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Intervention de André Schneider

Réunion du 28 février 2012 à 16h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Schneider, co-rapporteur :

Analysons tout d'abord l'impact du changement climatique en matière de sécurité.

Rappelons avant tout que le quatrième rapport du (GIEC) a jugé que l'essentiel du réchauffement climatique de ces cinquante dernières années est imputable à des activités humaines et en particulier à l'utilisation de combustibles fossiles, avec une probabilité de plus de 90 %.

Les conséquences du changement climatique sont en premier lieu physiques, et se traduiront notamment par l'augmentation du niveau moyen des océans. Selon certaines estimations, la seule perte de masse de l'ensemble des glaciers mondiaux devrait faire monter le niveau de la mer de 80 centimètres d'ici à la fin du siècle, ce qui, en comptant la dilatation thermique des océans, porterait cette élévation à plus d'un mètre. Le prochain rapport du GIEC devrait préciser ces estimations.

On assistera à la fonte des glaciers. Il résultera de ces fontes l'ouverture de nouvelles routes maritimes. Ainsi, la fonte de la banquise arctique, dont la réduction en superficie a été clairement démontrée par les observations satellitaires, pourra ouvrir des zones de mer jusqu'alors inaccessibles aux activités d'exploitation humaine.

La modification des précipitations atmosphériques conduira à une augmentation des situations de pénurie d'eau et à la progressive désertification de certaines zones géographiques. La probabilité d'inondations majeures liées à la fonte des glaciers continentaux (par exemple, ceux de l'Himalaya ou des Alpes) sera accrue. Il y aura aussi des impacts sur la biodiversité marine et sur la disponibilité des ressources halieutiques. Le risque d'épidémies sera accru.

Enfin, d'une manière générale, l'occurrence d'événements climatiques extrêmes tels que tsunamis, ouragans, cyclones, inondations, devrait augmenter. Ces catastrophes naturelles seront vraisemblablement non seulement plus nombreuses, mais également plus dévastatrices.

Les conséquences du changement climatique seront également d'ordre socio-politique.

Tout d'abord, l'insécurité des moyens de subsistance se traduira par un stress nourricier. L'un des effets du changement climatique sur les sols pourrait être de favoriser des pays qui bénéficient déjà de positions avantageuses, au détriment de régions pour lesquelles l'agriculture constitue la principale source de revenus. Globalement, une évolution du climat pourrait mener à l'insécurité alimentaire dans certains pays, notamment dans ceux de l'hémisphère Sud. Pour un réchauffement compris entre 2 et 4°C, une baisse de la productivité agricole est à prévoir dans le monde entier.

Le stress sera aussi hydrique. Le stress hydrique est la question la plus critique pour l'ensemble des analystes. En 1995, 30,5 % de la population mondiale connaissait un stress hydrique fort. On prévoit que la proportion grimpera à 35 % en 2025. Il reste à savoir si la tension montera au point d'aboutir à des conflits…

Le troisième type de stress sera bien sûr le stress énergétique.

Le changement climatique aura aussi des conséquences géopolitiques, s'agissant des migrations climatiques tout d'abord. Selon les Nations unies, on dénombrera, d'ici 2020, des millions de migrants « environnementaux ». Ces migrations seront de trois types :

- les migrations internes aux États, susceptibles de créer des changements économiques positifs (apport de main d'oeuvre) ou négatifs (surpopulation). La capacité des États à faire face à de telles situations, tant sur un plan institutionnel que sur le plan économique, s'avérera déterminante pour la stabilité des pays concernés ;

- les migrations transfrontalières, susceptibles de déstabiliser des États mais aussi de générer des tensions internationales qui pourraient déboucher sur des conflits. L'histoire récente entre le Bangladesh et l'Inde montre que les populations déplacées peuvent faire l'objet de violences de la part des populations natives et induire des tensions entre pays voisins ;

- les migrations de niveau régional seront à l'origine de problématiques identiques. Ce type de migration est déjà bien connu en Europe, avec les migrations des pays du Sud vers les pays du Nord.

Les ressources naturelles peuvent elles aussi être sources de tensions ou de conflit.

Enfin, un phénomène de compétition pour les territoires risque d'émerger : des petits États, submergés par les eaux, seraient ainsi amenés à demander de nouveaux territoires, situation inédite sur le plan du droit international.

Une étude de la revue International Alert a estimé, en novembre 2007, « qu'il y a un risque réel pour que le changement climatique aggrave les risques de conflits violents ». L'étude identifie 46 pays (soit 2,7 milliards de personnes) dans lesquels les effets du changement climatique ont un risque élevé de se traduire par un conflit violent, suite à une interaction avec des problèmes économiques, sociaux et politiques.

Un deuxième groupe de 56 pays (soit 1,2 milliards de personnes) est caractérisé par des institutions gouvernementales ayant des difficultés à appréhender le changement climatique et à le traiter en priorité par rapport aux autres défis auxquels le pays est confronté. Dans ce groupe de pays, bien que le risque d'un conflit armé ne soit pas immédiat, l'interaction du changement climatique avec d'autres facteurs crée un risque élevé d'instabilité politique, avec un potentiel de conflits violents.

L'atténuation du changement climatique par la réduction des émissions de carbone dans le monde ne saurait constituer une solution suffisante, ni dans le groupe de 46 États présentant un risque de conflit (dont beaucoup d'entre eux sont actuellement ou ont récemment été touchés par un conflit violent), ni dans de nombreux pays du groupe des 56 confronté au risque d'instabilité. Dès maintenant, il est souhaitable d'aider ces États à gérer les défis du changement climatique.

Il ne faut pas non plus sous-estimer l'impact direct du changement climatique en matière de Défense.

Un certain nombre de phénomènes peuvent être à l'origine de nouveaux conflits, de tensions nécessitant l'intervention des armées, ou créer des conditions favorables au développement du terrorisme. La difficulté d'accès à certaines ressources comme l'eau, la survenue de phénomènes climatiques extrêmes, l'amplification des flux migratoires, sont autant de facteurs significatifs à prendre en compte dans la démarche prospective de la Défense.

Les changements climatiques modifieront également les conditions d'emploi, tant pour les équipements, les hommes, les structures, la logistique que les opérations.

Les différentes fonctions de la Défense devront donc être adaptées au changement climatique, qu'il s'agisse de la fonction prévention – soit l'ensemble des actions « permettant d'éviter l'apparition ou l'aggravation de menaces contre notre sécurité » –, de la fonction protection – qui « doit s'exercer face à deux types de risques : les agressions intentionnelles » (telles que les actes de terrorisme, les attaques informatiques majeures et les menaces balistiques) et « les risques non intentionnels » (tels que les crises sanitaires et les catastrophes naturelles ou technologiques) –, de la fonction intervention – qui doit permettre de garantir les intérêts stratégiques du pays et d'assumer ses responsabilités internationales –, ou de la fonction dissuasion – c'est-à-dire la possibilité pour le chef de l'État de disposer, de façon indépendante, de moyens adaptés à une grande diversité de situation.

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