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Intervention de François Vannson

Réunion du 29 avril 2008 à 15h00
Archives du conseil constitutionnel archives — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Vannson :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les archives, mémoire de notre nation, permettent la connaissance de l'histoire de notre pays et des générations successives de ses habitants. Rapportant des faits, des dates, des noms, elles offrent une clef de compréhension de notre destin commun et constituent un facteur de cohésion et de solidarité nationale. Gardiennes des moments clés de notre histoire, elles permettent également de conserver la trace des parcours individuels, des existences les plus simples, les plus singulières et des vies les plus modestes, notamment à travers les actes notariés et les documents d'état civil.

Néanmoins si les archives font, par définition, référence au passé, elles sont aussi, pour reprendre votre expression, madame la ministre, une « mémoire en devenir ». Elles sont, en effet, avant tout, des outils de gestion pour notre administration, des éléments de preuve ou encore des justificatifs de droits pour nos concitoyens, à l'instar des documents relatifs à la naturalisation.

Proclamé par la loi du 7 messidor an II, le principe de l'ouverture des archives au public, sans restriction ni discrimination, n'est jamais à l'abri de tentatives de remise en cause. C'est pourquoi la représentation nationale se doit de veiller sans cesse au respect de leur libre accès, en faisant en sorte qu'elles ne soient pas ouvertes aux seuls historiens et chercheurs, mais aussi à l'ensemble de nos concitoyens désirant s'approprier l'histoire de leur pays, leur histoire en somme.

La loi du 3 janvier 1979, votée conformément à ces principes, est à l'origine d'acquis essentiels tels que la définition des archives, la distinction entre archives publiques et privées ou encore la mise en place de sanctions pénales. Cette législation, qui complète la loi du 17 juillet 1978, relative à l'accès aux documents administratifs, a participé au mouvement d'ouverture et de transparence de l'administration.

Soucieux du respect de ces principes, je ne peux, madame la ministre, en tant que représentant de l'Assemblée nationale à la commission d'accès aux documents administratifs, la CADA, qu'approuver, d'une manière générale, les objectifs des textes que vous avez soumis à la discussion parlementaire.

Mon intervention se limitera à traiter du projet de loi ordinaire qui tire les leçons de près de trente ans d'application de la loi de 1979 et vise à adapter les dispositions de cette loi à l'évolution du contexte politique, économique et social.

Je tiens, tout d'abord, à insister sur les dispositions de l'article 11 du projet de loi : elles posent de façon claire le principe de libre communicabilité, sauf exception, des archives publiques. Le texte prévoit une innovation majeure en faisant du libre accès le principe, et du maintien de certains délais, l'exception. Il s'agira là d'une avancée démocratique non négligeable qui profitera à l'ensemble de nos compatriotes.

J'émettrai néanmoins une réserve concernant la disposition selon laquelle les documents dont la communication pourrait porter atteinte à la sécurité des personnes ne seraient pas communicables. En effet, elle fait largement double emploi avec deux autres exceptions : celle concernant la sécurité juridique, et celle portant sur la divulgation du comportement d'une personne dans des conditions qui pourraient lui porter préjudice. Or, dans le projet de loi soumis à notre discussion, ces deux exceptions sont déjà assorties de délais de libre communicabilité importants. Le risque est donc de voir ces délais vidés de leur substance par une invocation trop systématique de l'exception relative à la sécurité des personnes. Cela conduirait à interdire la communication des archives concernées de manière perpétuelle.

Il serait possible de limiter ce risque en précisant la notion d'atteinte à la sécurité des personnes afin de la rendre moins floue et moins subjective. Je vous proposerai de modifier le projet de loi en ce sens lors de la discussion des articles.

La réduction des délais de communication constitue un autre apport significatif du projet de loi. Il faut bien admettre que, contrairement, à ce que l'on peut entendre ou lire, ici ou là, le projet de loi, dans son ensemble, réduit de manière significative les délais de droit commun et la durée de protection de certains secrets, qui pouvaient paraître inutilement longs. De plus, à défaut d'un délai spécifique instauré par la loi, les secrets protégés par la loi du 17 juillet 1978, qui relevaient jusque-là du délai de droit commun de trente ans, deviendront désormais librement communicables à l'expiration d'un délai de vingt-cinq ans.

Sur la question des délais, j'émettrai une réserve concernant l'amendement adopté par le Sénat visant à fixer à soixante ans le délai de communicabilité de documents pouvant porter atteinte à la protection de la vie privée. Il semble souhaitable de revenir aux cinquante ans prévus par le projet de loi initial, d'autant que ce délai semble plus conforme à l'esprit de du texte.

Madame la ministre, si le projet de loi, tel que vous l'avez déposé, me paraît aller dans le bon sens, je me montrerai un peu plus réservé sur certains articles, visant à modifier la loi du 17 juillet 1978 relative aux documents administratifs, issus de la discussion du texte devant le Sénat. Il s'agit principalement des articles 23 à 26 du projet de loi.

Ces derniers marquent, pour la première fois depuis 1978 une régression de la transparence au détriment des citoyens et soulèvent un certain nombre de difficultés juridiques et pratiques que j'aborderai très sommairement et sur lesquelles j'aurai l'occasion de revenir au cours de la discussion des articles.

L'article 23 propose de substituer le terme « détenu » au terme « reçu » comme critère de communication des documents administratifs. Cette substitution me semble peu appropriée dans la mesure où ce qui compte pour le citoyen est de savoir non pas que l'administration a reçu ou non un document, mais si elle le détient, donc si elle peut le communiquer.

La logique est, peu ou prou, la même en ce qui concerne l'article 24 hors le fait qu'il s'agit de transmission et non de réception.

Toutefois les dispositions les plus contestables me semblent être celles de l'article 25 qui réécrivent, quasi intégralement, l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978. Il faudra désormais aller chercher dans le code du patrimoine ce qui concerne la non communicabilité des documents concernés alors que la loi de 1978 faisait, jusque-là, office de texte de référence en matière de documents administratifs. Cette modification entraînera une perte de lisibilité pour le citoyen et ce n'est pas le seul aspect négatif de ces dispositions ; nous aurons l'occasion d'y revenir dans la discussion.

Je conclurai, madame la ministre en réaffirmant mon soutien aux textes que vous avez soumis au Parlement. Ils contiennent de nombreuses avancées. J'espère néanmoins que le débat sur le projet de loi ordinaire aboutira à l'adoption d'un texte proche de celui que vous aviez initialement déposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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