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Intervention de Jean Leonetti

Réunion du 7 février 2012 à 16h15
Commission des affaires européennes

Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes :

M. Michel Lefait a évoqué le problème de la Grèce, qui est en effet préoccupant. Des décisions ont été prises pour aider ce pays. Une nouvelle tranche sera débloquée le 20 mars. Mais l'échéance est proche et des solutions devront avoir été trouvées d'ici là.

Une négociation a eu lieu avec les partenaires financiers et le secteur privé. Elle a porté sur la durée, sur les taux et sur l'effacement d'une partie de la dette. À l'heure actuelle, on en serait à 3,7 ou 3,8 % pour ce qui est des taux, et à près de 50 % pour ce qui est de l'effacement de la dette privée. Mais il semble que les travaux progressent lentement, malgré les recommandations de la troïka et l'accompagnement des experts.

L'unanimité qui s'était faite au niveau des partis politiques grecs au moment où M. Papandréou avait évoqué un referendum s'est en grande partie fissurée à l'approche des échéances électorales. Mais on ne peut pas sacrifier l'avenir de son pays à des préoccupations purement électoralistes. Le Président de la République a donc appelé la majorité et l'opposition à retrouver un consensus national et à accepter le plan tel qu'il est, car il n'y a pas d'alternative – il n'est pas envisageable de le modifier. Dans un tel contexte, les gouvernants grecs vont devoir prendre leurs responsabilités dans les plus brefs délais. Sur ce point, vous avez pu constater que la Chancelière et le Président de la République parlaient d'une même voix. Il n'y aura pas de faillite de la Grèce. La France et l'Allemagne ne laisseront pas cette situation se produire. Imaginez un peu ce qui se passerait sinon, notamment pour le Portugal.

La dette publique du Portugal représente 105 % de son PIB, contre un objectif de 120 % pour la Grèce. Pour aider cette dernière, on a mis en place des pare-feu et on a fait intervenir des créanciers privés. Mais c'est une situation qui doit rester exceptionnelle. Nous l'avons répété au moment de la négociation du traité : il n'y aura ni plan ni rééchelonnement de la dette pour le Portugal. Celui-ci devra continuer, en toute indépendance, à chercher le moyen de répondre à la crise qu'il traverse, comme il a commencé à le faire en réformant le marché du travail.

Michel Herbillon m'a demandé en quoi le dernier Conseil européen constituait une étape décisive. Il est en effet bien conscient que la crise que nous traversons demeure un sujet de préoccupation. Mais l'important est que l'immense majorité des États européens – vingt-cinq sur vingt-sept – se soient entendus pour mettre en place des mécanismes coordonnés de solidarité et de discipline. Je remarque qu'ils ont, par là même, adopté le point de vue de la France – et non celui de l'Allemagne. C'est en effet la France qui a proposé le FESF, la gouvernance économique et l'instauration d'une règle d'or sur le plan national.

Cette étape, pour être significative, ne nous met pas à l'abri des obstacles : après avoir signé le traité, il faudra le ratifier. Il serait particulièrement désastreux pour la France et pour l'Europe que ce traité ne soit pas ratifié ou que l'on envisage de le renégocier. J'ai assisté au départ de mes homologues roumain, allemand, espagnol et italien, et si les traités européens étaient contestés à chaque changement de majorité, nous serions dans une situation d'instabilité dont les spéculateurs ne manqueraient pas de tirer profit.

Madame Karamanli, contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'objectif du compte bloqué n'est pas de pénaliser la Grèce. Il s'agit de rassurer les marchés financiers, de faciliter le financement de la Grèce sur l'ensemble des marchés et, en même temps, d'assurer l'indépendance budgétaire de cet État souverain. Quelqu'un a eu une phrase malheureuse sur « la mise sous tutelle » de la Grèce, mais il n'en est pas question. L'Europe n'est pas là pour inféoder les gouvernements à ses décisions. En revanche, comme je l'ai dit tout à l'heure, on ne peut envisager de verser des fonds à la Grèce sans qu'aient été mis en place des mécanismes permettant de stabiliser la situation économique de ce pays.

Comme dans le traité de Maastricht, il est question, dans le TSCG, de croissance et d'emploi. Je vous renvoie, madame Karamanli, à l'article 9 de son titre IV, où apparaissent les trois mots clé de « croissance », « emploi » et « compétitivité ». Le dispositif mis en place par le TSCG poursuit ce triple objectif.

Des actions peuvent être menées au niveau européen pour compléter celles menées par chaque pays. Pascale Gruny m'a interpellé sur les 82 milliards de fonds européens qui seront programmés à l'horizon de 2013. Ces fonds sont déjà là, puisqu'ils n'ont pas été utilisés – pour des raisons multiples, qu'elle connaît d'ailleurs. Je précise que dans ces 82 milliards, j'ai inclus les 22 milliards du Fonds social européen – FSE – à partir duquel nous interviendrons en faveur de l'emploi des jeunes – plans d'apprentissage et soutien aux jeunes entrepreneurs. Parallèlement, nous agirons pour les PME en allégeant les procédures administratives auxquelles elles sont soumises et en facilitant leur accès aux marchés publics dans le cadre du marché unique.

