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Intervention de Marie-Louise Fort

Réunion du 20 février 2012 à 17h00
Reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Louise Fort :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'année 2012 est celle du cinquantenaire de la fin de la guerre d'Algérie.

Le temps a la vertu, dit-on, d'adoucir la souffrance des blessures, des deuils et de l'histoire. Mais peut-on faire le deuil du choix de la France au péril de sa vie et de celle de ses proches, un choix si lourd de conséquences, si fort de sens ?

Maire de ma ville de Sens, j'avais fait apposer sur le monument aux morts de notre ville une plaque commémorative du sacrifice pour la France des supplétifs et des harkis. C'est un souvenir qui mêle l'espérance d'une mémoire qui s'apaise et l'aspiration à une meilleure intégration des supplétifs et de leurs descendants dans une communauté nationale qui n'a pas toujours su leur témoigner toute l'attention ni toute la gratitude qu'ils méritaient. Ils méritent mieux en tout cas que certaines digressions politiciennes que nous venons d'entendre, puisque nous sommes finalement tous d'accord sur le fond.

Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'État, de rappeler, comme vous l'avez fait tout à l'heure, que depuis cinq ans, le Président de la République et le Gouvernement ont eu à coeur d'oeuvrer en faveur des harkis en concentrant leurs efforts sur la formation et l'insertion professionnelle de leurs enfants, en signant des conventions d'emploi, des aides à la création d'entreprise, des contrats d'accompagnement, en leur permettant d'accéder aux emplois réservés de la fonction publique, en versant des bourses scolaires et universitaires.

Les supplétifs ont aussi bénéficié ces dernières années d'une série d'initiatives des pouvoirs publics mettant en place des mécanismes d'indemnisation en reconnaissance des services rendus et des souffrances endurées. Mais rien n'avait été fait pour les protéger légalement contre les injures et les diffamations auxquelles ils se sont trouvés régulièrement confrontés. En effet, les propos injurieux de Georges Frêche l'ont bien montré et la jurisprudence pénale a révélé bien des lacunes dans la protection des harkis. La chambre criminelle de la Cour de cassation, dans deux arrêts du 31 mars 2009, a jugé que ni les harkis ni leurs descendants ne constituaient un groupe de personnes entrant dans l'une des catégories « limitativement énumérées » par les articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Elle a ajouté également que les harkis ne pouvaient engager une poursuite sur le fondement de toute injure et de toute diffamation posée à l'article 5 de la loi du 23 février 2005, celle-ci n'étant assortie d'aucune sanction pénale.

Il n'est jamais trop tard pour bien faire, dit l'adage. Nous sommes, dans ce pays, des adeptes de la repentance souvent tardive. Cet après-midi, nous avons donc l'occasion de réparer un oubli qui s'apparente à de l'indifférence. Nous mettons en avant, parfois à tort et à travers, notre qualité de pays des droits de l'homme. Posons-nous la question : au regard du sort réservé aux supplétifs, avons-nous pleinement mérité cette estampille ces cinquante dernières années ? Aujourd'hui, nous faisons un grand pas vers la réparation d'une injustice. C'est là le sens des deux dispositions de la proposition de loi que nous examinons : la première tend à combler un vide juridique en matière de protection des harkis et d'autres anciens supplétifs de l'armée française en sanctionnant les injures et diffamations commises à leur encontre ; la seconde disposition prévoit la possibilité pour les associations de défense des intérêts et de l'honneur des supplétifs de se constituer partie civile.

Permettez-moi, pour conclure, de reprendre les propos du Président de la République : « Être harki aujourd'hui, c'est pouvoir dire : “Je suis Français par le choix et par le sang” » Un certain nombre de ceux à qui s'adresse ce texte ont disparu, mais leurs fils, leurs filles, leurs petits-enfants pourront s'en saisir. Il leur apportera reconnaissance et protection. C'est pourquoi, chers collègues, je vous invite à voter ce texte avec moi. Après tout, nous leur devons tant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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