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Intervention de Odile Saugues

Réunion du 8 février 2012 à 16h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOdile Saugues, co-rapporteure :

Pour mener à bien la réalisation de ce programme, le principe de subsidiarité devra présider à l'exécution des mesures préconisées.

Le niveau réglementaire doit indéniablement être celui de l'échelon européen. En effet, l'harmonisation des réglementations, du droit, des choix de transports, est la condition indispensable à la réussite du projet et au dynamisme de l'Union européenne. Néanmoins, la notion de concurrence loyale implique une harmonisation des règles sociales en Europe et la fin des abus liés à la notion de détachement (en particulier dans le secteur aérien).

En outre, le fait de disposer du pouvoir législatif n'autorise pas la Commission européenne à intervenir dans des domaines qui relèvent de la compétence des Etats. Nous avons par exemple dénoncé dans d'autre travaux les propositions de la Commission en matière de pouvoir de police (contrôle d'alcoolémie) ou d'organisation des secours (cf. rapport sur les systèmes intelligents de transports). Mais surtout l'Union européenne ne doit pas chercher à imposer aux Etats par la voie réglementaire des priorités définies par elle, sous couvert des réseaux européens de transport. Les tracés ne peuvent que résulter d'un accord entre financeurs.

Le document reprend en partie les positions de la France, arrêtées dans le cadre du Grenelle de l'environnement, sur des thèmes essentiels tel que le report modal, les systèmes de transport intelligents, la décarbonisation des transports maritimes et aériens ainsi que les déplacements urbains.

Néanmoins les travaux de la Commission européenne ont suscité des réserves du Gouvernement français, que nous partageons pleinement sur les points suivants.

Nous soutenons l'objectif de réduire très fortement le niveau des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports. C'est un élément essentiel pour la lutte contre le changement climatique et l'avenir de notre planète qui doit permettre de renforcer la compétitivité de l'Union en lui permettant de s'imposer comme l'espace le plus avancé en matière de technologies et de transports propres.

L'objectif de réduction de 60 % d'ici 2050 affiché par la Commission fournit une perspective utile. Toutefois, il serait indispensable d'évaluer précisément les moyens de l'atteindre et ses conséquences socio-économiques. En outre, cet objectif ne saurait guider à lui seul la politique européenne des transports.

Le caractère parfois très ambitieux de certains objectifs spécifiques énoncés dans le Livre blanc, ainsi que des hypothèses qui sous-tendent leur définition, posent la question de la répartition des efforts entre les différents États membres et du niveau de leur mise en oeuvre (local, régional, national, européen ou international).

Nous devons plaider également pour une meilleure prise en compte du lien entre la politique des transports et les autres politiques sectorielles. Sans remettre en cause le principe de subsidiarité, d'autres objectifs relevant de politiques publiques complémentaires à celle des transports auraient pu être davantage développés dans le Livre blanc. Je pense, en particulier aux politiques relatives à la planification urbaine, à l'harmonisation des conditions de travail et de rémunération des salariés, à laquelle j'attache une très grande importance, à la santé ou à la qualité de l'air, ces deux derniers points étant intimement liés.

Une évaluation intermédiaire du Livre blanc dès 20152016, suivie d'une réévaluation régulière tous les cinq ans, devrait être prévue pour ajuster si nécessaire les objectifs sectoriels et les moyens de les atteindre.

Face à la pluralité des mesures présentées dans le Livre blanc, une hiérarchisation s'avère nécessaire car tout n'est pas immédiatement finançable. Une politique ambitieuse en matière de transport impose aux États membres de porter en priorité leur action sur :

- la recherche et développement ainsi que l'innovation, atout essentiel pour parvenir à un système de transport compétitif et durable ;

- le comportement des utilisateurs, levier d'action peu coûteux qui donne des résultats très « efficients ». De ce point de vue il conviendrait de préciser la notion d' « utilisateur payeur» qui ne doit pas être poussée à un niveau tel qu'il découragerait l'usage des modes les plus respectueux de l'environnement ;

- la définition d'objectifs plus contraignants en termes d'efficacité énergétique et environnementale des véhicules ;

- l'entretien des réseaux existants, leur modernisation et leur sécurisation.

La question la plus importante à nos yeux est celle de la crédibilité du Livre blanc. Nous devons poser la question des modalités de financement des investissements présentés. Les montants annoncés par la Commission (1 500 milliards d'euros sur 20 ans) sont considérables et leur soutenabilité n'est pas analysée suffisamment finement.

Il existe une contradiction majeure entre les ambitions affichées et les règles de rigueur budgétaire dont se dote actuellement l'Union européenne, sous la pression des Etats membres. Dans ce domaine il est évident que la compatibilité des objectifs de rigueur affichés et la réalisation de ces travaux ne peut reposer que sur un financement communautaire par l'emprunt, « les euro-projects » que le Président Baroso appelle de ses voeux. Cette solution étant actuellement rejeté par les Etats il est clair que le Livre blanc est condamné, pour le moment, à ne pas être réalisé, du moins pour sa partie infrastructure.

Les pays périphériques de l'Union européenne ont développé une importante industrie du transport routier, au détriment de pays comme la France Une libéralisation accrue du cabotage créerait une incitation forte, pour les transporteurs routiers des pays où les charges sont les plus élevées, à développer des filiales dans des pays à bas coût pour réaliser des opérations de cabotage dans leur pays d'origine, voire à enfreindre la réglementation en développant des pratiques de travail illégal.

Ces composantes ont été regroupées en trois objectifs majeurs mis en avant pour 2050 : la réduction des émissions de gaz à effet de serre, une forte diminution du pourcentage de dépendance pétrolière des activités liées aux transports et limiter l'accroissement des encombrements.

Les deux premiers objectifs allant de pair, le plus important nous semble la diminution du pourcentage de dépendance pétrolière des activités liées aux transports, la réduction des émissions de gaz à effet de serre en découlant. Le troisième objectif nous paraît vital mais pas assez ambitieux et surtout en contradiction avec l'ensemble des politiques européennes qui visent à réduire le coût du transport routier en favorisant le « dumping social » des pays de l'Est : on peut saluer le réalisme de son esprit, « limiter » l'accroissement des encombrements, mais pourquoi ne pas viser plutôt la suppression des encombrements et des goulets d'étranglement ? A défaut d'être atteignable cet objectif se révèle plus stimulant, et donc porteur de résultats plus satisfaisants.

En conclusion, ce rapport d'inspiration libérale nous paraît porteur d'un projet constructif et vital au développement de l'Union européenne.

Sa réalisation devrait sans nul doute permettre à l'Union européenne de conserver un rôle majeur sur la scène internationale. Le créneau de la préservation de l'environnement est peut-être le domaine dans lequel l'Union peut se différencier par rapport à ses concurrents asiatiques, trop soucieux pour l'instant de leur croissance pour se préoccuper d'enjeux apparemment périphériques, tels que la préservation de l'environnement. Or, via notamment les normes, cet objectif est dès aujourd'hui essentiel.

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