Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jacqueline Fraysse

Réunion du 5 février 2008 à 15h00
Adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui vise à transposer dans le droit français cinq directives européennes. D'apparence purement techniques, celles-ci portent sur un sujet essentiel, la qualité et la sécurité des produits de santé. Elles comportent un certain nombre d'avancées réelles, mais laissent également en suspens, sur certains points fondamentaux, des interrogations auxquelles, je l'espère, nos débats permettront de répondre. Je pense notamment à la question de la délivrance des autorisations de mise sur le marché pour les médicaments vétérinaires.

Les objectifs de l'ordonnance dont l'article 1er nous propose la ratification sont, il faut le reconnaître, tout à fait légitimes. Il s'agit d'abord de rattraper le retard pris par la France et d'éviter un recours en manquement devant la Cour de justice des communautés européennes, mais surtout d'améliorer la qualité et la sécurité des produits de santé, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Ainsi, les mesures prises pour renforcer les contrôles sur les produits d'origine humaine et sur les établissements qui les gèrent devraient – à condition que soient attribués les moyens nécessaires – permettre de mieux prévenir d'éventuelles infections.

Je me félicite également du renforcement des sanctions en cas de non-respect du droit relatif à la conservation et la délivrance des produits sanguins labiles et de la nouvelle classification des substances et préparations chimiques, qui prend mieux en compte les risques allergisants et toxiques pour l'homme.

La clarification des critères de refus, de suspension ou de modification de l'AMM est également bienvenue, de même que l'introduction du rapport bénéfice-risque parmi ces critères – même si on peut regretter qu'une telle dimension ne soit toujours pas prise en compte lors de la délivrance initiale de l'autorisation.

De même, il est à déplorer que les contrôles post-AMM ne soient pas renforcés et rendus plus fréquents. Lors des débats sur la loi du 26 février dernier, dont ce texte est la suite logique, j'avais fait part de nos inquiétudes sur deux points : l'assouplissement des conditions de délivrance initiale des AMM au détriment d'un renforcement des contrôles de pharmacovigilance, et les dispositions permettant au Gouvernement de légiférer par ordonnance. Force est de constater que ces préoccupations restent d'actualité. En effet, certains critères ne sont toujours pas pris en considération pour la délivrance des AMM : je pense notamment à la « valeur thérapeutique ajoutée », qui favoriserait pourtant la recherche et l'innovation.

J'en viens au contenu précis de l'ordonnance concernant la délivrance des AMM, dans laquelle plusieurs dispositions posent problème.

Tout d'abord, l'article 31 prévoit qu'une AMM initiale est délivrée pour cinq ans par l'AFSSAPS et qu'elle pourra être renouvelée pour une durée illimitée – dans des conditions que de surcroît nous ignorons, puisqu'elles seront fixées par décret en Conseil d'État. Une telle disposition nous apparaît contradictoire avec la volonté, manifestée par les directives, de renforcer les normes de sécurité et de qualité.

Certes, l'AFSSAPS peut décider de procéder à une réévaluation des effets thérapeutiques du médicament. Mais ne serait-il pas plus pertinent – toujours dans le but d'assurer la qualité et la sécurité des produits pharmaceutiques – qu'une réévaluation soit réalisée, sinon de manière systématique, au moins après un certain délai ?

Attribuer une autorisation illimitée ne paraît ni efficace ni sécurisant : imagine-t-on que le souci de la santé publique sera, pour une entreprise, une motivation suffisante pour procéder à des contrôles ? Quelle illusion ! Or l'avancée permanente des connaissances finit par entraîner l'obsolescence de certains médicaments.

Par ailleurs, le contrôle des produits devrait prendre la forme d'études comparatives afin de déterminer les molécules les plus performantes dans le cadre d'avancées thérapeutiques et d'éviter ainsi la profusion de médicaments bénéficiant d'une AMM injustifiée, soit parce que de nombreuses spécialités existent dans la même classe thérapeutique, soit parce qu'ils ne présentent aucune vertu thérapeutique nouvelle. Avec une AMM illimitée, de nouveaux produits performants sont mis en concurrence avec d'autres, obsolètes.

Les médicaments ne sont pas des marchandises comme les autres, madame la ministre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion