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Intervention de Claude Goasguen

Réunion du 16 février 2012 à 11h00
Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Goasguen, président :

Le 9 juin 2011, le Comité a en effet autorisé la publication du rapport d'information que M. Sirugue et moi-même lui avions soumis sous le titre « L'aide médicale de l'État : mieux gérer un dispositif nécessaire ».

Ce rapport établissait un bilan du fonctionnement du dispositif en soulignant son intérêt incontestable en termes de santé publique mais, aussi, en s'interrogeant sur les moyens de mieux connaître et de mieux maîtriser l'origine des variations des dépenses. Nos conclusions appelaient donc à une adaptation et à une modernisation de la gestion de l'AME, notamment en ce qui concerne les modalités de tarification des soins hospitaliers.

Chacun des deux rapporteurs avait tenu à apporter sa propre contribution en mettant l'accent sur des points qu'il jugeait prioritaires. Cependant, dans le cadre consensuel qui est le nôtre, nous ne nous intéresserons aujourd'hui qu'aux six recommandations partagées.

Conformément à notre Règlement, le rapport d'information avait été transmis par le Président Bernard Accoyer au Premier ministre et aux ministres dont relève la gestion de l'AME : le ministre en charge du budget et le ministre en charge de la santé. Pour examiner les suites données par le Gouvernement à ce rapport, nous avons transmis en novembre dernier un questionnaire à M. Xavier Bertrand, ministre en charge de la santé. Aucune réponse ne nous a été apportée, ce qui est tout à fait regrettable. Il s'agit là d'un point noir dans la relation entre le travail parlementaire d'évaluation et le Gouvernement. Compte tenu de cette absence de réponses, nous avons collecté des informations, notamment extraites des débats parlementaires, afin de reconstituer l'application de nos propositions.

Une des premières décisions à prendre afin de réduire le coût du dispositif pour l'État et, surtout, pour aboutir à une certaine « vérité des prix » en remédiant à des dysfonctionnements maintes fois relevés, consistait à changer le mode de tarification des soins hospitaliers. Pour les patients relevant de l'AME, il était jugé nécessaire d'abandonner progressivement le tarif journalier de prestation (TJP) afin d'adopter la tarification de droit commun par groupes homogènes de malades. Cette recommandation centrale et partagée des rapporteurs a été appliquée dès l'été dernier. En effet, lors de la discussion au Sénat du premier projet de loi de finances rectificative pour 2011, le Gouvernement a déposé un amendement qui se fondait explicitement sur les conclusions de notre rapport et qui est devenu l'article 50 de la loi de finances rectificative.

La nouvelle tarification, applicable à partir du 1er décembre 2011, entrera complètement en vigueur en 2013. Il s'agit d'un système reposant sur la tarification à l'activité – le tarif sera équivalent à 80 % du tarif « de droit commun » – mais modulée par deux coefficients correcteurs afin de prendre en compte, d'une part, les spécificités de ces patients, et, d'autre part, de manière temporaire, les difficultés des hôpitaux lors de la transition. La facturation des soins hospitaliers dans le cadre de l'AME garde donc toujours une spécificité. Cette réforme ne s'applique pas aux soins assurés dans le cadre de la procédure des soins urgents. Selon l'intervention du ministre en séance, au Sénat, l'économie réalisée s'élèvera à 150 millions sur trois ans – dont 50 à 60 millions au cours de l'exercice 2012.

Le rapport du Comité a été présenté par un représentant de la Direction de la sécurité sociale (DSS) lors d'une réunion du « comité de pilotage de l'AME » associant les administrations de l'État et celles des organismes de la sécurité sociale – à laquelle les rapporteurs n'ont pas été conviés ! Cette réunion permet d'apporter les éléments d'information qui suivent, concernant les autres conclusions du rapport.

S'agissant de la proposition d'aménager une visite de prévention à tout nouveau bénéficiaire de l'AME, les résultats de l'expérimentation, d'ailleurs limitée à trois centres de santé, sont en cours d'analyse ; il n'est toutefois pas certain que le public qui en bénéficie effectivement soit le plus précaire.

Les administrations travaillent à la rédaction d'un arrêté qui prolongerait la conservation des données issues de la base de l'assurance maladie dénommée Erasme ; cette mesure se heurterait cependant aux réticences de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).

Concernant l'amélioration nécessaire de la connaissance de l'état sanitaire des bénéficiaires de l'AME, une récente étude publiée par le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l'Institut national de veille sanitaire (INVS) fait un nouveau point sur la santé des migrants.

Pour ce qui est de la gestion, la Cnam développe actuellement un nouvel outil, en cours d'expérimentation dans certaines caisses ; le suivi restera effectué sur une base régionale en utilisant les données relatives aux refus d'admission.

Des représentants du bureau de la DSS ont effectué une mission en Guyane afin de mesurer les difficultés spécifiques à ce département – longueur de l'instruction des dossiers et pourcentage élevé de bénéficiaires de l'AME, notamment. Ce document ne nous a pas été communiqué.

Pour procéder à la budgétisation la plus précise possible des besoins de l'année n+1 en loi de finances initiale (LFI), la Cnam effectue depuis le mois de juillet dernier un rapport mensuel, et non plus seulement trimestriel, des dépenses.

Le nombre de bénéficiaires de l'AME en 2011 semble avoir diminué par rapport à 2010, du fait notamment que les associations ne peuvent plus instruire les demandes.

Le collectif de fin d'année 2011 a permis une ouverture supplémentaire de crédits de 35 millions destinée au financement de l'AME. Malgré la revalorisation de la dotation initiale – 588 millions en LFI pour 2011 contre 535 millions pour 2010 –, la dotation au titre de l'exercice 2011 s'est encore révélée insuffisante. Ce phénomène, dont l'ampleur a certes été significativement réduite, rend d'autant plus nécessaire nos recommandations d'une budgétisation la plus précise possible des besoins en LFI. Selon le rapport spécial sur les moyens de la mission « Santé » pour 2012, la croissance des dépenses ralentit : après avoir atteint 13,3 % en 2009, elle n'a plus été que de 7,5 % en 2010 et de 2 % en 2011.

Les prévisions pour 2012 sont fondées sur une dépense totale de 601 millions minorée, d'une part, des économies attendues de la réforme de la tarification et, d'autre part, du produit d'autres mesures à la portée plus réduite, soit une dépense estimée en définitive à 548 millions.

S'agissant d'un domaine aussi crucial, épineux et sujet à polémique, nous ne pourrons faire autrement qu'insister auprès du Gouvernement pour qu'il prenne en compte nos travaux d'évaluation et de contrôle et réponde aux demandes que nous présentons dans le cadre de ce suivi. En l'occurrence, il ne s'est pas montré à la hauteur de ses compétences et de ses responsabilités. Au cours des prochaines législatures, il faudra nous employer à obtenir plus de résultats.

J'insiste : alors que le co-rapporteur et moi-même avions réalisé des efforts importants pour rapprocher nos points de vue, ce comportement du Gouvernement, voire des organismes sociaux, a conduit à une certaine inefficacité. Sans doute serons-nous contraints de reprendre cette question dans un esprit beaucoup plus autoritaire. Certains secteurs de l'administration sont en effet dotés d'une carapace de résistance qu'il faudra briser un jour ou l'autre si nous voulons réussir un véritable travail d'évaluation et de contrôle.

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