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Intervention de Renaud Muselier

Réunion du 7 février 2012 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRenaud Muselier, rapporteur :

Le projet de loi dont nous sommes saisis tend à l'approbation de deux amendements à l'Accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, BERD, afin d'étendre son champ d'intervention aux pays du sud de la Méditerranée. L'année dernière, la communauté internationale a décidé de venir en aide aux printemps arabes. L'intervention de la BERD a été prévue, son mandat et l'expérience acquise depuis 20 ans ayant été jugés particulièrement utiles pour accompagner les pays du sud de la Méditerranée dans leur transition.

Le Partenariat de Deauville adopté lors du sommet du G8 en mai 2011 pour aider sur le long terme les pays engagés dans une transition démocratique, économique et sociale repose sur deux piliers, l'un, politique, destiné à soutenir la transition démocratique et à favoriser les réformes en matière de gouvernance, notamment la lutte contre la corruption et le renforcement des institutions propres à assurer la transparence ; l'autre, économique, pour aider les pays du Partenariat à mettre en oeuvre les réformes économiques et sociales nécessaires, notamment pour créer des emplois, tout en assurant la stabilité économique pour favoriser la transition vers des démocraties stables.

Le déblocage de quelque 40 milliards de dollars de crédits de financements bilatéraux et multilatéraux a été annoncé. Ils sont répartis ainsi : dix milliards d'engagements bilatéraux. A ce titre, l'AFD apportera près de 1,1 milliard d'euros de prêts à conditions avantageuses, et elle a signé immédiatement un prêt d'appui budgétaire de 185 millions d'euros pour soutenir la stabilité économique de la Tunisie, qui, avec l'Egypte, a été le premier des pays inclus dans le partenariat ; dix milliards sont apportés par un fonds financier spécialement dédié à cet effet pour lequel se sont engagés les pays du Golfe, - Arabie Saoudite, Qatar, Koweït ; vingt milliards seront à la charge des banques multilatérales de développement auxquelles le G8 a donné un mandat spécifique pour qu'elles se repositionnent et coordonnent leur action au bénéfice des pays arabes engagés dans la transition. Elles sont invitées à réviser et à consolider leurs programmes en direction des pays du Partenariat, à revoir leurs priorités et à définir un plan d'action commun dans le cadre d'un processus déterminé et piloté par les pays bénéficiaires, sur la base de leurs propres plans nationaux d'action et de développement.

La Banque mondiale, la Banque africaine de développement, de la Banque européenne d'investissement, la Banque islamique de développement sont notamment impliquées, avec le Fonds arabe de développement économique et social ou le fonds de l'OPEP. S'y ajoute la BERD et dans cet ensemble, le rôle qui lui est donné est particulièrement souligné, compte tenu de son expérience unique dans l'accompagnement des transitions économiques et politiques. C'est la seule institution financière internationale qui ait un mandat spécifiquement consacré à l'accompagnement des processus de transition, tout particulièrement dans l'appui à la transformation de l'économie des pays de l'Europe centrale et orientale qui se sont engagés il y a 20 ans dans une dynamique identique, en privilégiant l'initiative privée et l'entreprenariat.

A la différence notable des autres institutions régionales de développement, la BERD travaille quasi exclusivement avec des investisseurs privés à l'établissement, à l'amélioration et au développement des activités du secteur productif, concurrentiel et privé. Elle cible en particulier les petites et moyennes entreprises, elle favorise l'investissement productif et apporte une assistance technique. 85 % de son portefeuille sont constitués de prêts ou autres prises de participations dirigés vers le secteur privé.

