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Intervention de Jean-Pierre Gorges

Réunion du 26 janvier 2012 à 11h00
Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Gorges, rapporteur :

Il nous était difficile, dans ce dossier complexe, de séparer ce qui relevait de questions structurelles et de questions conjoncturelles, certains estimant que la survenance de la crise économique empêchait d'analyser objectivement les problèmes, en oubliant ainsi une donnée structurelle majeure : 9,5 millions de salariés français, sur 16 millions, continuaient de travailler 39 heures par semaine en dépit du passage officiel aux 35 heures. Tout le monde n'a pas bénéficié du passage aux 35 heures. En tout cas, le coût supplémentaire correspondant au nombre de salariés qui travaillent désormais 35 heures payées 39 s'élève entre 10 et 12 milliards d'euros. Mécaniquement, les salariés qui travaillent 39 heures bénéficient donc d'un bonus, qui ne représente pour eux qu'un juste retour des choses, par rapport à ceux qui travaillent 35 heures et sont payés 39 heures – sur ce point M. Jean Mallot et moi-même nous ne sommes pas d'accord.

Toutefois, il est évident que, en pleine crise économique et dans un contexte de montée du chômage, demander aux travailleurs français d'accomplir des heures supplémentaires peut paraître surprenant. C'est pourquoi on ne relève que très peu d'heures véritablement supplémentaires : ont été principalement bonifiées les heures supplémentaires déjà pratiquées.

Long à faire passer dans les esprits, le diagnostic est maintenant généralement admis. M. Jean Mallot et moi-même avons ainsi adopté quelques positions communes, concernant les avantages offerts par le dispositif aux entreprises, qui bénéficient d'un double bonus à travers la promotion des heures supplémentaires. Toutefois, c'est un peu en contradiction avec le dispositif de la loi Fillon qui permet de bonifier les premières heures travaillées – et c'est là qu'il faut faire porter l'effort. De fait, les entreprises retirent mécaniquement un gain supplémentaire de cette superposition des dispositifs.

On peut donc regretter qu'une étude d'impact n'ait pas été préalablement réalisée, mais je relève aujourd'hui qu'un candidat à l'élection présidentielle formule 60 propositions totalement dépourvues, elles aussi, d'étude d'impact puisque chacun sait qu'il faut au moins six mois pour en mener une à bien. Après tout, la politique sert parfois à faire rêver…

Du côté des employeurs, je relève que, ne serait-ce que par l'économie précitée de 600 millions d'euros, le CEC a largement démontré son utilité.

Du côté des salariés, je suis défavorable à ce qu'on modifie le dispositif en vigueur car il ne faut surtout pas décourager la France qui continue de travailler 39 heures. L'alignement général à 35 heures de travail hebdomadaire aurait entraîné une catastrophe économique. Le bonus dont bénéficient près de 10 millions de salariés a donné un coup de pouce à leur pouvoir d'achat dans une période particulièrement difficile.

En revanche, il faut revoir le seuil à partir duquel on détermine s'il y a, ou non, heure supplémentaire. Cela dit, le temps de travail n'est plus de 35 heures depuis que la loi du 20 août 2008 a supprimé la notion de durée hebdomadaire de travail. Ainsi, les 35 heures ne servent plus qu'à comptabiliser les heures supplémentaires. Il convient donc de revoir, au niveau des branches et des entreprises, comment les prendre en compte. En tout état de cause, une disposition générale n'aurait aucun sens en la matière.

Si le dispositif devait, à terme, être refondu, il faudrait le reconsidérer à l'aune d'une reprise de la croissance. Nous avons besoin de souplesse en ce domaine, et l'heure supplémentaire constitue un élément de souplesse. Tout récemment, l'émission télévisée Capital en montrait l'importance pour le développement des entreprises, sans entrer dans des différenciations selon la taille de celles-ci qui semblent envisagées aujourd'hui par certains.

Je suis donc très favorable à ce qu'on trace un trait final sur les 35 heures. Le tort du dispositif évalué, c'est d'avoir institutionnalisé les 35 heures, alors que la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a supprimé la notion de durée hebdomadaire du travail. En outre, le seuil à partir duquel on entre dans le mécanisme des heures supplémentaires est mal compris des Français. Il faut donc le revoir, branche par branche.

Je suis également déçu que le Gouvernement n'ait répondu qu'imparfaitement à nos questions, malgré la lettre de la ministre du Budget et les 600 millions d'économies retenues dont nous avons parlé. Mais je ne crois pas qu'on encourage réellement les chefs d'entreprise à proposer des heures supplémentaires par des incitations financières diverses, qui représentent un montant de 700 millions d'euros. Les entrepreneurs se déterminent plutôt en fonction d'un outil de production qu'ils peuvent continuer de faire tourner au-delà de son amortissement, si leur carnet de commandes le permet, afin d'accroître leur valeur ajoutée. Il faut donc déjà les autoriser à le faire.

En somme, notre diagnostic est commun mais ses interprétations politiques sont quelque peu différentes.

L'enjeu du retour sur les 35 heures consiste à récupérer 12 milliards qui pèsent sur le budget de l'État au titre de la compensation des 35 heures payées 39.

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