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Intervention de Denis Huneau

Réunion du 29 mars 2011 à 16h45
Commission d'enquête sur la situation de l'industrie ferroviaire française: production de matériels roulants voyageurs et frets

Denis Huneau, directeur général de l'établissement public de sécurité ferroviaire :

Ces déraillements qui, je le précise, se produisent sur des voies de service sont dus, en règle générale, à des erreurs d'exploitation au sens large, c'est-à-dire, par exemple, à une incompréhension entre le conducteur et l'aiguilleur, sans qu'il soit possible d'incriminer l'un plutôt que l'autre. Les matériels sont très rarement en cause en France, alors qu'en Allemagne, il a fallu arrêter des matériels de grande série. En octobre 2010, à la suite de la multiplication de petits incidents, nous avons suspendu l'autorisation de 280 wagons dont l'entretien des essieux laissait à désirer. Il s'agissait de matériel étranger, les wagons de fret étant interopérables depuis très longtemps. Cela étant, il est notoire que, par endroits, le réseau est en mauvais état, ce qui a un effet direct sur la qualité du service : les trains ralentissent. Mais tant que les arbitrages notamment sur la vitesse ne se font pas au détriment de la sécurité, nous n'avons rien à dire.

Avant d'apprécier la volonté d'harmonisation des différents pays, il faut avoir en tête que 80 % à 90 % des trains qui circulent aujourd'hui sont purement nationaux. Et il en sera ainsi encore longtemps. De fait, les États ne ressentent pas de besoin, même pour le fret où la logique était que les wagons traversent les frontières mais pas les locomotives. Comme elles peuvent, à quelques très rares exceptions près, tracter les différents types de trains, il existait déjà une certaine interopérabilité. Et ce système était assez efficace car, même si la motrice pouvait continuer, il fallait cependant changer le conducteur pour des raisons linguistiques. Contrairement au transport aérien où une seule langue est pratiquée, et à la route où l'on ne parle pas, il faut parler à l'aiguilleur, donc connaître sa langue et les règles en vigueur. Certes, on ne veut pas ralentir un TGV en l'arrêtant à la frontière, mais le nombre de trains concernés est très limité. Les États n'y mettent pas de mauvaise volonté mais, pour eux, « le jeu économique n'en vaut pas la chandelle ». Ce sont les constructeurs qui sont à la manoeuvre parce qu'ils souhaitent vendre le même matériel à plusieurs acheteurs. Et c'est ce qui se passe. Mais il est politiquement difficile de pousser à des évolutions qui ne servent pas partout. En ce qui nous concerne, nous sommes neutres, nous autorisons les matériels, pourvu qu'ils soient conformes aux normes de sécurité et aux exigences d'interopérabilité.

J'ai lu l'avis de l'Agence ferroviaire européenne à propos de l'affaire Eurostar. Il est strictement administratif et ne traduit aucune prise de position sur le niveau de sécurité. L'Agence déclare qu'on ne peut pas juridiquement refuser la motorisation répartie et, plus généralement, imposer une solution technique. C'est une position raisonnable. Toutefois, à l'origine, la motorisation aux extrémités obéissait à un scénario précis d'évacuation. En cas de blocage dans le tunnel, les passagers devaient pouvoir sortir par les portes prévues à cet effet et espacées dans le tunnel de 400 mètres environ. Il fallait donc un train un peu plus long. Un système de surpression était prévu entre la porte du train et le refuge, pour éviter l'asphyxie des personnes, principal danger en cas d'incendie. Le train Eurostar actuel respecte ces exigences. Avec une motorisation répartie, il y a des foyers potentiels au long du train et des voyageurs pourraient se retrouver coincés. Si l'on peut toutefois prouver que le risque est conjuré, il n'y a pas de raison de s'opposer à la motorisation répartie.

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