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Axel Poniatowski
Question N° 108033 au Ministère de la Coopération


Question soumise le 10 mai 2011

M. Axel Poniatowski appelle l'attention de M. le ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération, sur les conditions dans lesquelles sont passés à l'étranger les marchés publics portant sur des projets financés par l'Agence française de développement (AFD). Si l'AFD n'a pas de pouvoir de contrainte sur les maîtres d'ouvrage, elle veille cependant au bon déroulement des processus de passation de marchés et encourage les différents acteurs des projets à respecter les pratiques internationalement reconnues en la matière et recommandées par l'OCDE. À cette fin, elle valide les documents clefs du processus de passation de marchés afin de s'assurer que le maître d'ouvrage respecte le principe de large mise en concurrence et retienne l'offre économiquement la plus avantageuse. En dépit de cette vigilance portée à la bonne utilisation des fonds publics, les entreprises françaises qui se portent candidates à ces marchés signalent être victimes d'une concurrence déloyale de la part de certaines entreprises qui sont en fait des émanations d'État étrangers. Subventionnées, ces entreprises peuvent consentir des prix échappant à toute logique commerciale. Au surplus, cette pratique se trouve favorisée par l'application du principe de déliement de l'aide que l'AFD applique depuis le 1er janvier 2002 et qui favorise le moins disant. Il en résulte que le contribuable français, par l'intermédiaire de l'AFD, soutient des entreprises étrangères explicitement ou implicitement gouvernementales, au détriment des entreprises françaises qui ne peuvent aligner leur prix. Face à cette situation, il lui demande de bien vouloir examiner la possibilité d'inviter l'AFD à conditionner son soutien à l'introduction dans les documents d'appel d'offres d'une clause relative au statut non-gouvernemental des entreprises soumissionnaires. L'AFD procéderait ainsi de la même manière que ses homologues américaines qui ont réagi dès juillet 2010 à cette pratique déloyale et renforcerait ainsi les conditions de transparence et d'équité des marchés auxquelles elle a toujours attaché un grand prix. Il lui demande de bien vouloir lui faire part de ses intentions sur ce sujet.

