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Intervention de Jean Leonetti

Réunion du 31 janvier 2012 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes :

Monsieur Plagnol, je puis vous rassurer sur le brevet européen, sur lequel je sais que vous avez beaucoup travaillé : les discussions ne portent plus que sur des questions telles que le siège de la section principale, le nombre d'organisations secondaires, le coût du brevet ou les langues utilisées ; nous sommes dans la phase finale de la négociation. Un compromis a été adopté sous la présidence polonaise par 23 pays sur 25 – je rappelle que l'Italie et l'Espagne ne participent pas, n'ayant pas obtenu que leurs langues soient admises. Reste à convaincre l'Allemagne et la Grande-Bretagne, qui veulent, contrairement aux autres, que le siège de la section principale se trouve à Londres ou à Munich plutôt qu'à Paris. La déclaration du Conseil indique que la négociation doit aboutir avant la fin de ce semestre, ce qui me paraît une échéance raisonnable.

Par ailleurs, la force de frappe du MES de 500 milliards d'euros me paraît pour l'instant suffisante. Nous disposons en outre d'une marge puisque le MES disposera, en plus du capital de 80 milliards d'euros, de 620 milliards additionnels de garanties.

Naturellement, si la France, l'Italie, l'Espagne et le Portugal étaient simultanément en défaut, ces capacités ne suffiraient probablement pas. Mais ces fonds ne sont pas destinés à combler le déficit total d'un pays. En outre, on voit bien que les décisions courageuses prises par le gouvernement italien ont stabilisé la situation et rétabli la confiance des marchés financiers à l'égard de l'Italie.

Si l'Allemagne est prête à abonder plus vite le MES, pour ce qui nous concerne, une telle mesure supposerait certains arbitrages budgétaires préalables. Cela étant, un étalement sur cinq ans paraît satisfaisant.

Quant aux agences de notation, elles ne font pas plus les politiques nationales que les politiques européennes, ni non plus les taux de change ! La preuve en est que dès que la France a vu sa note dégradée par une agence sur trois, dans la semaine qui a suivi, les taux sur les obligations françaises ont été historiquement bas. Les notes délivrées par ces agences ne comportent pas tous les éléments d'objectivité, de transparence et de cohérence et ne suffisent pas à déstabiliser les marchés financiers, tant mieux ! La France continue à être une des meilleures signatures : le MES disposera de toute la force nécessaire pour lever des fonds additionnels aux 80 milliards de capital.

La règle de ratification du traité par douze États est en effet une bonne chose. Pendant la période intermédiaire, qui devrait durer six mois, une coordination s'effectuera avec la BCE. Cela étant, on voit bien que, pour de multiples raisons, les marchés financiers sont plutôt stabilisés et que les taux obligataires français restent remarquablement bas : notre pays emprunte aujourd'hui à un taux d'environ 3 %, après la dégradation de la note d'une agence, contre 4,5 % avant la crise !

Monsieur Caresche, l'intervention de la BCE de 500 milliards d'euros sur les dettes souveraines a naturellement contribué à la stabilité : on ne peut que s'en réjouir ! Si le dollar n'avait pas été soutenu par la Réserve fédérale américaine (Fed), il aurait été dans une situation bien plus difficile que l'euro, dans la mesure où la zone euro est moins endettée et dispose de meilleures capacités de production et d'exportation que les États-Unis. Mais la BCE est indépendante : la France ne peut donc pas légitimement lui demander d'intervenir – pas plus que les autres pays n'ont de légitimité à lui demander de ne pas intervenir. Cela dit, je constate que la BCE est intervenue de façon proportionnée, au bon moment et comme il le fallait : elle joue donc son rôle. Et si elle continue à le faire, il n'est pas nécessaire de modifier les traités pour en faire une Réserve fédérale européenne ou une banque centrale britannique !

