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Intervention de Thierry Mariani

Réunion du 16 février 2012 à 9h30
Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-france

Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports :

L'intérêt marqué que porte l'Assemblée nationale au réseau express régional (RER) me paraît tout à fait pertinent. La démarche que vous menez pour proposer des pistes d'amélioration du fonctionnement de ses lignes s'inscrit parfaitement dans le cadre de la politique du Grenelle de l'environnement et du développement des transports collectifs que l'État soutient, notamment en Île-de-France. Elle enrichit la réflexion des différents acteurs – autorité organisatrice, exploitants et gestionnaires d'infrastructure – pour moderniser le RER.

La rénovation de ce dernier est en effet indispensable. C'est un constat partagé par toutes les personnes que vous avez auditionnées, ainsi que par les usagers qui empruntent quotidiennement les cinq lignes de ce réseau. C'est un constat également partagé par l'État, au regard des enjeux régionaux que sont l'amélioration de la qualité de vie des Franciliens et le renforcement de l'attrait de la région capitale.

Même si, depuis 2005, le STIF, autorité organisatrice chargée de définir l'offre de transport, dépend de la région et des départements franciliens, l'État entend poursuivre ses efforts afin de participer, aux côtés des collectivités locales, au développement accéléré des infrastructures de transports collectifs.

Un bref rappel du passé permet de mieux comprendre le contexte actuel. Voilà un peu plus d'un siècle que les métros parisiens parcourent le sous-sol de la capitale et il n'a fallu qu'une cinquantaine d'années pour que l'armature d'un réseau dense se dessine à Paris. Le RER a très vite offert aux Franciliens un moyen de transport rapide et efficace. Toutefois, depuis une dizaine d'années, alors que la plupart des lignes connaissaient une saturation croissante, les différents acteurs se sont contentés de prolonger l'existant, sans poursuivre, par des étapes nouvelles, la structuration du réseau. Parallèlement, les mutations du système productif, les politiques d'aménagement et le desserrement des lieux de résidence des Franciliens, participant à un mouvement de déconcentration des emplois de Paris intra-muros vers les banlieues, ont entraîné une accélération considérable de la mobilité entre celles-ci, sans accompagnement de l'offre de transports collectifs. Il ne s'agit pas aujourd'hui de chercher des responsabilités, sans doute partagées par l'ensemble des acteurs concernés, mais cette évolution n'a manifestement pas été anticipée à la fin de la décennie 1990, ni au début des années 2000.

Le réseau de transport est ainsi « étoilé », centré sur Paris alors que l'habitat est plutôt concentré à l'Est et les emplois à l'Ouest. Paris est le passage quasi obligatoire des relations entre domicile et travail, de l'Est à l'Ouest ou du Nord au Sud de la capitale, ce qui aggrave d'autant plus la saturation des sections centrales du RER et dégrade les conditions de déplacement sur l'ensemble des lignes. Chaque année, 290 millions de voyageurs sont transportés par le RER A, l'une des lignes les plus « chargées » au monde, avec une fréquentation quotidienne de plus d'un million de personnes pendant au moins 150 jours, dans les conditions que chacun connaît. Ainsi, malgré la mobilisation des opérateurs, la SNCF et la RATP, les incidents liés à la saturation des lignes, à l'usure des infrastructures et des matériels roulants poussés à la limite de leurs possibilités, ainsi qu'à l'indispensable prise en compte de la sécurité des voyageurs et de la sûreté, sont particulièrement nombreux. Ces derniers engendrent des répercussions en chaîne sur l'ensemble du réseau, mettant les Franciliens dans des situations inacceptables, et cela de manière répétée.

Quelles solutions pouvons-nous apporter à cet état de fait ? Nous n'avons pas le choix : il nous faut préparer l'avenir en modernisant et en améliorant l'existant, tout en étendant le réseau afin de répondre aux besoins de déplacements d'aujourd'hui et de demain. Je ne doute pas que ce constat sans appel soit partagé par tous. C'est pourquoi l'État a décidé de réagir avec force en accompagnant la région, le STIF et les opérateurs de transport parisiens, afin d'offrir une réponse à la hauteur des attentes des voyageurs. Le Président de la République l'a formulée, il y a un peu plus de deux ans, lors de son discours sur le Grand Paris, le 29 avril 2009. Il a annoncé un programme d'investissements sans précédent, de plus de 30 milliards d'euros, en faveur des transports collectifs en Île-de-France jusqu'en 2025.

