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Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du 8 novembre 2007 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2008 — Action extérieure de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà même du budget alloué au ministère des affaires étrangères en vue de l'action extérieure de la France, la politique étrangère mise en place par le Gouvernement devient préoccupante en raison de ses possibles conséquences sur les relations internationales et sur la paix mondiale.

Le fait que le ministre des affaires étrangères ait appelé à la guerre contre l'Iran traduit un changement inquiétant : le gouvernement Sarkozy aligne la politique étrangère de la France sur celle des Etats-Unis, autrement dit sur la vision manichéenne atlantiste d'un État qui ne cesse de violer de manière flagrante la Charte des Nations unies.

Notre politique étrangère, qui a su gagner le respect des autres États après avoir marqué son opposition à la guerre en Irak, subit un coup dur. On peut même parler de régression alarmante car, à l'appel à la guerre, s'ajoute le soutien de notre pays à l'application de sanctions bancaires, commerciales, industrielles contre l'Iran, hors du cadre de l'ONU, dans le droit-fil de la politique guerrière du gouvernement nord-américain. Le Gouvernement et le ministère des affaires étrangères ne dénoncent rien : ils se gardent bien de demander que l'occupant nord-américain quitte le territoire irakien ou que les responsables de crimes de droit international – y compris les responsables de l'actuel gouvernement nord-américain – soient traduits en justice. Somme toute, avec cet alignement sur la politique nord-américaine, c'est tout le processus onusien multilatéral de la paix et de la sécurité internationales qui est remis en question.

Ce changement dans la politique extérieure met en péril le respect des obligations liées à la Charte des Nations unies alors que notre pays est membre permanent du Conseil de sécurité – je pense en particulier de l'obligation de régler les différends par des moyens pacifiques et de l'interdiction absolue de la menace et de l'utilisation de la force dans les relations internationales.

L'action 4 de la mission « Action extérieure de l'État » prévoit des apports financiers destinés aux opérations de maintien de la paix décidées par les Nations unies, auxquelles sont consacrés 30 millions des 40 millions d'euros d'augmentation des crédits inscrits au titre des contributions internationales. La FINUL poursuit ses opérations au Liban, conformément à la mission que lui ont confiée les Nations unies, mais on peut regretter que son mandat n'ait pas été étendu au territoire israélien.

La politique étrangère a bien d'autres visages. Et je m'étonne tout d'abord que le ministère des affaires étrangères ne mette pas en place une politique ferme à l'égard du gouvernement marocain et du roi Mohammed VI afin que le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui, largement reconnu, soit pleinement respecté. Le Maroc n'a jamais cessé ses manoeuvres d'obstruction contre la volonté du peuple sahraoui d'accéder à l'indépendance. Et les autorités, en particulier Mohamed VI, n'ont jamais manifesté le désir d'ajuster leur conduite au droit international et refusent obstinément l'application de la résolution de l'ONU prévoyant le règlement définitif du conflit au Sahara occidental. Au total, plus de soixante-dix résolutions ont été prises en vue de l'impérative décolonisation du Sahara occidental, mais l'occupation marocaine continue et l'État fait fi de ses obligations internationales.

Bien que notre gouvernement soit conscient des violations massives, particulièrement graves, des droits humains commises contre les Sahraouis, dans ce conflit vieux de plus de trente ans, du recours systématique à la torture, des arrestations arbitraires et des procès montés de toutes pièces, il n'envisage aucun changement de politique. Lors de leur dernière visite au Maroc, le Président et le ministre des affaires étrangères ont ainsi omis de rappeler au chef de l'État marocain les obligations internationales qui s'imposaient à lui en matière de droits humains et de droits du peuple sahraoui. Deux poids, deux mesures !

Pour le Gouvernement, le marché l'emporte sur le respect des droits humains et le commerce sur l'autodétermination : il suffit qu'il y ait des contrats juteux en perspective pour que le fameux droit d'intervention soit soudain totalement oublié. Aucun commentaire, aucune condamnation ! N'est-ce pas étonnant de la part d'un ministre des affaires étrangères qui n'hésite pas à appeler à la guerre contre l'Iran et à l'adoption de sanctions à son encontre ? Pourtant, de la stabilité de la région et d'une politique étrangère méditerranéenne sérieuse dépend pour une large part la solution de ce conflit.

Tout aussi surprenante est l'absence d'une politique étrangère conforme au droit international en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, surtout si l'ont tient compte du fait que la Cour internationale de justice a souligné les violations massives par Israël de la convention de Genève. L'occupation, l'annexion et la colonisation des territoires palestiniens se poursuivent et les sanctions prises contre le peuple palestinien à Gaza risquent fort de déstabiliser davantage encore la région, bien loin d'un règlement pacifique du conflit.

