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Intervention de Michel Ménard

Réunion du 8 février 2012 à 21h30
Formation des maîtres — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Ménard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, enseigner, quel beau métier : c'est transmettre le savoir, donner aux enfants l'envie d'apprendre, stimuler leur curiosité, favoriser leur questionnement, tout mettre en oeuvre pour qu'ils puissent devenir des citoyens éclairés.

Pour enseigner, il faut maîtriser le savoir ; c'est évident. Qui peut penser, d'ailleurs, qu'avec un master, c'est-à-dire une formation à bac plus cinq, un adulte n'aurait pas les savoirs académiques indispensables ? C'est d'autant plus vrai en ce qui concerne l'école primaire. Mais, pour être un bon enseignant, il ne suffit pas de maîtriser les connaissances requises : il faut être en capacité de transmettre le savoir, il faut maîtriser la pédagogie, et cela s'apprend – dans les écoles normales, pendant des décennies, au sein des IUFM depuis une vingtaine d'années –, ou plutôt s'apprenait car les IUFM, ou ce qu'il en reste, ne peuvent plus assurer correctement leur mission pédagogique.

Votre majorité, sur ordre du Gouvernement, poursuit en effet le démantèlement de la formation des futurs enseignants, déjà mise à mal par la suppression de l'année de stage pour économiser 16 000 postes. Depuis la rentrée 2010, les enseignants des écoles, collèges et lycées sont recrutés au niveau master 2, soit bac plus cinq, avec l'objectif d'intégrer la formation des enseignants dans le dispositif LMD. Critiquée par des instances officielles comme la Conférence des présidents d'université, par les syndicats d'enseignants et d'étudiants et par les associations de parents d'élèves, votre politique aggrave la crise du recrutement des futurs enseignants.

Le bilan est sans appel : deux fois moins de candidats au concours de recrutement de professeurs des écoles en 2011 par rapport à 2010 ; l'année de stage en alternance de deuxième année rémunérée a été supprimée et le nouvel enseignant est à plein temps devant une classe, alors qu'il n'aura jamais vu d'élèves auparavant.

Le Conseil d'État, dans une décision du 28 novembre 2011, a en partie annulé l'arrêté du 12 mai 2010 fixant les compétences à acquérir par les enseignants et conseillers principaux d'éducation stagiaires. Cette décision rétablit de fait l'arrêté du 19 décembre 2006 fixant notamment le temps de service en responsabilité des stagiaires à huit heures par semaine et imposant une formation dans le cadre des IUFM.

C'est donc bien pour contourner les décisions du Conseil d'État et pour éviter d'éventuelles concertations sur le sujet que le ministère de l'éducation nationale a chargé notre collègue Grosperrin de passer en force et de modifier le code de l'éducation en recourant à une sorte de procédure accélérée.

Il ne s'agit pas d'une simple mesure technique pour faire en sorte que le Conseil d'État puisse être satisfait. Ce texte prévoit en effet de supprimer du code de l'éducation toute référence aux IUFM. Il propose de remplacer les mots : « La formation des maîtres est assurée par les instituts universitaires de formation des maîtres » par les mots : « La formation des maîtres est assurée par les établissements d'enseignement supérieur, notamment par les universités ». Ainsi, l'existence des IUFM ne serait plus liée qu'au bon vouloir des universités, elles-mêmes autonomes. Le véritable objectif du rapporteur n'est-il pas de faire disparaître les IUFM et de permettre à des établissements privés de participer à la formation des enseignants ?

Cette proposition de loi prévoit également de supprimer du code de l'éducation la notion de formation professionnelle initiale, ainsi que l'obligation de formation après le recrutement des enseignants. Permettez-moi de vous lire le témoignage d'une enseignante stagiaire : « Je n'ai jamais travaillé comme animatrice ou assistante d'éducation. Je n'avais donc pas vraiment de connaissance des adolescents. J'avais seulement fait un court stage d'observation l'an dernier. Au début de l'année, j'ai donc fait d'énormes erreurs dans la gestion de mes classes. De plus, nous n'avons pas eu de formation au début de l'année. » Cela se passe de commentaires.

La formation repose sur les IUFM. Leur potentiel de formateurs constitue un patrimoine qu'il convient de renforcer. C'est une structure dont il faut mieux définir les contours et les missions dans l'université. Leur disparition serait un nouvel affaiblissement du service public d'éducation et de la formation de ses personnels. C'est pourquoi les directeurs d'IUFM proposent notamment – je ne cite que quelques propositions car le temps m'est compté – de consolider les IUFM comme écoles universitaires professionnelles, de dissocier le recrutement et la formation universitaire des enseignants ou encore de construire un dispositif piloté par la formation et non par le concours.

De nombreux pays européens, dont l'Allemagne, ont réformé leur système de formation des enseignants, afin d'accorder plus de place à l'acquisition des compétences pédagogiques. En mettant fin à la formation pratique délivrée dans les IUFM, notre pays est à contre-courant des réformes engagées en Europe.

Faites donc en sorte, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, de rétablir une formation des maîtres digne des enjeux du service public de l'éducation.

Comme le préconise François Hollande, il faut créer 60 000 postes supplémentaires dans l'éducation, qui couvriront tous les métiers. Il faut mettre en place un prérecrutement des enseignants avant la fin de leurs études et rétablir, pour tous, une véritable formation initiale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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