Concernant le déclenchement du MES, vous savez bien que la constitution allemande prévoit, pour certains mécanismes, l'autorisation du Bundestag : ce n'est pas l'Europe qui est soumise à celui-ci mais l'accord allemand sur les traités européens ! Le Bundestag ne décidera donc pas des interventions du MES, qui sera provoquée sous l'impulsion de la BCE ou de la Commission européenne.

La capacité du FESF d'accorder des prêts disparaîtra au moment où le MES entrera en vigueur, mais ce premier conservera une compétence pour les actions qu'il a antérieurement menées. Il y aura donc une période de cohabitation entre ces deux dispositifs, qui demeureront distincts : la capacité d'intervention du MES ne sera donc pas altérée.

Je rappelle que le pouvoir de sanction de la CJUE se limitera aux cas de non-transposition de la règle d'or par un État membre dans son droit interne : elle ne disposera donc d'aucune compétence pour connaître du budget des États.

Sur la coordination de la zone euro, la France est satisfaite du traité : elle a seulement rappelé que les engagements des pays de cette zone étaient tels qu'il n'était pas question qu'ils ne puissent se réunir seuls. Un agenda de ces pays du 23 octobre dernier avait prévu qu'ils se réuniraient fréquemment : il n'était pas envisagé que chaque fois qu'ils le font pour améliorer la coordination du pilotage de la zone, ils devaient inviter les autres États. Un argument consistait à dire que lorsqu'on décide quelque chose en la matière, cela a une répercussion sur les autres pays, mais lorsque la Grande-Bretagne prend une décision, cela a aussi une répercussion sur les autres pays, sans que la France ou les pays de la zone euro y soient pour autant associés !

Même si, en l'occurrence, la Grande-Bretagne n'a pas signé le traité, il nous faut plusieurs mécanismes : un mécanisme où l'on se réunit à 27, pour des questions touchant par exemple au marché intérieur ; un mécanisme où l'on se réunit à 17 ; et un mécanisme enfin où l'on se réunit à plus de 17, c'est-à-dire avec les pays qui se sont engagés sur les dispositifs du traité et ceux qui ont à connaître de la gouvernance future de la zone euro, laquelle pourrait avoir une influence au moment où eux-mêmes rentreraient dans cette zone. C'est la raison pour laquelle le président Van Rompuy a proposé, à juste titre, qu'une réunion globale, avant toute réunion restreinte de la zone euro sur des problèmes spécifiques, permette d'évoquer les problèmes communs à ces pays. Il est vrai que si les 27 États de l'Union faisaient partie de la zone euro, ce serait plus simple, mais on peut espérer y parvenir un jour !

Monsieur Roubaud, il serait préjudiciable de laisser penser que la France n'adopterait pas la règle d'or – ou que le traité ne serait pas accepté en l'état. Nos interlocuteurs européens, allemands notamment, sont inquiets à ce sujet : ils se demandent si nous sommes en mesure de la faire adopter par le Parlement réuni en Congrès, par référendum, ou avec une majorité nouvelle opposée à cette mesure.

Ce traité engage la France – comme tous les traités – et non un gouvernement ! Depuis ma prise de fonction comme ministre chargé des affaires européennes, j'ai vu changer mes homologues espagnol, italien, danois, portugais, finlandais et allemand – en l'occurrence, dans ce dernier cas, pour des raisons personnelles – : demande-t-on, à chaque nouveau gouvernement, de renégocier les traités ? Cela semble pour le moins aberrant !

Un traité ne se renégocie pas : il engage la parole du pays qui l'a signé. Et s'il s'agit de dire qu'on souhaite un engagement plus fort pour la croissance et l'emploi des jeunes, cela ne doit pas donner lieu à une renégociation !

Certes, le traité peut être signé sans être ratifié : cela pose a contrario le problème des décisions prises que l'on remet en cause, à l'image de la position de M. Papandréou, qui a accepté globalement un accord pour finalement indiquer que son peuple le refusait ! Il lui a été répondu que s'il voulait poser une question à son peuple, il devait lui demander s'il voulait rester dans l'Europe, dans la mesure où cet accord n'était plus renégociable.

