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Marie-Hélène Thoraval
Question N° 123970 au Ministère de la Justice


Question soumise le 13 décembre 2011

Mme Marie-Hélène Thoraval alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la protection des victimes d'inceste dans l'attente d'une décision de justice définitive. L'inceste concerne environ 3 % de la population française selon un récent sondage (il n'existe pas de statistiques officielles sur le sujet). La loi du 26 janvier 2010 tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux a prévu plusieurs mesures afin de renforcer les moyens de protection des victimes d'incestes. Pourtant, la longueur des procédures judiciaires soulèvent encore de nombreuses questions en termes de protection des victimes malgré les interdictions de contacts et la constitution d'un périmètre de sécurité entre les victimes et les présumés coupables. En effet, même si la cour d'appel rend plusieurs jugements favorables à la victime, celle-ci peut encore rencontrer le présumé coupable conformément au principe de présomption d'innocence en attendant le jugement définitif de la Cour de cassation. Cette situation devient encore plus difficile lorsque le présumé coupable profite d'un vice de procédure pour relancer le processus juridictionnel. Dans ce contexte, elle lui demande si l'ensemble des dispositions prévues par la loi du 26 janvier 2010 sont aujourd'hui effectives et s'il a prévu de renforcer la protection des victimes d'inceste dans l'attente d'une décision de justice définitive afin d'améliorer la reconstruction des victimes.

Réponse émise le 1er mai 2012

La loi n° 2010-121 du 8 février 2010 tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le code pénal a fait l'objet d'une censure partielle par le Conseil constitutionnel. En effet, par décision du 16 septembre 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l'article 222-31-1 du code pénal qui prévoyait que « les viols et agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis au sein de la famille sur la personne d'un mineur par un ascendant, un frère, une s'ur ou par toute autre personne, y compris s'il s'agit d'un concubin d'un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ». Le Conseil était saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation qui invoquait la violation du principe de légalité des délits et des peines en ce que la nouvelle qualification pénale faisait référence à la notion de famille sans la définir. Le Conseil constitutionnel a rappelé que, s'il était loisible au législlateur d'instituer une qualification pénale particulière pour désigner les agissements sexuels incestueux, il ne pouvait, sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, s'abstenir de désigner précisément les personnes qui doivent être regardées, au sens de cette qualification, comme membres de la famille. Le Conseil a donc estimé que la disposition soumise à son examen instaurait une nouvelle qualification pénale qui devait répondre, notamment, aux exigences de l'article 8 de la Déclaration de 1789 et que la référence à la notion de famille ne pouvait apparaître comme répondant aux critères de précision de la loi pénale. Cette décision du conseil constitutionnel a donc eu pour effet d'abroger l'article 222-31-1 mais aussi l'article 706-50 du code de procédure pénale qui avait également été modifié par la loi du 8 février 2010 et prévoyait que : « Lorsque les faits sont qualifiés d'incestueux au sens des articles 222-31-1 ou 227-27-2 du code pénal, la désignation de l'administrateur ad hoc est obligatoire, sauf décision spécialement motivée du procureur de la République ou du juge d'instruction ». Pour autant, cette décision du Conseil constitutionnel n'est pas de nature à affecter les modalités de la protection des victimes d'inceste car les magistrats ont toujours à leur disposition les moyens juridiques permettant d'éloigner l'agresseur, notamment avant toute décision de justice définitive. Ainsi, avant même toute condamnation, le juge des libertés et de la détention peut, si les conditions juridiques sont réunies, décider de placer la personne soupçonnée en détention provisoire. De même, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention peut interdire à la personne mise en cause de fréquenter certains lieux, tout comme il peut lui interdire d'entrer en contact avec la victime par quelque moyen que ce soit. Le magistrat peut ainsi interdire à l'auteur de l'infraction de se rendre dans la commune, voire le département ou même la région où habite la victime. La violation de ces interdictions peut entraîner la révocation du contrôle judiciaire de l'intéressé et son placement en détention provisoire. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il n'est donc pas envisagé, en l'état, de renforcer par une nouvelle réforme législative la protection des victimes d'inceste dans l'attente d'une décision de justice définitive.

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