Il aurait été regrettable que les pays arabes ne bénéficient pas de cette expérience unique. Pour permettre à la BERD d'intervenir au sud de la Méditerranée, son terrain d'action doit préalablement être étendu. La BERD a en effet été fondée en 1991 pour accompagner les transitions en Europe centrale et orientale. Elle est particulièrement réactive, en témoigne le fait qu'en 2009, par exemple, elle a engagé 7,9 milliards d'euros, en augmentation de plus de 50 % par rapport à l'année antérieure, essentiellement pour aider ses pays bénéficiaires à faire face à la crise. Depuis sa fondation, le nombre de pays bénéficiaires a quasiment quadruplé, il est passé de 8 à 30 aujourd'hui, notamment du fait de l'éclatement de l'Union soviétique en premier lieu, puis de la Tchécoslovaquie et de la Yougoslavie. En 1992, quatorze nouveaux adhérents sont entrés au capital de la banque et se sont partagés la quote-part du capital détenu par l'URSS. Le dernier pays ayant ainsi bénéficié des engagements de la BERD est la Turquie, depuis 2008.

Pour que les pays de la rive sud de la Méditerranée, dont certains sont membres de la banque, puissent bénéficier de ses interventions il est nécessaire de réviser deux articles de l'accord constitutif et c'est l'objet du projet de loi qui a été présenté par le Gouvernement. Les amendements proposés résultent de résolutions adoptées en septembre dernier par le conseil des gouverneurs de la banque qui a défini les mécanismes les plus à mêmes de permettre à la banque de répondre à la demande qui lui a été faite par le G8.

Le premier amendement propose de compléter l'article 1er de l'accord en ajoutant aux pays d'Europe centrale et orientale et à la Mongolie, « les pays membres de la partie méridionale et orientale du Bassin méditerranéen ». Ce périmètre n'est pas davantage précisé. Pourraient éventuellement être concernés dans le futur, outre les quatre pays d'ores et déjà membres de la BERD - Maroc, Tunisie, Egypte et Jordanie -, les autres riverains de la Méditerranée, à savoir l'Algérie, la Libye et la Syrie. Bien que non riveraine de la Méditerranée, la Jordanie, a été intégrée à la BERD fin décembre dernier, en même temps que la Tunisie. La Libye s'est rapprochée ces derniers mois du partenariat, mais elle n'est pas membre de la banque.

L'amendement précise les modalités d'acceptation d'un pays de cette région comme pays d'opération, par « vote affirmatif des deux tiers au moins du nombre des gouverneurs, représentant au moins les trois quarts du nombre total des voix attribuées aux Membres ». L'élargissement du périmètre géographique n'entraîne donc pas acceptation automatique des pays concernés comme pays d'opération : toute candidature restera soumise à une approbation spécifique du conseil d'administration, sur la base d'un examen détaillé qui visera à vérifier que ces pays respectent et s'engagent à mettre en pratique « les principes de la démocratie pluraliste, du pluralisme et de l'économie de marché » selon les termes de ce même article1er, le conseil d'administration ayant la possibilité de suspendre ou de modifier l'accès aux ressources de la banque d'un Etat qui « mettrait en oeuvre un politique incompatible avec l'article 1 ».

L'article 18 de l'accord, objet du second amendement, traduit un souci de pragmatisme et d'efficacité pour permettre à la BERD d'intervenir sans tarder. Il introduit la catégorie de pays bénéficiaire potentiel. Cette disposition permettra au Conseil des gouverneurs de la BERD de décider qu'un Etat membre, qui n'est pas encore un pays bénéficiaire, peut se qualifier comme bénéficiaire potentiel pour une période limitée, s'il est en mesure de répondre aux conditions requises, tant politiques qu'économiques, pour devenir pays bénéficiaire, selon ce qui est stipulé à l'article 1er. La BERD pourra ainsi répondre à l'urgence via ses fonds spéciaux, qui sont d'utilisation souple, dans les pays qui ont vocation, à terme, à être pays bénéficiaires.

Enfin, autre preuve de la réactivité de la banque dont je parlais plus haut, le fait que sans attendre, la BERD ait engagé des interventions préliminaires, centrées sur de l'assistance technique et visant à préparer les futurs projets et son arrivée sur le terrain.

Il s'agit donc de conforter l'appui que la communauté internationale a décidé de donner aux pays arabes engagés dans ce processus de transition si important et si difficile. Cet appui est un facteur déterminant de leur succès et je vous recommande évidemment d'approuver ce projet.

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