Réponse émise le 2 août 2011

De façon générale, il doit tout d'abord être rappelé que la France a souscrit à des engagements internationaux en matière de déliement de l'aide, en vue de supprimer les obstacles juridiques et réglementaires à l'ouverture à la concurrence pour la passation des marchés financés par l'aide. Elle souscrit ainsi aux recommandations du comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) d'avril 2001 sur les pays les moins avancés (PMA), étendue en juillet 2008 aux pays pauvres très endettés non PMA. Sur une base volontaire, et comme 11 autres pays, la France a fait le choix de délier son aide publique au développement (APD) au-delà de ce que requiert la recommandation de l'OCDE, en particulier en ce qui concerne l'aide aux pays émergents. Les mesures prises en matière de déliement visent à accroitre l'efficacité de l'aide, en réduisant les coûts de transaction et en améliorant la capacité des pays bénéficiaires à définir eux-mêmes la voie à suivre. Elles permettent aussi aux donneurs d'aligner leurs programmes d'aide sur les objectifs et les systèmes de gestion financière des pays bénéficiaires. La France est également soucieuse de protéger par ce biais le tissu des entreprises locales, qui doivent pouvoir bénéficier des appels d'offre correspondants. La France, attentive à ne pas dégrader le niveau des normes internationales (ce qui serait au final préjudiciable aux entreprises françaises), tout en assurant les conditions d'une concurrence équitable, mène par ailleurs une stratégie active pour faire en sorte que les standards de l'OCDE soient progressivement repris par les pays émergents, compte tenu de leur rôle accru dans le financement du développement. En ce qui concerne plus précisément les marchés financés par l'agence française de développement (AFD), les conclusions d'une étude récente confiée par l'AFD à un cabinet indépendant, montrent que le déliement de l'aide a globalement généré un solde positif d'activités pour les entreprises françaises, du secteur économique du bâtiment et des travaux publics (BTP) en particulier. Ce solde positif est notamment lié aux volumes additionnels de financements par l'AFD, à coût État constant, et aux contrats gagnés par les entreprises françaises sous financements d'autres bailleurs bilatéraux ayant également délié leur aide. Sur la période 2006-2009, les opérateurs français ont remporté 38 % des marchés financés par l'AFD en volume (41 % pour les entreprises locales, 21 % pour les pays tiers dont 5 % pour la Chine). S'agissant des procédures d'appel d'offre pour les projets financés par l'AFD, elles sont de la responsabilité exclusive des bénéficiaires étrangers de ces concours. Ces derniers sont tenus de se conformer à la réglementation qui leur est applicable, en l'occurrence, le plus souvent, celle relative aux marchés publics de leur pays. Pour sa part, l'AFD s'assure, en subsidiarité, que lesdits processus ne contreviennent pas aux bonnes pratiques internationales. Dans ce cadre, le statut d'entreprise publique ou de société détenue majoritairement par des capitaux publics ne constitue pas en soi un critère de concurrence déloyale. C'est pourquoi, le simple fait d'être détenu majoritairement par l'État ne saurait être un critère suffisant pour interdire l'accès à la commande publique. Cette exclusion ne serait pas conforme à l'approche en vigueur en France et souvent défendue auprès des institutions européennes. De plus, en pratique, elle serait susceptible de s'appliquer à de nombreux opérateurs publics français, notamment dans les secteurs de l'ingénierie, des transports ou de l'énergie, particulièrement actifs à l'international en général et sur les marchés financés par l'AFD en particulier des mesures ont toutefois été prises par l'AFD afin d'éviter les situations de distorsion de concurrence. L'AFD a ainsi fait évoluer en 2007 ses documents types d'appel d'offres (DAO), en renforçant les exigences sociales et environnementales et en limitant les conditions de participation d'entreprises publiques comme indiqué ci-après. Ces documents, proches de ceux de la banque mondiale, sont utilisés dans le cas d'appel d'offres internationaux chaque fois que cela est possible compte tenu des contraintes réglementaires en vigueur et des règles d'éventuels partenaires en cofinancement. Ces DAO types de l'AFD stipulent en particulier que « Les entreprises publiques ne peuvent participer que si elles sont juridiquement et financièrement autonomes, et si elles sont administrées selon les règles du droit commercial ». Le bénéficiaire étranger s'assure du bon respect de cette disposition sur la base des déclarations sur l'honneur fournies par les différents soumissionnaires. S'il s'agit d'une entreprise publique, l'entreprise doit fournir les documents attestant de son autonomie juridique et financière. Cette clause intégrée dans les documents types d'appels d'offres de l'AFD, est plus stricte que celles adoptées par la plupart des bailleurs. La banque mondiale, par exemple, limite cette interdiction aux entreprises publiques (non autonomes juridiquement et financièrement) du pays du maître d'ouvrage (autorisant par défaut la'participation de toutes les entreprises publiques étrangères). Aux États-Unis, le Millenium chalenge corporation (MCC) s'est singularisé du reste de la communauté des bailleurs de fonds et autres acteurs de développement. Le Millenium chalenge corporation (MCC) a en effet amendé, en 2010, ses procédures de passation de marchés afin d'exclure toutes les entreprises publiques à caractère commercial (« government-owned commercial enterprises » - « GOEs ») des marchés qu'elle finance, et plus seulement celles non autonomes juridiquement et financièrement comme précédemment. En se fondant sur la démarche du MCC, les représentants du patronat des entreprises allemandes ont saisi également il y a quelques mois le ministère de la coopération économique et du développement afin de faire évoluer également le dispositif régissant les appels d'offres et exclure toute entreprise publique. Cette demande a été rejetée. En conclusion, l'introduction d'une clause relative au statut non gouvernemental des entreprises soumissionnaires figure déjà partiellement dans les appels d'offres de l'AFD. Durcir juridiquement cette clause pourrait, in fine, porter préjudice à nos grandes entreprises françaises. Il nous semble donc légitime de maintenir à ce stade la nouvelle clause récemment ajoutée par l'AFD à ses documents type d'appels d'offres qui stipulent que « Les entreprises publiques ne peuvent participer que si elles sont juridiquement et financièrement autonomes, et si elles sont administrées selon les règles du droit commercial ». Cette clause est plus stricte que celles adoptées par la plupart des bailleurs. Le MCC fait exception. Enfin, l'AFD, dans le respect des règles qui s'imposent, est naturellement soucieuse, aux côtés de ses tutelles, de défendre les intérêts des opérateurs français et de poursuivre le dialogue pour renforcer les conditions de transparence et d'équité des marchés publics. Nous étudions par ailleurs, avec cet opérateur, les voies et moyens d'augmenter la veille stratégique qui permette d'accroître les chances de succès de nos entreprises.

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