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Intervention de Gilles Leclair

Réunion du 25 mai 2011 à 16h00
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

Gilles Leclair, préfet délégué pour la défense et la sécurité auprès du préfet de la zone de défense Sud :

Quoique je ne dispose pas de toutes les données sur la consommation de drogues en France, je ne pense pas que sa physionomie ait beaucoup changé. L'évolution majeure de ces dix dernières années, comparées aux années 1970, est le passage d'une toxicomanie plutôt centrée sur un produit à une polytoxicomanie. Depuis mon arrivée à Marseille, j'ai constaté que, dans un cadre festif, les mêmes personnes consomment à la fois des drogues légales et illégales : le fumeur de joint ou l'héroïnomane isolé est de plus en plus rare.

À partir du nombre des interpellations, on observe depuis plusieurs années un tassement de la consommation, sans doute parce que la poursuite pénale, notamment pour les usagers de haschich, est de moins en moins répandue : cette consommation n'est plus guère une priorité pour les policiers ou gendarmes en opération sur la voie publique. De ce fait, les statistiques de la répression ne sont pas forcément entièrement représentatives de la réalité ; celles de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies en sont sans doute plus proches.

La polyconsommation influence aussi le trafic. Dans la deuxième partie des années 1970, les trafiquants étaient spécialisés : haschich, cocaïne, héroïne. Aujourd'hui, petits ou puissants, ils se sont adaptés au marché : ils vont où est l'argent. Marseille et ses alentours n'échappent pas à cette évolution. La région Provence-Alpes-Côte d'Azur ne comporte pas que le port de Marseille : il faut y ajouter ceux de Toulon et de Nice.

Il existe aussi un trafic routier transfrontalier. Sur les routes reliant l'Espagne à l'Italie, on trouve du trafic de cannabis et de cocaïne. À l'occasion, de l'héroïne circule aussi en sens inverse, depuis la Turquie. Nous effectuons également des saisies sur des voies aériennes et terrestres en provenance du nord de l'Europe. Nous arrêtons cependant moins fréquemment des « mules » à Marseille qu'à Nice, dont l'aéroport présente plus de caractéristiques internationales. De petites saisies peuvent aussi être opérées dans les trains. La voie maritime est également utilisée, soit par des voiliers, soit par des « go-fast » en provenance du Maroc ou d'Espagne. Des ripostes ont été mises en place, notamment grâce au Centre de coordination pour la lutte contre le trafic de drogue en Méditerranée, implanté à Toulon. Phénomène nouveau, nous avons aussi constaté des trafics par voie aérienne – par hélicoptère ou avion – en provenance du Maroc ou d'Espagne.

Si le grand banditisme, implanté à Marseille ou en Corse, continue d'être impliqué dans le trafic, nous observons aussi le même type de trafic de banlieue qu'en région parisienne. Soixante cités sont touchées par ce qui ne peut pas être considéré autrement que de la grande criminalité : des bandes s'entretuent pour le marché, les preneurs de « contrats » étant assez souvent sous l'emprise de la cocaïne ou d'autres produits. Les conditions des règlements de compte relèvent vraiment de la barbarie !

La consommation est proche de celle des grandes régions urbaines françaises : beaucoup de polytoxicomanie, une stabilité de la cocaïne et un retour de l'héroïne, que nous avions prévu : dès lors que la production annuelle en Afghanistan atteint 800 tonnes, il était inévitable d'en retrouver une partie sur les marchés européens. À la différence des années 1980, les usagers fument ou « sniffent » l'héroïne beaucoup plus qu'ils ne se l'injectent.

Sans parler du tabac, une soirée type de certains jeunes commence avec de l'alcool ; ensuite vient la prise d'un « joint », pour être en forme en boîte de nuit, puis d'ecstasy et de cocaïne, pour améliorer ses performances, en boîte puis au lit, enfin, le cas échéant, d'un peu d'héroïne pour se remonter d'un coup de blues. Pendant une soirée, une personne peut ainsi prendre six produits addictifs. Pour prévenir les risques, nous devons donc cibler non pas une drogue, mais un panel de produits.

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