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Intervention de Serge Blisko

Réunion du 20 février 2012 à 21h30
Exécution des peines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Blisko :

Monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dernier inscrit, je vais essayer de ne pas répéter ce qui a déjà été dit, en particulier par mes collègues Dominique Raimbourg et Jean-Jacques Urvoas. Je m'appuierai toutefois sur les propos que vient de tenir M. Hunault, qui a montré certaines contradictions du projet de loi.

Je ne reviens pas sur le chiffre de 80 000 places nécessaires – il a été fait litière de ce prétendu besoin estimé de manière quelque peu électoraliste –, mais je partage pleinement tout ce qu'a dit M. Urvoas dans son implacable démonstration sur les impasses du PPP.

Au moment où nous connaissons une crise des finances publiques et où nous avons le devoir de ne pas laisser à nos enfants, voire à nos petits-enfants, des dettes disproportionnées par rapport à nos capacités productives, on est en train de nous infliger 3,5 milliards de nouvelles dettes publiques. Il vaudrait mieux, au contraire, ne pas alourdir la dette et éviter que la rigidification des loyers conduise à l'étranglement du budget de la Chancellerie, alors que des besoins existent partout, dans les domaines de l'allègement des peines, de l'insertion, de la revalorisation du personnel, du recrutement, notamment de conseillers d'insertion et de probation, dont le rôle est essentiel. Il ne faut jamais oublier qu'aux 65 000 personnes enfermées s'ajoutent 180 000 personnes en milieu ouvert, qui sont aussi sous main de justice et qui, même si elles coûtent moins cher, nécessitent une attention peut-être plus grande encore pour ne pas tomber dans la récidive.

Plusieurs points du projet de loi ont été assez peu évoqués. Tout d'abord, je fais mienne la demande de revoir sérieusement les alternatives aux petites peines. Nous avions fait, je le dis volontiers, un pas en avant avec la loi pénitentiaire. J'ai suivi attentivement ces travaux et j'ai regretté de ne pas pouvoir voter le texte. Si je ne l'ai pu, c'est que, par rapport au Sénat, qui avait alors une autre couleur politique, la majorité de l'Assemblée nationale, trop frileuse, était revenue sur certaines avancées.

Dès le stade du COR, c'est-à-dire dès la préparation du projet de loi au sein du Comité d'orientation restreint, nous avions beaucoup discuté de l'alternative à l'emprisonnement, et nous étions parvenus à émettre collectivement des propositions de bon sens, qui s'inscrivent dans la pratique des démocraties européennes aujourd'hui. L'idée était qu'il ne fallait pas que l'emprisonnement soit la règle unique, ni que la peine s'effectue nécessairement entre quatre murs, car elle doit représenter un moment de reconstruction des personnes. Cela concerne soit des primo-délinquants soit des gens dont le délit est d'importance moyenne ou minime. Ce serait une caricature, monsieur le rapporteur – et je ne pense pas que vous iriez jusque-là –, d'affirmer que l'actuelle opposition a envie de voir de grands criminels en liberté : ce n'est pas du tout le cas !

Cela nous ramène au concept de dangerosité. Je regrette qu'après la période glorieuse du Centre national d'observation, suivie, ces dernières années, d'une certaine période d'endormissement, nous soyons passés à des notions plus quantitatives, avec les échelles actuarielles. Avons-nous le recul nécessaire pour pouvoir dire qu'il s'agit là de la panacée ? Ne faudrait-il pas expérimenter certaines de ces conceptions, qui, même si elles sont québécoises, donc facilement adaptables du point de vue linguistique, sont tout à fait étrangères à nos conceptions, plus psychologisantes, de l'observation des personnes condamnées en vue de déterminer leurs parcours pénitentiaires et d'insertion ? J'aurais souhaité plus de prudence et moins de lyrisme dans cette apologie du « tout actuariel ».

Par ailleurs, regardez votre impasse sur le PPP. Notre collègue Michel Hunault en est à demander, avec réalisme, l'intervention de la CDC ou du Fonds stratégique d'investissement. Au moment où l'industrie française est en train, passez-moi l'expression, de se casser la figure, où nous avons besoin d'injecter des fonds importants pour revitaliser les régions, développer nos laboratoires de recherche, être présent dans l'économie de demain, faut-il mobiliser la Caisse des dépôts pour la construction de places de prison ? Je pense que ce serait passer totalement à côté de ce qu'il faut faire.

Il me semble, monsieur le rapporteur, que vos propos ont dépassé votre pensée – sinon cela m'inquiéterait – au sujet de l'article 122-1, deuxième alinéa, du code pénal concernant les personnes au jugement altéré. Pourquoi vous étonner qu'un sénateur, M. Lecerf, ait proposé dans son rapport de mettre en place une sorte de quantum de peine diminuée ? Si une personne présente une altération du jugement, cela n'empêche pas qu'elle soit jugée, mais il faut tenir compte de son état. Or il est apparu, selon le rapport de M. Lecerf, qu'en raison du mauvais suivi ou de manque de suivi de ces personnes en prison, d'une mauvaise application des mesures psychologiques de rééducation, ces personnes étaient, en moyenne, condamnées plus lourdement que les personnes jouissant de tout leur esprit au moment de la commission des faits. Je trouve paradoxal que des personnes malades au point de vue psychiatrique, même si elles ne sont pas totalement malades et totalement irresponsables, soient plus sévèrement condamnées. C'est un réflexe de peur. Il faut lutter contre ce réflexe, et la proposition de M. Lecerf à cet égard me paraît juste.

Le secret partagé, entre l'autorité judiciaire, l'autorité psychiatrique, les autorités médicales, est un sujet difficile, et l'exemple de Chambon-sur-Lignon a bien montré qu'une régulation était nécessaire. Je considère que l'extension au niveau de l'éducation nationale est un peu rapide ; nous gagnerions à prendre plus de temps.

C'est au fond ce que je reproche à ce texte de circonstance : il a été trop vite. Il résout de manière extrêmement rapide, et même légère, des questions essentielles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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