Une première étape a déjà été franchie le 26 janvier 2011 lorsque le Gouvernement a conclu, avec le conseil régional d'Île-de-France, un accord historique concernant l'avenir des transports de la capitale. Cet accord, qui porte sur 32 milliards d'euros d'investissements à réaliser d'ici à 2025, comporte deux volets indissociables : la réalisation d'une rocade de métro automatique, pour un montant de 20 milliards d'euros, et l'extension ainsi que l'amélioration du réseau actuel, pour un montant de 12 milliards d'euros. Nous entendons mettre en oeuvre cet accord, déjà financé, dans les meilleurs délais. La Société du Grand Paris (SGP), maître d'ouvrage de la future rocade, a présenté, le 26 mai 2011, le tracé du futur Grand Paris Express, approuvé par la région et par les départements.

Le deuxième volet de l'accord a fait l'objet d'une convention particulière entre l'État et la région d'Île-de-France, signée le 26 septembre dernier. Relative à la mise en oeuvre du plan de mobilisation pour les transports collectifs jusqu'en 2013, elle complète l'actuel contrat de projet entre l'État et la région de 2007 à 2013 et porte l'engagement de l'État en faveur des transports collectifs en Île-de-France à 1084 millions d'euros jusqu'en 2013, soit un triplement de son effort financier par rapport à la période du précédent contrat de plan (2000-2006). Des projets majeurs seront ainsi réalisés en faveur de millions de voyageurs. Le réseau RER, capteur de l'essentiel des déplacements et couvrant une grande étendue du territoire, en sera le premier bénéficiaire.

La ligne E du RER sera prolongée jusqu'à Mantes-la-Jolie afin d'améliorer les liaisons Est-Ouest, offrant ainsi une alternative efficace et réaliste à la ligne A. Le démarrage des travaux est prévu dès l'année prochaine et la mise en service complète sera effective en 2020. La convention particulière permettra de financer l'ensemble des études et les premiers travaux. Une somme de 400 millions d'euros sera ainsi engagée d'ici à 2013, conformément au calendrier prévu.

Les schémas directeurs des RER C et D, relatifs à la modernisation de l'infrastructure existante, visent à améliorer la fréquence et la régularité des trains sur ces lignes qui, indispensables aux habitants de la Petite et de la Grande couronne, transportent chacune plus d'un demi million de voyageurs par jour. À ce titre, 370 millions d'euros sont mobilisés en faveur du RER C, dont 260 millions pour les infrastructures ferroviaires, auxquelles vont notamment s'ajouter des travaux de modernisation des gares (hors Paris intra-muros), financés par le STIF et par la région d'Île-de-France. Dans un souci d'anticipation à plus long terme, les études relatives au sextuplement des voies entre Paris et Juvisy sont également prévues dans le cadre de la convention particulière.

Par ailleurs, 153 millions d'euros seront mobilisés en faveur du schéma directeur du RER D. Les aménagements prévus ont été déterminés en tenant compte des points de fragilité de la ligne afin d'en rendre l'exploitation plus performante. La première étape du schéma directeur permettra, dès 2014, la mise en place d'une desserte renforcée et plus fiable. Il est prévu d'engager 20 millions d'euros pour procéder à des études destinées à la préparation de la seconde phase qui devrait être lancée après 2013. Enfin, dès cette année, les études de faisabilité du doublement du tunnel entre le Châtelet et la Gare du Nord seront réalisées.

Pour la modernisation de la ligne B du RER, le projet RER B Nord +, décidé dans le cadre du contrat de projets 2007-2013, et dont les travaux sont en cours, permettra d'accroître la régularité de la ligne, de simplifier et de renforcer la desserte, enfin d'améliorer le confort dans les gares et dans les trains. Les conditions de transport au quotidien seront ainsi considérablement améliorées. Dans la continuité, le STIF a lancé les travaux d'élaboration du schéma directeur du RER B au Sud afin d'améliorer la qualité de service, de consolider l'exploitation et de prévoir les besoins de développement de l'offre. Le financement de ces études est également prévu dans le cadre de la convention particulière.

Afin de répondre à une préoccupation très forte des Franciliens, le STIF a lancé l'élaboration d'un schéma directeur du RER A, dont le financement des études est aussi inclus dans la convention particulière. Il présentera, d'ici à la fin du premier trimestre 2012, les adaptations d'organisation, d'infrastructures ou d'équipements divers, permettant d'améliorer l'exploitation de la ligne, en situation normale comme en situation perturbée.

