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Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 16 février 2012 à 9h30
Relance européenne et renforcement du contrôle démocratique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution dont nous discutons aujourd'hui a plusieurs ambitions.

Elle entend rappeler que les Parlements nationaux, et le nôtre en particulier, doivent être saisis de ce qu'on appelle le « semestre européen ».

Elle propose d'insister pour que, avant chaque conférence intergouvernementale, les Parlements nationaux débattent des politiques économiques et budgétaires et fixent des orientations.

Elle rappelle que la politique européenne elle-même, notamment lorsqu'elle doit viser à nous faire retrouver la prospérité par une politique volontariste d'investissement et de développement industriel, ne se réduit pas aux outils mis en oeuvre.

Elle insiste pour que nous allions vers un budget européen disposant de ressources propres, c'est-à-dire alimenté par un ou des impôts de niveau européen, et non par les seules contributions des États membres.

De façon très concrète, elle revient sur les mesures de nature à concilier stabilité et solidarité au sein de la zone euro entre États, à savoir : un Mécanisme européen de stabilité qui puisse se refinancer auprès de la Banque centrale européenne ; une BCE qui joue pleinement son rôle en élargissant sa fonction de prêteur ; une taxe sur les transactions financières introduite sans délai ; une mutualisation partielle de la dette des États de l'Union et des investissements dans des secteurs d'avenir financés par des euro-obligations.

Parallèlement, cette proposition de résolution estime que le recours à un nouveau traité fixant des sanctions plus automatiques en cas de déficit excessif des États, posant le principe d'une harmonisation fiscale et mettant en oeuvre un rôle accru de Bruxelles dans la préparation des budgets nationaux, n'est pas nécessaire.

En effet, ce traité veut institutionnaliser la règle d'or d'une limitation des déficits publics. Mais cette fameuse « règle d'or » figure déjà dans les traités, depuis Maastricht, avec le plafond des 3 % du PIB pour le déficit public et la limite de 60 % du PIB pour la dette publique. Il convient de rappeler ici – on l'oublie trop souvent – que ces règles entraient dans le cadre d'une croissance de 3 %. On en est loin.

Le texte du nouveau projet de traité, lui, ne propose ni n'établit de rapport entre le déficit autorisé et la croissance. Le projet de traité n'apparaît pas non plus nécessaire dans la mesure où les mécanismes visant à renforcer la solidarité financière entre États face à la grave crise de la zone euro que nous traversons font l'objet de dispositions spécifiques dans un autre traité.

Il y a lieu de constater que les traités, actes de droit international public, s'imposant au législateur national français sont tantôt les véhicules acheminant vers les États des politiques publiques et des orientations économiques et financières, tantôt les véhicules créant des outils qui mettront en oeuvre ces politiques…

Il en ressort une certaine difficulté pour les parlementaires à distinguer les normes qui définissent une politique économique et financière au niveau de l'Union et les normes qui ne font que créer des outils au service d'une politique, quelle qu'elle soit.

Je ne parle pas de la difficulté à communiquer en direction des citoyens, pour lesquels ce subtil distinguo a l'allure d'une discussion alambiquée et inutile.

Dans ce contexte, cette résolution a le mérite de mettre l'accent sur la nécessité absolue et impérieuse que les parlements nationaux soient non seulement informés de décisions prises par les chefs d'État et de gouvernement et les institutions communautaires, mais participent à leur élaboration en amont, donnent des orientations et in fine puissent contrôler, c'est-à-dire rapprocher les objectifs présentés des décisions prises.

Mon propos sera centré sur plusieurs idées.

D'abord, les parlements nationaux doivent être saisis en amont de toute décision.

La procédure du semestre européen mise en oeuvre à compter de septembre 2011 consiste à coordonner ex ante les politiques économiques et budgétaires de la zone euro, en lien avec le pacte de stabilité et de croissance et la stratégie Europe 2020.

Pour faire simple, le Conseil européen et le Parlement définissent des orientations et les États, sur la base de ces orientations, présentent leurs stratégies.

L'idée de la résolution est bien de réintégrer parfaitement les parlements nationaux dans le dispositif en faisant jouer la coordination entre eux.

C'est une question de démocratie. La commission des affaires économiques et financières du Parlement européen a, dans son rapport de novembre 2011 sur le semestre européen pour la coordination des politiques économiques, rappelé avec force au Conseil que l'introduction du semestre européen devait « respecter pleinement les prérogatives des parlements nationaux », qui sont les garants des droits des citoyens.

C'est aussi une question d'efficacité économique. La même commission a constaté que les procédures complexes de la législation européenne et le manque de transparence des procédures décisionnelles, notamment au sein du Conseil européen et des conseils de ministres, effritaient la confiance des citoyens dans l'intégration européenne et fragilisaient le contrôle actif et constructif qu'ils avaient sur les politiques de dépenses.

Il y a donc bien lieu d'appeler à ce qu'une conférence interparlementaire se réunisse en amont de la coordination et non seulement en accompagnement, comme le prévoit le projet de traité.

Je voudrais en quelques mots évoquer l'inadaptation des institutions actuelles à agir efficacement contre la crise.

Dans plusieurs articles récents, dont un intitulé « La dépression auto-infligée » de la zone euro, plusieurs économistes américains réputés s'interrogent sur l'absence de résultat de la politique de la fameuse troïka composée, par ordre d'importance, de la BCE, de la Commission et du FMI.

Pour eux, l'élément central est la BCE.

Ils la comparent au FMI d'il y a quelques années, qui voulait forcer les réformes dans les pays qui avaient besoin de son intervention, et notent le caractère idéologique plus que pragmatique qui préside à son action.

Ils observent sa résistance à créer de l'argent afin de stabiliser les rendements obligataires des États membres endettés, contrairement à ce qu'a fait la Réserve fédérale américaine.

Ils subodorent un fort préjugé à l'égard des intérêts des créanciers la poussant à s'assurer que tout pays qui a « trop emprunté » paie le prix fort pour le faire.

Ces économistes font à juste titre remarquer que la crise n'a pas été causée par les pays de la zone euro les plus faibles qui auraient trop emprunté, puisque tous les pays, sauf la Grèce, avaient vu leur dette publique par rapport au PIB baisser jusqu'à la récession mondiale, et ils considèrent que même la dette de la Grèce aurait été gérable si la troïka avait répondu différemment au premier trimestre de 2010.

Aujourd'hui, ce sont des chiffres édifiants : pour un euro prêté à la Grèce, 19 centimes vont à l'État grec, 40 centimes reviennent aux banques étrangères, 23 centimes aux banques grecques et 18 centimes à la BCE…

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