L'une des fonctions dévolues au ministère des affaires étrangères est d'élaborer des propositions et des concepts français dans les domaines de la régulation multilatérale, de la mondialisation et de la sécurité internationale. Mais de quelle régulation est-il question dans ce projet de budget, si ce n'est d'un amalgame entre mondialisation et sécurité internationale, qui n'annonce rien de bon pour les peuples ?

La mondialisation est déjà régulée juridiquement par des institutions internationales, qui jouent le rôle de véritables gardiennes des intérêts des pays développés et du capital privé transnational, à l'instar de l'Organisation mondiale du commerce, du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, pour ne citer que celles-ci. Est-ce à dire que la mondialisation néolibérale imposée aux peuples – y compris au peuple français – peut se confondre avec la sécurité internationale et exiger des actions armées ?

En tout cas, l'ordre néolibéral n'a jamais rien fait d'autre que déchaîner la violence contre les peuples. Plutôt que réguler la mondialisation comme le propose de manière confuse l'action 4, mieux vaudrait appliquer des politiques d'aide au développement cohérentes et respectueuses des droits humains, j'y reviendrai.

Quoi qu'il en soit, cet amalgame est dangereux. Il n'est pas inopportun de rappeler ici au Gouvernement que la mondialisation néolibérale, avec le concours des pays développés, les États-Unis à leur tête, est précisément l'une des causes profondes de la violence et du désordre actuels, de la dégradation générale du droit international, des violations des droits humains et des dispositions de la Charte des Nations unies par les puissants et par les États dominants.

L'action 2 a trait à la politique européenne de la France. « La construction européenne est au coeur de notre diplomatie et constitue l'un des objectifs du programme » : mais de la construction de quelle Europe parle ce gouvernement ? Dans le droit-fil de son idéologie et sa pratique néolibérales, il se place dans la logique d'une construction européenne fondée sur le « tout au marché » : privatisations forcenées, démantèlement des services publics, réduction des dépenses publiques, attaque du droit de grève, voire politique de criminalisation croissante des mouvements sociaux.

L'approbation, cette année, de l'accord relatif à la lutte contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et l'immigration illégale, ainsi que l'amalgame opéré entre migration, terrorisme et criminalité constituent un grave attentat aux droits démocratiques. L'article 14 criminalise explicitement les mouvements sociaux et, plus grave encore, consacre un système de surveillance policière et d'échanges de données à caractère personnel avec d'autres corps de police européens, sans qu'aucun contrôle démocratique et sans qu'aucune garantie ne soient prévus. Cet accord liberticide ne montre que trop bien quelle est la politique européenne de ce gouvernement.

Plus récemment, à Lisbonne, le Gouvernement a donné son accord à l'adoption du mini-traité européen. Aucune participation des citoyens et citoyennes européens n'a été assurée durant sa rédaction, qui s'est, au contraire, déroulée en catimini. Fruit de la diplomatie secrète, ce nouveau traité confirme l'orientation néolibérale de la construction européenne, la dérive idéologique de ce gouvernement ainsi que la soumission de l'Europe aux seules lois du marché. Somme toute, la société darwinienne dans sa version légale.

Dans la mesure où ce texte se borne en réalité à recopier sous une autre forme les trois quarts des dispositions du traité établissant une constitution pour l'Europe, il eût certainement été plus simple de reprendre le texte initial, en rayant seulement les dispositions symboliques abandonnées. On comprend cependant que cette formule ait été écartée car elle aurait manifesté de façon trop criante que l'on se moquait ouvertement de la volonté des peuples français et néerlandais.

Ce n'est maintenant un secret pour personne que la volonté du Gouvernement et du Président de la République est d'imposer au peuple français le nouveau traité, sans ouvrir de débat citoyen, alors même qu'a été introduite en cachette la notion de « concurrence non faussée » par le bais d'un protocole annexé. Plus que de construire l'Europe, le traité est un moyen d'ignorer les droits démocratiques du peuple français, qui a clairement dit non à une Europe dont le seul but serait de garantir des profits au secteur privé, aux grandes entreprises transnationales et la libre circulation des capitaux, avec son cortège trop connu de politiques antisociales. C'est la dictature du marché imposée par d'autres voies ! Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public, a affirmé à juste titre que "la démarche du Président de la République prétendant interpréter seul la volonté du peuple français est totalement arbitraire et confine à la dictature".

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