En ce sens, on peut dire qu'il existe un plan de relance européen de 82 milliards d'euros. Il est d'ailleurs logique qu'au moment où les États membres sont en difficulté et ont dû procéder à des restrictions budgétaires, une part substantielle et concrète soit consacrée à la relance de la compétitivité et de la croissance.

Les pouvoirs de sanction de la Commission et de la Cour de justice de l'Union européenne n'ont pas été accrus. La France a bien insisté sur ce point : la Cour de justice de l'Union européenne ne peut sanctionner que la non-transposition du traité en droit national. Il n'est pas question qu'elle contrôle a priori ou a posteriori les budgets nationaux. Prenons l'exemple d'un pays ayant inscrit la règle d'or dans sa Constitution : si son budget ne respectait pas cette règle, il serait anticonstitutionnel et une sanction serait alors prononcée par un tribunal du pays, et non par la Cour de justice.

La BCE intervient sur les liquidités à hauteur de 500 milliards d'euros et, en toute indépendance, sur les dettes des États souverains jusqu'à 200 milliards d'euros. Cette double action n'est pas destinée à aider particulièrement les banques. Elle vise à favoriser l'accès aux liquidités, donc aux prêts, pour les entreprises qui veulent se développer, et à aider les États à se désendetter.

La dette n'est pas sanctionnée de façon quasi-automatique parce qu'elle relève du passé et que la question des critères d'endettement est réglée par le « six-pack » que viendra conforter le traité. Il paraissait d'autant plus logique de s'attaquer plutôt au déficit qu'il est déjà prévu que la dette devra être réduite d'un vingtième chaque année.

Monsieur Gaubert, comme Jean-Jacques Rousseau, je considère que l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite, c'est la liberté. Je suis donc d'accord avec vous : il faut respecter les règles. Et en cas de manquement, les sanctions sont indispensables. On l'a bien vu lorsque la France et l'Allemagne, les deux plus grands pays de l'Union européenne et de la zone euro, se sont élégamment affranchies des critères de Maastricht, présentés comme des carcans alors que ce n'était que des règles de bon sens.

Monsieur le député européen, vous m'interrogez sur le solde structurel des administrations publiques. Je vous répondrai qu'il s'agit du solde annuel corrigé des variations conjoncturelles – déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires – tout en vous précisant qu'il convient de prendre en compte l'ensemble des dépenses publiques, c'est-à-dire aussi bien celles de l'État que celles des collectivités.

J'ajoute que la référence au solde structurel était obligatoire. Il faut en effet pouvoir s'autoriser l'utilisation de « stabilisateurs automatiques ». En période de crise, la conjoncture est mauvaise, les prélèvements obligatoires baissent et les dépenses, notamment sociales, augmentent. Or les stabilisateurs économiques permettent de lisser le cycle économique dans lequel on se trouve.

Didier Quentin a parlé de la convergence de la France et de l'Allemagne en matière d'impôt sur les sociétés. Le taux de cet impôt est plus bas en Allemagne, mais son assiette est bien plus étroite en France. Il faudrait d'abord élargir l'assiette avant de rapprocher progressivement les taux. Cela signifie qu'il faudra attendre 2013 pour finaliser une telle réforme. Mais l'important est de parvenir à cette convergence.

Monsieur Cousin, on crée la croissance par la compétitivité, par un déficit inférieur qui ne plombe pas les investissements et par le marché unique, qui est un formidable outil de croissance. Depuis vingt ans, le marché intérieur a permis de créer près de 2,7 millions d'emplois dans l'Union européenne. La liberté des échanges facilite non pas la compétitivité interne, mais la compétitivité externe. Je pense, par exemple, au brevet européen unique qui devrait prochainement voir le jour. Aujourd'hui, un brevet déposé en France, en Allemagne ou en Suisse coûte dix-sept fois plus cher qu'un brevet américain. Le brevet unique augmentera donc la performance de nos entreprises et sécurisera l'innovation en Europe.

La croissance se fonde sur une politique budgétaire rigoureuse, sur l'innovation – notamment dans le domaine du numérique et de la croissance verte – et sur le marché unique que M. Michel Barnier est en train de mettre en place pour que nous soyons plus compétitifs.

Monsieur Myard, les sanctions vont-elles faire exploser le système ? Vous êtes suffisamment averti et intelligent pour savoir qu'une menace de sanction peut constituer en elle-même une arme efficace contre l'infraction. Si des dérives se sont produites dans le passé, c'est parce qu'il n'y avait pas de sanctions. Aujourd'hui, des sanctions automatiques sont prévues. Elles seront décidées à une majorité qualifiée inversée. Cela devrait permettre de faire ce que l'on a dit.

Je reconnais, pour terminer, que je suis d'une nature résolument optimiste. Mais c'est une qualité bien utile pour quelqu'un qui a été médecin, député et qui a maintenant la chance de s'occuper de l'Europe !

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