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Intervention de Yann Jounot

Réunion du 11 mai 2010 à 16h00
Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe a

Yann Jounot, directeur de la planification de sécurité nationale au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriale :

Outre que je représente la direction qui a assuré le support et le fonctionnement de la cellule interministérielle de crise, je suis également haut fonctionnaire de défense adjoint.

Le schéma dans lequel nous nous sommes inscrits pour la gestion de cette grippe constitue une première. Nous avons fait pour la première fois application des dispositions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui distingue bien deux fonctions : la direction de la politique stratégique, confiée aux autorités gouvernementales – Premier ministre et Président de la République – , et la conduite opérationnelle de la crise ainsi que la coordination interministérielle, confiées au ministère de l'intérieur. Cette orientation, validée par le législateur, figure à l'article 5 de la loi de programmation militaire.

Cette organisation a été appliquée dans le cadre du plan de lutte contre la pandémie grippale, dès lors que le Gouvernement a considéré que l'on était dans une situation de crise majeure qui pouvait avoir des impacts multisectoriels sur l'ensemble des composantes du gouvernement et de la société.

Le Premier ministre a donc confié la responsabilité du pilotage lors de la crise au ministère de l'intérieur, ce qui a conduit à l'activation, le 30 avril 2009, de la cellule interministérielle de crise, laquelle s'est réunie et a travaillé dans le cadre des orientations générales fixées par le Gouvernement.

Le dispositif de gestion de crise s'est traduit par pas moins de quarante-trois réunions – journalières en début de crise, puis hebdomadaires –, auxquelles participait une grande partie des membres du Gouvernement. Elles étaient présidées par le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur, en présence du directeur de cabinet du ministre de la santé, sauf, au début, où elles l'étaient par le ministre de l'intérieur lui-même. Étaient présents à la fois les représentants du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, du cabinet du Premier ministre et du Président de la République à compter de la fin du mois de juillet.

Le fonctionnement de cette cellule s'est inscrit dans un cadre interministériel avec, sous l'autorité du ministère de l'intérieur, un lien très fort entre ce dernier et le ministère de la santé car, même si les impacts de cette crise étaient par nature intersectoriels, elle était évidemment sanitaire et la réponse gouvernementale s'est largement inspirée des expertises rendues par le ministère de la santé.

L'ensemble des instructions qui ont été débattues et décidées dans le cadre de cette cellule s'est traduit généralement par la production de circulaires conjointes des deux ministres chargés de l'intérieur et de la santé. L'ensemble des réunions a fait l'objet de comptes rendus, qui sont évidemment à la disposition de votre commission, qui éclairent les conditions dans lesquelles le travail gouvernemental a été conduit, sous le pilotage opérationnel du ministère de l'intérieur.

On peut distinguer trois grands moments dans ce pilotage.

Lors de la première période, de la fin du mois d'avril au mois d'octobre 2009, nous avons tenté de freiner l'arrivée et l'impact du virus sur le territoire national par un certain nombre d'éléments de réponse, y compris par anticipation, en particulier par les plans de continuité d'activité, qui n'ont pas été activés, non plus, sauf à la marge dans certains aéroports où des contrôles sanitaires aux frontières ont été mis en place, que les mesures liées aux dispositifs de protection individuelle. La cellule interministérielle de crise a ainsi défini le cadre dans lequel les différentes administrations, les opérateurs ou les collectivités auraient pu être en mesure d'activer ces différentes mesures.

Dans la mesure où une crise de cette nature a un impact en dehors des frontières nationales, nous avons fait l'effort de nous intéresser le plus possible aux enjeux internationaux. Les débats de la cellule ont traduit la volonté de mieux connaître les réponses des autres États et de faire en sorte que l'Europe se saisisse davantage de ce thème, dans sa dimension non seulement sanitaire mais aussi sectorielle.

Mais le rôle de la cellule interministérielle de crise a surtout été de décliner une « boîte à outils » nationale, c'est-à-dire de choisir les mesures nécessaires et parfois de les construire. C'est particulièrement évident pour la vaccination : même si elle figurait dans les options du plan de lutte contre la pandémie grippale, nous avons dû collectivement inventer la manière dont elle devrait être organisée.

