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Intervention de Marie-George Buffet

Réunion du 6 février 2012 à 21h30
Responsabilité civile des sportifs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Cette proposition de loi est-elle un ticket de retour du Grand prix de France ?

Monsieur le ministre, je pense que cette opinion est largement partagée sur les bancs de notre assemblée, le retour d'un Grand prix en France serait une bonne chose, mais pas à n'importe quelles conditions.

Si l'objectif de cette proposition de loi est là, laissez-nous le temps d'en étudier les avantages et les inconvénients pour l'ensemble de la pratique sportive dans notre pays.

Le texte dont nous débattons ce soir traite de montants financiers importants pour les fédérations concernées, mais ces montants doivent être considérés de manière globale, car ce qui n'est pas payé par les fédérations l'est par d'autres, parfois plus cher.

Mutualiser les risques permet de baisser le coût des primes d'assurance. Négocier au niveau d'une fédération plutôt qu'à celui de chaque pratiquant aboutit au même résultat.

Chers collègues, fait-on réellement, en votant ce texte, le choix de l'efficience ?

Ne gonfle-t-on pas les coûts qui pèsent sur la pratique sportive au profit des assureurs ?

Des lors que l'on mentionne les coûts générés par la jurisprudence de la Cour de cassation pour les fédérations, il faut aussi mettre en parallèle leurs recettes.

Il est certain, de ce point de vue, que la responsabilité sans faute pèse plus sur certaines d'entre elles que sur d'autres. Certaines se financent confortablement par les droits audiovisuels, tandis que, pour la grande majorité, la survie dépend d'une manne publique de plus en plus réduite.

Mais la proposition de loi n'aborde-t-elle pas le problème sous un mauvais angle ? Ne devrait-on pas plutôt renforcer le partenariat entre les fédérations pour les aider à assumer non seulement le surcoût d'assurance induit par la jurisprudence de la Cour de cassation, mais aussi l'intégralité de leurs missions de service public ?

Enfin, ce texte n'a-t-il pas une portée plus grande que ce qu'il annonce ?

Avant 2010, la responsabilité sans faute incombait aux fédérations uniquement pendant les compétitions. La Cour de cassation l'a étendue aux périodes d'entraînement.

Avec ce texte, la responsabilité sans faute pour les dommages matériels n'incomberait plus aux fédérations ni pendant les compétitions, ni pendant les entraînements. Par contre, elle leur incomberait toujours pour les dommages corporels.

Cette proposition de loi ne se contente pas de tempérer la jurisprudence de la Cour de cassation. Elle ne consiste pas en un simple ajustement technique des variables financières. Elle modifie les règles applicables d'une manière qui sera source de confusion.

En supprimant la division artificielle entre compétitions et entraînements, la jurisprudence de la Cour de cassation a harmonisé les règles en vigueur dans le sens de la clarté.

Sans doute n'est-elle pas allée assez loin. Le même dommage causé par une raquette ou par un coup de coude ne serait en effet pas indemnisé de la même manière.

Mais au lieu d'apporter une solution sur ce point, cette proposition de loi crée une nouvelle division artificielle, entre dommages matériels et dommages corporels.

On se retrouverait ainsi dans des situations ubuesques où, pour un même accident, un pratiquant relèverait de deux régimes de responsabilité différents !

Il faut donc s'en tenir à la jurisprudence de la Cour de cassation, et prendre le temps de réfléchir à une harmonisation des différents régimes de responsabilité dans le sport.

Mais cette harmonisation doit viser à la plus grande justice. Et c'est là la question centrale posée par ce texte. Est-il juste que les fédérations indemnisent les dommages qu'elles n'ont pas causés au titre de la responsabilité sans faute ? Je pense que oui.

En effet, jusqu'en 2010, une personne ayant subi un dommage durant les entraînements n'était pas indemnisée par l'auteur du dommage parce qu'elle était réputée consciente du risque. En revanche, si le dommage survenait pendant une compétition, les fédérations devaient indemniser la victime.

La jurisprudence de la Cour de cassation est donc plus protectrice pour les victimes, notamment lorsqu'elles n'ont pas les moyens de réparer les conséquences du dommage subi, dommage dont elles ne sont pas responsables. Je pense en particulier aux sportifs amateurs ou à certains sportifs professionnels, qui n'ont pas derrière eux, pour réparer le dommage subi, une riche écurie de formule 1. Pour tous ceux-là, être victime d'un dommage grave est susceptible de compromettre l'accès à la pratique de leur sport.

Mais, au-delà, d'autres droits pourraient être compromis. Un jeune issu d'un milieu populaire dont les lunettes seraient cassées durant un match de football pourrait avoir bien du mal à les remplacer s'il est mal assuré. C'est son droit à la santé qui en serait amoindri.

Attribuer aux fédérations la responsabilité sans faute des dommages causés aux tiers, c'est affirmer le principe de solidarité dans le sport.

Cela est d'autant plus juste que les risques de survenue des dommages évoqués dans cette proposition de loi sont relativement aléatoires, car inhérents à la pratique. Il est donc logique d'en mutualiser l'indemnisation sous l'égide des organisateurs de cette pratique.

Nous aurions pu, comme la doctrine nous invitait à le faire, discuter des différences de régimes qui pourraient exister entre le sport amateur et le sport professionnel.

Nous aurions pu travailler à une loi sur la responsabilité dans le sport, adaptée aux spécificités des pratiques sportives.

Mais tel n'a pas été le choix de cette majorité, qui préfère adopter un texte ajoutant de la confusion à notre droit.

Une fois de plus, nous allons prendre le problème à l'envers et remettre en cause une composante du droit au sport sous prétexte de protéger les fédérations. Mais cela ne les aide en rien. Ce qu'elles souhaitent, ce sont des moyens pour mettre en oeuvre réellement ce droit au sport.

Nous débattons ce soir, comme souvent d'ailleurs, d'un texte inachevé, et dans de mauvaises conditions. Aussi, au nom des députés du groupe GDR, je voterai contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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