Ainsi, à travers le Grand Paris et la convention particulière conclue avec la région, l'État met concrètement en oeuvre sa vision des transports, qui conjugue ambition et respect de l'environnement. Ce programme d'envergure est pour lui une priorité. Il importe donc de tout mettre en oeuvre pour que les délais prévus soient tenus afin de répondre le plus rapidement possible aux attentes des usagers. Pour oeuvrer dans ce sens, je sais pouvoir compter sur l'engagement et l'expertise des équipes de la SNCF, de la RATP et de RFF.

Outre la construction des infrastructures, financées principalement par l'État et par la région, les entreprises publiques ont engagé, avec le soutien du STIF et de l'État, d'importants programmes d'achat et de renouvellement de matériel roulant. Nouvelles rames et matériels rénovés constituent autant d'améliorations immédiatement perceptibles par les usagers. À la demande du Président de la République, la RATP a ainsi procédé, dans des délais record, à la commande de nouvelles rames à deux niveaux destinées à remplacer les rames les moins capacitaires en circulation sur le RER A. D'ores et déjà 60 rames ont été acquises, et la première a été mise en service en décembre dernier. Ce vaste programme de renouvellement du matériel roulant, qui permettra d'augmenter la capacité de la ligne, a notamment été permis grâce à la dotation de l'État à la RATP dans le cadre du Plan de relance, ainsi qu'à une participation du STIF. Un programme concernant principalement la rénovation des trains à deux étages circulant sur les lignes C et D est également en cours, la totalité du parc devant être rénovée d'ici fin 2016 par la SNCF. Il vient en complément du programme de près de deux milliards d'euros de déploiement du matériel sur le réseau Transilien, qui a bénéficié, via le STIF, de 400 millions d'euros de la part de l'État. De même, et en accompagnement de l'opération du RER B Nord +, l'ensemble du matériel roulant du RER B est en cours de rénovation.

Toutefois, à eux seuls, les investissements ne suffisent pas. Il est tout aussi indispensable que le fonctionnement du réseau progresse. L'amélioration de la qualité de service est une préoccupation constante de l'État, comme vous l'a indiqué le vice-président du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) lors de son audition. La SNCF, RFF et la RATP ont un rôle important à jouer pour améliorer les conditions de circulation. C'est pourquoi la qualité de service sera au coeur des prochains contrats que le STIF négocie actuellement avec la RATP et la SNCF. Les indicateurs devront mieux refléter la perception des usagers ; l'autorité organisatrice y est également attachée.

De même, le Président de la République a annoncé, à l'occasion de l'inauguration de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, le 8 septembre 2011, la création d'une autorité dédiée à la qualité de service dans les transports terrestres, maritimes et aériens. Celle-ci sera notamment chargée de suivre les niveaux de qualité et les progrès réalisés par les grands opérateurs publics. Le site que nous présenterons cet après-midi, avec Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, publiera ces indicateurs. Il sera mis en service dès ce lundi 20 février. Actuellement tourné vers les grandes lignes ferroviaires et le transport aérien, il s'ouvrira, à la fin de l'année, au RER et au métro.

Lors de l'inauguration du nouveau matériel roulant du RER A, le 5 décembre dernier, le Président de la République a également formulé le souhait que les modalités d'exploitation des RER, en particulier des lignes A et B, évoluent. Dans la continuité de la suppression de la relève sur le RER B, il faut effectivement que la RATP, la SNCF et RFF mettent en oeuvre un pilotage unique de ces lignes, condition indispensable de leur bon fonctionnement. Les entreprises se sont mises en ordre de marche afin de proposer rapidement des solutions opérationnelles dans ce sens. Je sais combien elles ont à coeur de proposer des mesures concrètes perceptibles pour les usagers quotidiens, notamment dans la gestion des situations perturbées.

À ce moment de mon intervention, permettez-moi de vous relater une anecdote. En août dernier, j'ai visité la ligne B du RER afin de découvrir son nouveau matériel ; or, si celui-ci était bien en place à l'aller, tel ne fut pas le cas au retour. Faire preuve d'une telle incapacité, qu'il s'agisse de la SNCF ou de la RATP, lors de la venue d'un ministre conduit à imaginer ce qu'il peut en être pour l'usager de tous les jours…

La tâche s'avère donc immense et dépourvue de solutions immédiates et rapides. Tous les projets lancés doivent être menés de front. Le rétablissement de la situation passe par la mobilisation de l'ensemble des acteurs concernés afin qu'ils conduisent, de façon cohérente, la modernisation du réseau et du matériel, la construction de nouvelles infrastructures et la réforme de l'exploitation des services. Ce n'est qu'en menant collectivement ces trois chantiers que nos concitoyens pourront, à l'avenir, voyager de nouveau dans des conditions acceptables.

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