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Intervention de Pascale Crozon

Réunion du 25 septembre 2008 à 21h30
Revenu de solidarité active — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Crozon :

Monsieur le haut-commissaire, pour des milliers de travailleurs pauvres, qui multiplient les contrats précaires ou s'installent durablement dans un temps partiel subi, le RSA représente, il est vrai, un complément de revenu appréciable que je ne peux que soutenir. Nous avons trop souvent appelé l'attention du Gouvernement sur l'urgence d'agir contre la paupérisation et la précarisation de nos concitoyens, alors que vos collègues ne juraient que par le bouclier fiscal et les heures supplémentaires, pour ne pas reconnaître et saluer aujourd'hui votre persévérance.

Je suis en revanche dubitative sur le discours qui transforme cet outil intéressant contre la paupérisation au travail en instrument de lutte contre l'exclusion. Il y a quelque indécence à expliquer que les 447 euros du RMI à taux plein pour une personne sans enfant seraient à ce point confortables que l'on ne serait pas motivé pour retrouver un emploi, ou à considérer que le sous-emploi des mères célibataires bénéficiaires de l'API ne serait lié qu'à des obstacles financiers.

À écouter votre majorité, un peu de motivation suffirait à libérer les Français de leur indécrottable fainéantise. Cette « petite musique » idéologique, qui entre d'ailleurs en résonance avec nos débats récents sur les offres raisonnables d'emploi, me paraît détestable tant elle s'éloigne de la réalité de l'exclusion telle que je la connais dans ma circonscription.

Vous mettez l'accent sur une hausse de 30 % du taux de reprise d'activité dans les départements pilotes, alors que, si j'ai bien lu le rapport, ces résultats sont mitigés. Cela dépend des départements, cela dépend d'un certain nombre de critères.

Alors que vous-même définissez l'insertion comme un parcours dont la visée est d'exercer une activité professionnelle durable, je ne peux que m'interroger sur ce qu'il est possible de mesurer après six mois d'expérimentation, et je pense qu'il aurait fallu effectivement aller au-delà avant de présenter ce projet.

Poussées par l'urgence sociale, pour ne pas dire alimentaire, un grand nombre de personnes accepteront, bien sûr, un emploi à temps partiel, mais c'est la qualité et la pérennité de leur reprise d'activité qui doit être l'enjeu de nos débats. Notre responsabilité est de ne pas les enfermer dans une nouvelle trappe à précarité, et de faire de cette incitation le point de départ d'un véritable parcours d'insertion.

Notre responsabilité, c'est aussi de permettre à ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi d'entrer à leur tour dans ce dispositif, ce qui suppose, au-delà du levier financier, un accompagnement social personnalisé, qui réponde aux besoins de transport, de garde d'enfants, de santé, de soutien psychologique ou de requalification, ainsi que de logement, car c'est aussi un élément essentiel pour la réinsertion des RMistes.

Notre responsabilité, c'est enfin de ne pas créer un nouvel effet d'aubaine pour le développement de l'emploi précaire, mais au contraire – et c'est ce qui manque dans votre projet – de mobiliser les employeurs autour de cet objectif d'insertion durable.

Je suis, dans ce contexte, attentive au titre III de votre projet de loi et je regrette, avec un certain nombre d'acteurs de l'insertion professionnelle que j'ai reçus dans ma permanence, qu'il paraisse en retrait des conclusions qui étaient celles du Grenelle de l'insertion.

Pourquoi, par exemple, avoir exclu les associations intermédiaires de la généralisation de « l'aide au poste » alors qu'elles jouent un rôle essentiel dans l'insertion par l'activité économique ?

Pourquoi ne pas aller au bout de la logique de l'unification des contrats aidés, dont votre gouvernement réduit par ailleurs le nombre, en désignant un gestionnaire unique garant de l'égalité de traitement et de l'efficacité du dispositif ?

Pourquoi maintenir les bénéficiaires de contrats aidés à l'écart de la comptabilisation des effectifs, signal exactement contraire à l'objectif d'insertion recherché ?

Pourquoi enfin imposer au CDDI des conditions de durée qui l'éloignent du droit commun et restreignent le nombre de bénéficiaires potentiels ? Je m'interroge à ce sujet, monsieur le haut-commissaire. Vous justifiez le RSA par l'idée que l'insertion débute dès la première heure travaillée. Or, dans le cadre du CDDI, l'aide au poste ne sera financée qu'à partir de vingt heures par semaine pour une durée de six mois, ce qui exclut les publics les plus fragiles, alors que ce sont eux, on l'a dit et redit, qui nécessitent le plus d'accompagnement.

Je vous sais conscient de l'inquiétude que susciteraient l'encouragement à un travail précaire et sa banalisation, travail qui n'aurait d'autre horizon que la précarité elle-même. C'est pourquoi je vous remercie de nous rassurer sur ces risques. Nous aurons l'occasion d'en reparler lorsque nous examinerons les amendements la semaine prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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