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Intervention de Monique Boulestin

Réunion du 8 février 2012 à 21h30
Formation des maîtres — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonique Boulestin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, à moins d'un mois de la suspension de la session parlementaire, qui mettra fin à cette législature, est la traduction législative dans le code de l'éducation de la réforme de la formation initiale et du recrutement des enseignants des premier et second degrés, réforme dite de la « mastérisation », mise en oeuvre à compter de la rentrée scolaire 2010-2011.

Monsieur le ministre, malgré le refus, au printemps dernier, des députés de l'opposition et d'une partie de votre majorité de valider le rapport Grosperrin qui contenait en germe cette proposition de loi, et en dépit, tant du rapport accablant de Jean-Michel Jolion remis en octobre que des conclusions de la Cour des comptes, vous vous obstinez à soutenir une proposition de loi dont l'ambition, selon la Cour, « aurait justifié une réflexion plus approfondie sur les conditions d'une mise en oeuvre efficace et efficiente, notamment au regard de l'objectif de réussite de tous les élèves assigné à l'éducation nationale par le législateur».

En effet, la réforme du recrutement et de la formation initiale des enseignants, mise en place depuis deux ans, a déjà des conséquences catastrophiques, car son application accélérée a entraîné de nombreux dysfonctionnements. Les épreuves du concours, garant d'une équité de recrutement, sont vidées de leur contenu et jugées complètement déconnectées de l'exercice réel du métier d'enseignant. Aucune formation professionnelle n'est donnée aux nouveaux enseignants qui se trouvent immédiatement en charge d'élèves. Les lauréats des concours de recrutement sont désormais affectés immédiatement dans une école ou un établissement scolaire avec une obligation de service à temps complet.

Résultat de cette situation : le vivier de recrutement des enseignants a fondu. On compte aujourd'hui quelque 300 000 étudiants de moins en master qu'en licence. Ce manque d'attractivité est encore accentué par un salaire très largement inférieur à celui constaté en moyenne dans les pays de l'OCDE, et cela malgré les déclarations de janvier 2011 du Président de la République : « Je veux des enseignants mieux payés, mieux formés. »

Par ailleurs, sans engager de bataille de chiffres et sans entrer dans un débat idéologique, nous savons tous que l'éducation nationale a perdu 66 000 postes d'enseignants depuis 2007, alors que les effectifs d'enfants scolarisés en 2010 et 2011 ont augmenté de 50 000 dans le primaire et de 100 000 dans le secondaire. Ne soyons pas naïfs : conçu au moment ou le ministère s'engageait dans le processus du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, ce nouveau dispositif avait tout simplement pour objet de tirer parti, le plus rapidement possible, des économies d'emplois qu'il permettait.

Ainsi, avec six enseignants pour cent élèves ou étudiants, la France se retrouve bonne dernière des trente-quatre pays développés classés par l'OCDE en matière d'enseignement scolaire. Ce sont bien là des chiffres communiqués par l'OCDE et non ceux du parti socialiste. Nous avons besoin d'enseignants formés si nous voulons une société de la connaissance et du progrès social.

Enfin, dernier point, et non le moindre, cette proposition de loi précise que la formation des maîtres serait assurée « notamment » par les universités. La formation des maîtres ne serait donc plus, comme cela était précédemment inscrit dans le code de l'éducation, du ressort exclusif des universités via les IUFM. Quelle est donc l'intention du Gouvernement ? Quelle est celle du rapporteur ? Serait-ce la disparition des IUFM et l'ouverture d'établissements privés ? Monsieur le rapporteur, vos propos liminaires disent le contraire ; nous attendons la suite du débat pour être pleinement rassurés.

Permettez-moi une digression, monsieur le ministre. Cet après-midi, durant les questions au Gouvernement, Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle, constatait les dérives sectaires de certains organismes de formation professionnelle. Est-ce à cette dérive que vous aspirez ? Nous espérons que non. Cependant, s'agissant de l'école de la République et de la formation de nos enfants, effectivement, nous craignons le pire : des écoles de niveaux inégaux dans une société inégalitaire, loin, très loin de l'égalité des chances donnée à tous les enfants sur l'ensemble de notre territoire, et surtout très loin d'un service public éducatif de qualité en tout point de notre territoire.

À cet égard, les articles 2 et 3 de la proposition de loi retiennent particulièrement notre attention car ils suppriment à la fois la notion de formation professionnelle initiale et toute référence à l'obligation d'une formation professionnelle après le recrutement. Or nous soutenons le principe d'une formation méthodique et organisée tout au long de l'exercice du métier d'enseignant. Reprenant les mots de Jean-Michel Jolion, nous vous répétons qu'enseigner n'est pas « un art mais un métier qui s'apprend et dont la pratique doit être accompagnée ».

Cette proposition de loi soulève donc des questions de fond sur la formation initiale et continue des enseignants, sur l'attractivité du métier d'enseignant et sur l'adéquation de la réécriture du code de l'éducation aux grands objectifs assignés au système éducatif depuis la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005, sous un gouvernement de droite.

C'est pourquoi nous insistons, face au malaise des jeunes enseignants et à la lassitude du corps enseignant tout entier, pour qu'une formation professionnelle digne de ce nom soit dispensée, pour apprendre à apprendre, pour savoir gérer une classe et vivre pleinement le plaisir d'enseigner. Cela passera sans doute par une évolution du rôle des IUFM mais pas par leur liquidation.

Monsieur le ministre, au nom de l'école et des générations d'enfants à venir, nous vous implorons, pour paraphraser Condorcet, de conserver par la sagesse ce que nos aînés nous ont légué dans l'enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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