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Intervention de Yves Nicolin

Réunion du 1er mars 2012 à 15h00
Enfance délaissée et adoption — Après l'article 2, amendement 19

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Nicolin :

Depuis plusieurs dizaines d'années, nous essayons d'alerter les pouvoirs publics sur les difficultés que rencontrent un certain nombre de nos compatriotes, pour la plupart binationaux, résidant parfois en Algérie ou au Maroc. En vertu du droit coranique, on ne peut avoir qu'un seul père. Quand un enfant originaire de l'un des pays que j'ai cités perd ses parents, il ne peut donc être adopté, mais seulement confié, au moyen d'une kafala, notamment judiciaire – qui n'est pas assimilable, sur un plan juridique, à l'adoption au sens où nous l'entendons.

Au sein d'une même famille peuvent cohabiter des enfants biologiques et des enfants placés en vertu d'une kafala, ce qui n'est pas sans poser certains problèmes aux familles concernées. Ainsi, il n'est pas rare que les parents effectuent, notamment pour des raisons professionnelles, de fréquents allers-retours entre la France et leur pays d'origine. À l'aéroport, les enfants biologiques se trouveront avec leurs parents dans la file des passeports français, tandis que les enfants confiés en vertu d'une kafala se trouveront à part, dans la file des passeports étrangers. Deux enfants vivant dans une même famille n'auront donc pas les mêmes droits.

Autre exemple, les enfants biologiques scolarisés en Algérie ou au Maroc fréquenteront un collège ou un lycée français, tandis que l'enfant placé sous kafala n'aura pas la possibilité d'intégrer l'un de ces établissements, ou ne pourra le faire qu'à la condition de régler un tarif plus important. Comme on le voit, les enfants placés en vertu d'une kafala font l'objet de vraies discriminations.

Depuis des années, nous nous efforçons de pousser les autorités françaises à avancer sur ce sujet. Les familles françaises ne sont pas les seules en Europe à accueillir des enfants selon une kafala : de nombreuses familles belges, italiennes, espagnoles, scandinaves ou allemandes se trouvent dans le même cas – si ce n'est que la législation de ces pays a évolué afin de permettre aux enfants concernés de bénéficier d'un régime quasi équivalent à celui de l'adoption. Nous souhaitons que la législation française évolue, elle aussi, sur ce point.

Des amendements ont été proposés en ce sens – en l'occurrence par nos collègues du groupe SRC –, auxquels je souscris à titre personnel. La rapporteure a, pour sa part, souhaité emprunter une autre voie, et nous proposera dans un instant un amendement de nature à permettre de contourner l'article du code civil qui proscrit l'adoption d'enfants dont le droit personnel ne reconnaît pas l'adoption – sauf dans le cas où un accord bilatéral a été conclu.

Le fait d'adopter cet amendement ne résoudra pas tous les problèmes. Certes, nous aurons fait un grand pas en ce qui concerne la kafala, mais il restera encore à obtenir la preuve de la volonté du Gouvernement français d'engager immédiatement des discussions avec les pays concernés. Je sais par expérience, pour m'y être rendu et avoir discuté avec les autorités, en particulier au Maroc, que les États en question sont très ouverts. Ils sont disposés à accepter pour la France, avec laquelle ils entretiennent des rapports particuliers, pour des raisons historiques, ce qu'ils acceptent déjà pour d'autres pays européens comme la Belgique.

Je souscris donc à l'amendement que va proposer Mme Tabarot, auquel je souhaite que nos collègues socialistes se rallient également. Cependant, j'insiste auprès du Gouvernement sur le fait que notre démarche ne doit pas s'arrêter là : nous devons continuer à avancer sur cette question.

Je sais bien qu'il existe des traités et des conventions internationales, notamment celle de La Haye. Mais celle-ci ne proscrit pas ce que nous voulons faire, c'est-à-dire proposer qu'il y ait, à l'avenir, une convention bilatérale entre la France et l'Algérie ou le Maroc.

Même si l'on peut effectivement aller dans ce sens, cela ne sera pas suffisant, madame la secrétaire d'État. Je souhaiterais donc, pour ma part, que vous preniez l'attache du ministre des affaires étrangères, qui, je le sais, est ouvert sur cette question, pour que l'on règle certains problèmes quotidiens qui se posent aux familles : il faut ouvrir les collèges et les lycées français aux enfants sous kafala au même tarif que les autres ; il faut mettre en place pour eux un système de visas avec entrées et sorties multiples. Bref, il faut améliorer le quotidien de ces enfants et de leurs parents, parce qu'il y a vraiment urgence. Cette situation n'a que trop duré : cela fait plus de vingt ans que l'on en parle !

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