Chacun devrait donc réfléchir aux conséquences d'une remise en cause d'un traité que nous avons signé. Une telle mesure signifierait, à l'égard des autres pays européens, que nous n'avons pas la même conception de l'Europe et, vis-à-vis des marchés financiers, que la zone euro n'est pas stabilisée et qu'elle offre donc toutes les spéculations possibles. L'Europe serait alors dans un no man's land juridique l'empêchant de bâtir des pare-feu. Les plans B n'existent que dans les paroles et exceptionnellement dans les actes !

S'agissant des droits de plantation en matière viticole, la situation a évolué : lors du conseil des ministres de l'agriculture le 23 janvier dernier, M. Cioloş, le commissaire chargé de l'agriculture, a indiqué mettre en place un groupe de haut niveau pour débattre des réformes du secteur vitivinicole. Cela constitue un premier résultat de l'action menée par la France, avec l'Allemagne et l'Italie, qui font partie des huit pays – lesquels sont maintenant douze – souhaitant qu'il n'y ait pas de modification sur ce point. Nous avons donc bon espoir que la Commission européenne prenne en compte notre demande.

Nous entrerons dans la négociation sur l'organisation commune de marché (OCM) vitivinicole dans le cadre global de la politique agricole commune (PAC). Vous connaissez mon intransigeance ainsi que celle du ministre de l'agriculture Bruno Le Maire à cet égard : nous n'accepterons pas de perspectives ou de cadre financiers qui ne stabilisent pas la PAC.

Madame Bourragué, les négociations pour un accord de libre-échange avec Singapour ont été lancées en 2009 : la Commission européenne espère pouvoir le conclure cette année. Rien ne serait pire que l'absence d'accord, lequel tend évidemment à instaurer une forme de réciprocité. Il ne pourra être conclu que si un accès accru aux marchés des biens et services et aux marchés publics, de même qu'une meilleure protection des investissements et des droits de propriété intellectuelle, avec notamment des indications géographiques, y sont actés.

Je souhaite que nous ayons un accord dans les endroits où le commerce est peu loyal et la réciprocité peu respectée. La France a obtenu qu'à chaque sommet européen, on continue à rechercher cette réciprocité. Nous avons d'ailleurs abouti à des accords avec le Japon, dont les entreprises pénétraient relativement facilement sur le marché européen, alors que les entreprises européennes avaient au contraire beaucoup de mal à investir le marché japonais. Nous devons continuer à avoir des accords de libre-échange, qui sont en fait des accords de partenariat et d'équivalence. Plus largement, la France persiste à faire valoir l'idée de réciprocité, qui n'est pas du protectionnisme, mais tend seulement à instaurer des échanges commerciaux loyaux avec des partenaires – lesquels sont parfois des amis ou des alliés, comme par exemple le Canada, dont il est difficile de pénétrer le marché.

Par ailleurs, à l'instigation de la France et de l'Allemagne, des règles sociales et écologiques peuvent être mises en place pour les marchés publics : si celles-ci ne sont pas observées par les entreprises extérieures venant sur nos marchés, ces dernières pourront être déboutées.

L'Europe, dont l'attitude a pu jusqu'ici sembler naïve, devient donc plus réaliste et offensive. D'ailleurs, la déclaration du sommet informel d'hier évoque, à la demande de la France, l'objectif de réciprocité.

Monsieur Terrot, je rappelle que la signature de la France ne saurait être remise en cause à l'occasion de changements de gouvernement. En outre, étant donné que la discipline budgétaire est indispensable pour avoir accès au mécanisme de solidarité – lequel est, j'en suis sûr, unanimement défendu par les parlementaires français –, et qu'est prévu, à la demande de la France, un engagement en faveur de la croissance et de l'emploi, l'architecture globale proposée par les traités est satisfaisante et ne saurait justifier une renégociation.

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