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Philippe Tourtelier
Question N° 31237 au Ministère de la Santé


Question soumise le 23 septembre 2008

M. Philippe Tourtelier attire l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur l'ouverture aux investisseurs financiers des sociétés d'exercice libéral (SEL), en particulier les professionnels libéraux de santé. Sur injonction de la Commission européenne adressée à la France en 2006, les SEL des professions de santé sont remises en cause. L'avis motivé de la Commission fait suite à une plainte de groupes financiers qui dénoncent des freins à leur entrée dans le capital de sociétés d'exploitation de laboratoires d'analyses de biologie médicales. Pour la Commission, la réglementation française des SEL constitue une entrave à la liberté d'établissement prévue à l'article 43 du traité communautaire. La Commission demande donc une ouverture totale du capital social des SEL, s'opposant ainsi à la limitation des prises de participation dans celles-ci. Cette position de la Commission remet en cause des dispositions fondamentales de la loi du 31 décembre 1990 applicable à toutes les professions libérales exerçant sous forme de société comparable. Ainsi en France, les SEL exigent que le capital soit majoritairement détenu par des professionnels diplômés et qu'ils exercent effectivement leur profession au sein de ces structures. S'agissant par exemple des sociétés d'exercice libéral de biologistes, la loi limite à 25 % le capital pouvant être détenu dans les sociétés d'exercice libéral par des personnes physiques ou morales autres que les biologistes. Il en est de même pour le capital d'une SEL de médecins. L'ouverture sans limitation du capital des sociétés d'exercice libéral aux capitaux non professionnels représente un grave danger pour la santé publique et constitue une menace sur les professionnels de la santé. De l'avis même des ordres de médecins, pharmaciens, dentistes, sages-femmes et kinés, l'ouverture sans limitation des SEL permettrait la mainmise des investisseurs financiers sur les professionnels et les services de santé. Une ouverture du capital des SEL remettrait profondément en cause l'organisation des soins dans notre pays, l'objectif prioritaire de protection de santé publique, l'intérêt général de nos systèmes de santé et plus particulièrement celui des patients. À partir du cas concret des biologistes se pose le problème de la déréglementation des métiers de la santé, et se profile une tentative de mainmise de groupes financiers sur l'ensemble des professions libérales. Si le projet de la CE aboutissait, ce bouleversement favoriserait l'aggravation des inégalités d'accès aux soins dans les zones peu attractives, par élimination des structures de soins les moins profitables, un détournement d'une partie des ressources de l'assurance maladie au profit d'investisseurs (fonds de pensions étrangers ou internationaux...) soucieux de maximiser profits et dividendes. Cette « ouverture » financière fait craindre la création de groupes dominants, au poids démesuré face aux autorités de santé et de protection sociale, mais aussi une ingérence inévitable de ceux-ci dans l'organisation et la dispense des soins faisant perdre aux praticiens leur indépendance professionnelle. Au bout du compte, l'ouverture du capital ferait basculer le secteur de la santé et de solidarité dans un système purement financier. Cette orientation «marchandiserait» encore plus l'accès aux soins et pénaliserait les patients, déjà mis en difficulté et lésés par les franchises médicales. C'est pourquoi il lui demande de lui faire connaître la position du Gouvernement sur ce dossier et les mesures qu'elle compte prendre pour préserver la spécificité française face à la déréglementation des métiers de la santé que pose les injonctions de la Commission européenne. Devant cette situation qui nie l'indépendance de l'exercice de ces professionnels libéraux et leurs principes déontologiques, les services de la santé sont-ils des services ordinaires ? Le principe de subsidiarité ne s'applique-t-il pas à leur égard ? Il lui demande si le rapport de l'inspection générale du Dr Ballereau, qui prépare la réforme de la biologie libérale et hospitalière, sera rapidement rendu public et ses propositions débattues avant leur inscription dans un éventuel projet de loi.

Réponse émise le 27 octobre 2009

À la suite d'une intervention de la Commission européenne dans le cadre d'une procédure précontentieuse, la ministre chargée de la santé avait annoncé, en avril 2008, l'intention des autorités françaises de faire évoluer la réglementation relative à la détention, par des tiers, du capital des sociétés d'exercice libéral de biologistes ; le Gouvernement s'était alors engagé à lever certaines restrictions concernant la détention du capital dans le cadre d'une réforme globale du secteur de la biologie médicale. Cependant, deux événements postérieurs ont conduit les autorités françaises à stopper ce processus. Le premier événement fut les conclusions de l'avocat général Yves Bot du 16 décembre 2008 dans l'affaire de la propriété du capital des officines de pharmacie, venues contredire les certitudes de la Commission européenne dans son interprétation du traité des communautés européennes pour ce qui est de l'applicabilité de certaines règles du marché intérieur au domaine de la santé. Le second événement fut le choix de la commission européenne de finalement traduire la France devant la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) avant même l'adoption de la réforme de la biologie médicale intégrée dans la loi« hôpital, patients, santé, territoires » (HPST). Ce contentieux est en cours. La CJCE s'est prononcée le 19 mai 2009 sur les plaintes relatives à la propriété du capital des pharmacies italiennes et allemandes, la propriété étant dans ces États membres exclusivement réservée aux pharmaciens, comme en France. Elle a conclu que « les libertés d'établissement et de circulation des capitaux ne s'opposent pas à une réglementation nationale qui empêche des personnes n'ayant pas la qualité de pharmaciens de détenir et d'exploiter des pharmacies ». Par ailleurs, l'article 69 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires autorise le Gouvernement à procéder à la réforme de la biologie médicale par voie d'ordonnance. Les décrets nécessaires à l'application de ce texte seront rédigés à la lumière des travaux de concertation menés depuis plus d'un an avec l'ensemble des acteurs concernés. Le contenu de ces décrets dépendra toutefois de ce que prévoira définitivement l'ordonnance, dès que celle-ci aura été ratifiée par le Parlement.

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