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Intervention de Martine Billard

Réunion du 29 octobre 2008 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Billard :

Afin d'élargir le financement de la Sécurité sociale, nous avons déposé à l'article 14 un amendement tendant à harmoniser le taux de prélèvement sur les industries pharmaceutiques avec celui des complémentaires – soit un « matelas » compris entre huit cents millions et un milliard – puisque la pharmacie est la première à bénéficier de l'augmentation de la consommation de médicaments.

Qui croira que cette seule mesure de ponction sur les complémentaires peut restaurer les marges de la Sécurité sociale et plus généralement améliorer la santé des Français ? C'est l'ensemble du système qui est en crise. Or, cette crise aggrave les inégalités, asphyxie les hôpitaux, conduit au recul de l'âge de la retraite et à l'impossibilité pour une frange grandissante de la population de se soigner. Ses causes principales sont bien connues : dépassements non contrôlés des honoraires, apparition de véritables déserts sanitaires, absence de médecins en secteur 1 dans certaines zones géographiques ou encore difficultés grandissantes des hôpitaux. Pourtant, ceux-ci sont souvent le dernier recours des patients qui ne peuvent faire face aux dépassements d'honoraires lorsqu'il n'y a plus de médecins à proximité de chez eux. À cause de cette dégradation de l'offre de soins, 14 % des personnes ayant des soucis de santé ont dû renoncer à certains soins, dont 22 % à titre définitif. Parmi les soins abandonnés, 63 % sont bucco-dentaires et 25 % sont optiques, mais on compte aussi 16 % de visites chez un spécialiste, ainsi qu'une proportion non négligeable – de l'ordre de 11 % – de simples consultations chez un généraliste.

Il y bien longtemps que l'obligation de dépassements d'honoraires « avec tact et mesure » n'est plus appliquée – si tant est qu'elle le fut un jour. De surcroît, les dépassements en secteur 1, qui devraient être exceptionnels, sont de plus en plus courants. Selon la caisse primaire d'assurance maladie de Saône-et-Loire, « 71,5 % des dépassements pratiqués par les médecins de secteur 1 ne sont pas autorisés ». À Longwy, le montant moyen des dépassements des dermatologues dans ce même secteur s'élevait à 8 400 euros en 2007. Dans le secteur 2, la situation est similaire : dans le Gard, par exemple, le coût des actes de chirurgie cancérologique pratiqués en clinique a augmenté de 64 % entre 2005 et 2007. Concluons cette énumération qui, hélas, pourrait durer des heures, par le Val d'Oise : les dépassements dans le secteur 2 en oto-rhino-laryngologie atteignent 50 %, voire 60 % de la tarification conventionnelle ; jusqu'à 70 % en rhumatologie, en dermatologie et en gynécologie et même 80 % en chirurgie, en anesthésie, en pédiatrie, en psychiatrie et en ophtalmologie.

En somme, huit chirurgiens français sur dix pratiquent des dépassements d'honoraires. Dans ces conditions, qui peut avoir accès aux prestations de ces praticiens ? Nous sommes bien loin du tact et de la mesure… Hélas, ce n'est pas votre budget qui remédiera à cette situation.

Pour ce qui est du traitement des affections de longue durée, le pire est à craindre. Les progrès de la médecine ont permis un allongement de la vie ; des maladies autrefois mortelles ne le sont plus aujourd'hui, du moins à courte échéance. En outre, le développement des affections chroniques telles que les allergies, l'asthme ou le diabète a explosé ces dernières décennies, en raison surtout de nos modes de vie, mais aussi de la dégradation de notre environnement. Ce dernier aspect, longtemps réfuté, est enfin en partie reconnu aujourd'hui. À moyen et long terme, il est possible de réduire parfois drastiquement la fréquence de ces pathologies souvent invalidantes. Pourtant, là encore, votre budget reste muet et vos politiques de prévention et de dépistage précoce limitées. Au contraire, nous pensons qu'il faut responsabiliser les employeurs et les convaincre d'élaborer des méthodes de prévention visant à soustraire les travailleurs aux risques d'accidents ou de pathologies dus à l'exposition à des produits néfastes pour la santé.

Or, c'est précisément le contraire que vous faites à l'article 67, qui prévoit d'exonérer les industriels responsables de la contamination par l'amiante en faisant payer l'ensemble des entreprises.

Les écarts d'espérance de vie selon l'origine sociale sont inacceptables : 82 ans pour un cadre, 80 ans pour les professions intermédiaires et les agriculteurs, 79 ans pour les artisans, 77 ans seulement pour les employés et même 76 ans chez les ouvriers. De même, selon la CNAMTS, les bénéficiaires de la CMU complémentaire sont plus souvent malades, et la fréquence à laquelle ils sont touchés par des affections de longue durée est de 77 % supérieure à celle du reste de la population. Pourtant, ces malades aux faibles revenus n'ont pas les moyens de payer une assurance complémentaire.

Nous proposons de modifier les critères d'appréciation du service médical rendu des médicaments. Aujourd'hui, la comparaison de la moitié des médicaments se fait exclusivement avec des placebos. Nous demandons que l'admission au remboursement soit subordonnée à des essais cliniques contre comparateurs, lorsqu'ils existent. En effet, certains médicaments ne sont que des copies à peine différentes de spécialités existantes, qui permettent aux laboratoires d'échapper à la concurrence des génériques.

J'en viens aux hôpitaux. En la matière, face à une pathologie que vous ne maîtrisez pas, vous proposez d'achever le mourant, ni plus ni moins ! Lors de l'examen du PLFSS 2008, nous vous mettions en garde contre l'application aveugle de la tarification à l'activité, dite T2A. Les effets pervers que nous pressentions se sont hélas vérifiés. En généralisant la tarification à l'activité, vous avez entraîné les établissements dans une véritable course à la rentabilité sans aucun égard pour les besoins de santé de la population – et sans résultats. Qui plus est, la T2A « engendre une dérive non maîtrisée des dépenses de santé », comme le prévoyait la Cour des comptes en 2007. Ainsi, vous avez préparé le démantèlement de l'hôpital public que l'on entrevoit dans la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », qui lui retire ses activités les plus rentables pour les transférer au secteur privé. En outre, cette loi favorise le développement de l'activité libérale au sein même des hôpitaux publics, et du même coup les dérives des dépassements d'honoraires que j'ai déjà évoquées.

L'hôpital public est pourtant le lieu par excellence de la prise en charge des pathologies lourdes, et le seul à même de fournir un égal accès aux soins pour tous. Or le PLFSS prévoit une mise sous tutelle là où il faudrait proposer des solutions de financement.

Qui plus est, vous imposez un retour à l'équilibre dans des délais intenables et sans tenir compte de la réalité des situations locales.

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