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Intervention de Catherine Lemorton

Réunion du 10 juin 2010 à 9h00
Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton :

La circulaire du 21 août 2009 indiquait aux préfets et aux directions départementales et régionales des affaires sanitaires et sociales : « Vous informerez la population sur les modalités de préparation de la campagne à la fin du mois de septembre, par une communication systématique dans la presse locale » : était-ce là le meilleur vecteur, alors que, chacun le sait, dans la presse locale, l'information officielle ne pouvait qu'être précédée et suivie d'articles la contredisant ?

Pour expliquer la baisse d'adhésion de nos concitoyens à une éventuelle campagne de vaccination, vous avez évoqué les déclarations des professionnels de santé. Il ne faut pas oublier que les parents, après avoir été avertis durant tout l'été que les enfants étaient des facteurs de contamination 4 – ce qui est vrai –, s'attendaient début septembre à devoir les garder à la maison seulement quelques jours après la rentrée scolaire. Or il ne s'est rien passé, en dehors de quelques manques de postes de professeurs dans les classes. Du reste, la lecture de cette même circulaire du 21 août relativise l'argument généralement invoqué sur les conséquences qu'auraient eu sur le taux de vaccination les informations véhiculées par des sectes antivaccinales concernant les effets négatifs des vaccins. La circulaire précisait en effet : « Les vaccins qui seront utilisés sont des produits nouveaux, les laboratoires ayant dû attendre, pour se lancer dans le processus, la mise à disposition des souches du nouveau virus au niveau mondial » : il s'agissait donc bien d'un produit nouveau dont le développement serait très rapide. Elle ajoutait : « Les premières autorisations de mise sur le marché pourraient être délivrées en septembre, mais le périmètre exact de ces autorisations n'est pas connu. En particulier, la question de l'inclusion des enfants et adolescents de moins de dix-huit ans reste ouverte » : faut-il rappeler que nous n'étions alors qu'à un mois et demi du lancement de la campagne ? Elle poursuivait : « Il n'est également pas exclu que le champ de l'autorisation de mise sur le marché diffère d'un vaccin à l'autre ». Les raisons de douter étaient données à la population dans la circulaire du 21 août 2009 par la cellule interministérielle de crise elle-même. Il n'est pas besoin de stigmatiser les infirmières, les médecins ou les sectes anti-vaccinales !

Cette même circulaire précisait que « pour une vaccination de masse, avec un vaccin nouveau, les exigences de la pharmacovigilance sont majeures » : quelles sont aujourd'hui, monsieur Didier Houssin, les exigences de la pharmacovigilance concernant les quatre vaccins ? Je ne cherche pas à entretenir la peur de nos concitoyens, mais à faire en sorte qu'en cas de nouvelle pandémie, on ne se retrouve pas, comme hier, à devoir supporter des discours stériles visant à stigmatiser les uns ou les autres, parce que les études de pharmaco-épidémiologie n'auront pas été suffisamment sérieuses pour écarter ou confirmer les doutes. Des études très sérieuses sont actuellement conduites en Grande-Bretagne sur les séroconversions et la séropositivité des différents vaccins, en particulier chez les enfants qui constituent la population la plus problématique en matière de réactions, en ce qui concerne les aspects réactogènes et immunogènes de deux vaccins. Nous devons faire preuve de la même pharmacovigilance. Je serai, monsieur Didier Houssin, exigeante au nom de mon groupe quant au suivi de cette pharmacovigilance post-vaccinale.

M. Gérard Bapt m'a fait passer, à l'instant, un document de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé faisant état de décès intervenus après la vaccination, sans qu'on puisse aujourd'hui affirmer qu'ils ont été causés par le vaccin. Menons les études nécessaires pour avoir un recul statistique suffisant, à défaut de disposer de liens scientifiques avérés. Lien statistique et lien scientifique sont du reste indissociables.

La même circulaire précisait : « Enfin, la traçabilité individuelle sera également utilisée pour assurer un suivi du taux de couverture de la population par l'Institut de veille sanitaire ». Je ne reviendrai pas sur les questions soulevées par mes collègues sur les populations prioritaires. Connaît-on aujourd'hui le nombre de personnes prioritaires qui ont été vaccinées ? Hier, lors des auditions, nous avons entendu des chiffres quelque peu différents, du fait que certaines personnes se rendaient dans les centres munies de bons et d'autres pas, ce qui interdit toute coordination avec les caisses de référence, seul moyen d'identifier le peu de monde qui a été vacciné.

Par ailleurs, ne croyez-vous pas que les pays ont agi concurremment en dépit de l'existence de l'Organisation mondiale de la santé, une organisation internationale censée coordonner les politiques internationales de santé publique ? Une fois que le constat a été établi, la loi du marché n'a-t-elle pas prévalu, chaque pays se battant dès le mois de juillet pour avoir le plus grand nombre de vaccins possible ? Ne faudrait-il pas, au moins au sein de l'Union européenne, coordonner les stratégies afin de ne pas entrer en concurrence commerciale en matière de santé publique, ce qui me semble particulièrement inadmissible ?

En outre, vous avez déclaré au Sénat, lorsque vous avez été auditionné par M. François Autain, que, le 3 juillet, le Premier ministre avait acté la commande de 94 millions de doses : lors d'une prochaine pandémie, pourrait-on consulter les sociétés savantes, notamment l'Académie nationale de médecine ? Elle a souligné dans un communiqué, le mardi 23 février 2010, que « le choix entre une vaccination de masse et une vaccination ciblée pour les personnes à risque n'a pas fait l'objet d'un débat préalable. L'acquisition des vaccins aurait dû se faire par étapes en fonction de l'évolution de la pandémie au sein de la population générale […]. La décision d'une vaccination de masse aurait dû être expliquée et justifiée ». C'est une nouvelle preuve de l'absence d'adaptation.

Enfin, confirmez-vous que, pour la prochaine campagne de grippe saisonnière qui commencera en octobre 2010, les personnes auront le choix entre un vaccin monovalent, qui contiendra la valence H1N1, et un vaccin trivalent, sur le modèle des vaccins saisonniers habituels, qui contiendra lui aussi la valence H1N1 ? Un tel choix sera-t-il cohérent avec le fait que les plus de soixante-cinq ans ont été écartés de la vaccination massive contre la grippe A(H1N1) en raison d'une supposition d'immunité croisée et que ce sont ces mêmes personnes qui sont visées par le vaccin de la grippe saisonnière ? N'y aurait-il pas là une contradiction ?

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