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Franck Marlin
Question N° 43487 au Ministère de l'Intérieur


Question soumise le 3 mars 2009

M. Franck Marlin appelle l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur les conditions de délivrance et de renouvellement de la carte nationale d'identité et du passeport des citoyens français. En effet, la réglementation nationale impose désormais de recueillir l'image numérisée du visage et les empreintes digitales de huit doigts du demandeur, afin d'alimenter un fichier informatique national dénommé « Delphine » chargé de conserver les photos et les empreintes de tous les citoyens. Toutefois, en France, cet enregistrement biométrique est soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Or, en ce qui concerne les caractéristiques de ce système, il apparaît que la CNIL a rendu un avis négatif, celle-ci privilégiant le stockage des données sur un support individualisé, la carte nationale d'identité ou le passeport eux-mêmes, et non sur une base de données centralisée qui comporte pour elle « des risques sérieux d'atteintes graves à la vie privée et aux libertés individuelles ». La commission a également indiqué qu'au regard de l'importance du sujet et des libertés en jeu, seul le pouvoir législatif était compétent. Dès lors, on peut légitimement s'interroger de la pertinence de ce fichage généralisé et systématique des citoyens, qui est effectué en dehors de toute infraction pénale, pour obtenir un simple document administratif national, d'autant qu'il convient de préciser que dans un arrêt « S. et Marper c. Royaume-uni » du 4 décembre 2008 de la Cour européenne des droits de l'Homme (requêtes n° 30562-04 et n° 30566-04), la grande chambre de la Cour a conclu, à l'unanimité, à la violation de l'article 8 de la convention, concernant la conservation permanente et illimitée dans le temps d'empreintes digitales, d'échantillons cellulaires et de profils ADN. La Cour a également estimé que « le caractère général et indifférencié du pouvoir de conservation des empreintes digitales, échantillons biologiques et profils ADN des personnes non condamnées ne traduit pas un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu, et que l'État défendeur a outrepassé toute marge d'appréciation acceptable en la matière. La conservation en cause s'analyse en une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et ne peut passer pour nécessaire dans une société démocratique », en rappelant que, dans ce contexte, il est essentiel de fixer des règles claires et détaillées régissant la portée et l'application des mesures et imposant un minimum d'exigences. Aussi, il lui demande si le Gouvernement entend assouplir les textes réglementaires concernant les conditions de délivrance et de renouvellement de la carte nationale d'identité et du passeport des citoyens français dans ce domaine et s'il entend rapidement présenter au législateur un projet de texte, conformément à l'article 34 de notre Constitution.

Réponse émise le 10 août 2010

Les passeports sont délivrés grâce à une base centralisée de traitement automatisé de données à caractère personnel dénommée « Titres électroniques sécurisés » (TES), qui contient des données biométriques telles que l'image numérisée du visage et celle des empreintes digitales, conservées pour une durée limitée à dix ans pour les mineurs ou quinze ans pour les majeurs. Dans sa délibération du 11 décembre 2007, la Commission nationale de l'informatique et des libertés a considéré que le « traitement, sous une forme automatisée et centralisée de données telles que les empreintes digitales (...) ne peut être admis que dans la mesure où des exigences de sécurité ou d'ordre public le justifient », ce qu'elle contestait au cas d'espèce. Or, l'existence de cette base de données se justifie par le souci d'améliorer la mise en oeuvre des procédures d'établissement, de délivrance, de renouvellement et de retrait des passeports ainsi que par la nécessité de mettre à la disposition des services et agents spécialement et individuellement habilités à y accéder, des données fiables tendant à faire obstacle à toute tentative de fraude lors d'une demande de renouvellement de passeport. La base « TES » constitue ainsi une réponse mesurée et adaptée à la nécessité de protéger les titulaires de passeport contre les usurpateurs d'identité et les faussaires. C'est également grâce à cette base de données qu'a pu être mise en oeuvre la récente simplification de la procédure de renouvellement des titres de voyage. L'allègement des pièces demandées a en effet été possible dès lors que la base de données contient suffisamment de renseignements sur le titre dont le renouvellement est demandé. La création de cette base de données résulte du décret n° 2008-246 du 30 avril 2008 modifiant le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports, pris après consultation de la CNIL et du Conseil d'État. La loi « informatique et libertés » renvoie en effet la création d'une telle base de données au pouvoir réglementaire. Les modalités de constitution de cette base centralisée des demandeurs et titulaires de passeports n'ont donc pas méconnu la répartition constitutionnelle des compétences telle qu'elle résulte de l'article 34 de la Constitution. Par ailleurs, le fonctionnement de cette base de données est entouré de garanties quant à la nature des données, leur conservation, leur traçabilité de consultation, l'information des personnes et les sanctions pénales. Il est prévu expressément que le traitement ne comporte pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir de l'image numérisée du visage. L'utilisation non autorisée des données personnelles, notamment biométriques, est sanctionnée, dans les conditions prévues au chapitre VII de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal. Le décret du 30 décembre 2005 prévoit en outre un droit à l'information des personnes concernées (art. 25) et accorde un droit d'accès et un droit de rectifications à ces dernières (art. 25 et 26). De par ces garanties, cette base de données, constituée exclusivement pour établir des documents d'identité et de voyage, n'est donc pas comparable à celle qui a fait l'objet de la décision rendue le 4 décembre 2008 par la Cour européenne des droits de l'Homme dans l'affaire « S. et Marper c/Royaume-Uni », qui avait pour objet de conserver, sans limitation de durée, les empreintes digitales et génétiques des personnes ayant fait l'objet d'une enquête relative à la commission d'une infraction pénale, et son fonctionnement n'est pas contraire à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme.

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