La deuxième période, d'octobre 2009 à la fin du mois de janvier 2010, a été celle de la vaccination, les circulaires du 21 août et du 28 octobre 2009 ayant défini les modalités de sa mise en oeuvre. La vaccination a débuté le 20 octobre pour les professionnels de santé et à partir du 12 novembre pour l'ensemble de la population. Elle s'est traduite par la mise en place, sur l'ensemble du territoire national, de plus d'un millier de centres de vaccination, avec une montée en puissance progressive : après un démarrage relativement lent, la demande a très sensiblement augmenté après le 20 novembre, avant de diminuer, notamment durant les fêtes de fin d'année, ce qui a conduit à ajuster le fonctionnement des centres. Nous avions pris rendez-vous pour le début du mois de janvier, afin de vérifier si la fréquentation reprendrait. La reprise ayant été relativement lente, le ministère de l'intérieur, en sa qualité de président de la cellule de crise, a poussé à une fermeture anticipée des centres de vaccination qui avaient été conçus pour fonctionner plus longtemps. Il a ainsi été décidé qu'ils fermeraient à la fin du mois de janvier, parallèlement à la fin du calendrier d'envoi des bons. Nous avons dans le même temps essayé de « desserrer » le dispositif et d'ouvrir des centres de vaccination dans les grandes administrations ou dans les entreprises. Quoi qu'il en soit, les centres ont été fermés le 30 janvier 2010.

Nous sommes aujourd'hui dans la troisième période, celle du repli. Il a fallu reprendre l'ensemble des équipements, dans des conditions de sécurité suffisante, et surtout procéder aux opérations de clôture administrative et financière pour solder les comptes, le ministère de l'intérieur étant en charge du volet administratif de l'organisation de la campagne.

J'en viens à quelques éléments d'appréciation.

Nous pouvons noter la bonne résilience de la chaîne de gestion de la crise. L'appareil administratif d'État – et au-delà, puisque les collectivités territoriales ont été étroitement associées au dispositif – a tenu dans la durée, malgré des tensions très fortes.

Pour assurer la réponse opérationnelle, nous nous sommes appuyés sur l'échelon départemental qui doit impérativement rester – y compris dans le cadre de la réforme territoriale en cours – un maillon important de la réponse territoriale en termes de sécurité, mais aussi, c'était une innovation, sur les préfets de zone qui ont été un relais efficace des instructions nationales et un soutien pour les préfets de département.

S'agissant du fonctionnement de la cellule interministérielle de crise, la responsabilité du ministère de l'intérieur s'est insérée dans les options stratégiques décidées par le Gouvernement. Cela a nécessité un important travail de coordination de l'ensemble des ministères. Nous avons pu ainsi homogénéiser au maximum les positions des différentes administrations et produire, dans des délais courts, les textes et les instructions qui ont permis aux chaînes territoriales de répondre aux instructions du Gouvernement. Nous avons dû construire un certain nombre d'instruments dont le mode d'emploi ne figurait pas dans le plan de lutte contre la pandémie grippale et nous avons testé la capacité à animer un réseau territorial sur une longue durée. Nous avons bien sûr travaillé dans un cadre interministériel extrêmement large.

Je terminerai par quelques réflexions sur la planification.

Nous devons tenir compte des acquis de la crise, pour apporter des compléments, en termes de mode d'emploi ou de cadrage, au plan de lutte contre la pandémie grippale. Nous avons dû, même si des éléments de doctrine étaient disponibles dans ce plan, inventer collectivement des dispositifs pour permettre aux uns et aux autres de mettre en place si nécessaire les plans de continuité d'activité. Nous avons dû également préciser ensemble les conditions d'utilisation des équipements de protection individuelle et donner un cadre précis à l'organisation territoriale de la vaccination.

Nous nous sommes aperçus qu'un certain nombre d'éléments de soutien, en particulier juridiques et financiers, étaient nécessaires à la conduite de la crise. La planification doit les intégrer afin que certaines questions n'aient pas à être traitées « à chaud ». Tel n'a pas été pleinement le cas.

Le ministère de l'intérieur étant par ailleurs en charge de la transposition territoriale des plans et de leur mise en oeuvre, il peut réfléchir à des axes d'amélioration. Il doit d'ailleurs renouveler son effort de transposition territoriale cohérente des plans gouvernementaux. Ainsi, il se penchera sans doute sur la question des seuils de déclenchement des diverses phases du plan, au niveau national comme à celui de l'Organisation mondiale de la santé.

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