007, qui établit un cadre pour la protection et l'exploitation durable du stock d'anguilles européennes. L'objectif de ce règlement européen est d'assurer un taux d'échappement de 40 % de géniteurs par rapport à la biomasse, sans impact de l'homme. Le règlement prévoit que les mesures soient prises dans le but de réaliser cet objectif à long terme sans plus de détails sur les délais. Le plan national de gestion de l'anguille a fait l'objet d'une évaluation par le Conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM), puis d'une révision prenant en compte cet avis. Cette procédure a permis à la Commission européenne, après avis des États membres, d'approuver ce plan par décision du 15 février 2010. Le CIEM a estimé que la répartition des efforts demandés entre les pêcheurs de loisir, les pêcheurs professionnels et les gestionnaires d'ouvrage, notamment hydroélectriques, est équilibrée. Le CIEM puis la Commission européenne ont donc considéré que les engagements pris par l'État français permettent d'atteindre les objectifs fixés par le règlement européen (CE) n° 1100/2007 du 18 septembre 2007. Pour ce qui concerne spécifiquement les mesures relatives au prélèvement par pêche, la définition d'un calendrier d'ouverture de la pêche à l'anguille jaune, d'un calendrier et la mise en place de quotas individuels pour la pêche aux anguilles de moins de 12 cm (civelles) et de l'interdiction de la pêche à l'anguille argentée, sauf en Loire et en Rhône aval pour les pêcheurs professionnels, ainsi que la mise en place d'une traçabilité des anguilles récoltées, sont de nature à permettre d'atteindre les objectifs du règlement européen. Des objectifs ambitieux ont été fixés dans le plan de gestion 2009-2012. D'ici 2012, une réduction de la mortalité par pêche de 40 % de l'anguille de moins de 12 cm et de 30 % pour l'anguille jaune a été fixée. Ces objectifs seront poursuivis d'ici 2015 pour atteindre une réduction de 60 % de la mortalité par pêche de l'anguille de moins de 12 cm et de l'anguille jaune et argentée. Par ailleurs, l'inscription de l'anguille à l'annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages (CITES) et la fixation, à ce titre, d'un quota d'exportation hors Union européenne conduisent à une limitation des exportations. Le maintien d'une pêche de loisir à caractère sociétal a été pris en compte. Si la pêche de l'anguille argentée et de l'anguille de moins de 12 cm est interdite pour le loisir, les objectifs concernant la pêche amateur de l'anguille jaune sont identiques à ceux fixés pour la pêche professionnelle. Le règlement européen prévoit que 35 %, puis 60 % au 31 juillet 2013, des anguilles de moins de 12 cm prélevées soient réservées aux programmes de repeuplement des États membres, afin que ces anguilles soient réintroduites dans des habitats propices à leur libre circulation et puissent ainsi à terme s'échapper vers la mer des Sargasses pour s'y reproduire. Le plan national prévoit que 5 à 10 % des anguilles de moins de 12 cm prélevées soient réintroduites sur le territoire national. Enfin, de nombreuses actions ont été initiées pour améliorer le franchissement des ouvrages par les anguilles. Cette thématique a été développée en synergie avec le plan d'actions pour la restauration de la continuité écologique des cours d'eau lancé par la secrétaire d'État chargée de l'écologie. Ce plan est donc un des éléments qui va contribuer à la mise en oeuvre des actions pour améliorer la qualité des cours d'eau, à la fois au regard des objectifs de la directive cadre sur l'eau (DCE) mais aussi en termes d'amélioration des habitats.

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