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Intervention de Michel Godet

Réunion du 11 mai 2011 à 16h00
Mission d'information sur la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale

Michel Godet, titulaire de la chaire de prospective stratégique au Conservatoire national des arts et métiers, membre du Conseil d'analyse économique :

Monsieur Jean-Claude Sandrier, si je partage votre réaction devant des inégalités insupportables, il ne faut pas, toutefois, se voiler la face : dans les territoires, des hommes innovent et sont à même d'entraîner les autres. Les facteurs endogènes du développement, notamment culturels, existent bien.

Dans le cadre de la comparaison avec l'Allemagne, il convient de s'interroger sur les raisons pour lesquelles la filière automobile est quasiment déficitaire en France alors qu'elle est excédentaire en Allemagne. Comparant la France et l'Allemagne, le rapport du Centre d'observation économique et de recherche pour l'expansion de l'économie et le développement des entreprises (Coe-Rexecode) révèle que la France a perdu douze points de compétitivité en raison de son coût du travail. Notre industrie était moins chère de dix points il y a dix ans, ce qui nous permettait de bien vendre nos produits, alors même que leur qualité globale était inférieure à celle des produits allemands en termes de services, de performances ou d'image. Aujourd'hui, nos produits sont plus chers sans être meilleurs. Or on ne peut vendre plus cher que lorsqu'on est meilleur : c'est à cela que sert l'innovation.

Notre grande différence avec l'Allemagne réside dans la dépense publique, qui est supérieure de dix points en France. Elle a augmenté dans les deux pays en raison de la crise, mais moins en Allemagne que chez nous. Ce sont surtout les charges qui pèsent sur le coût du travail. Il ne faut pas diminuer la protection sociale, mais revoir peut-être certaines charges inutiles. Plus de services publics ne signifie pas nécessairement plus de dépenses publiques. Il ne faut pas confondre non plus le service public avec le statut public des agents qui le rendent. Il y a aujourd'hui un véritable problème de management public. Les préfets ne restent pas suffisamment longtemps en place pour réformer : tout ce qu'ils veulent, c'est ne pas faire de vague. Il en est de même des directeurs d'administration centrale qui ne restent que trois ans dans leur poste. Ce n'est pas un problème d'homme mais de gouvernance.

Pour ce qui est de la formation, la France compte cinq fois moins d'apprentis que l'Allemagne. Le système scolaire français laisse trop longtemps des enfants devant des enseignants qui, eux-mêmes, ne sont jamais sortis de l'école. C'est pourquoi j'ai proposé de faire entrer les actifs du monde économique dans les écoles, comme professeurs associés.

S'agissant de la productivité, il existe un vrai problème de désinformation économique. Vous avez raison de dire que la productivité apparente du travail en France est la plus élevée du monde, mais il n'y a pas lieu d'en être fier puisqu'on se contente de mesurer la valeur ajoutée par actif, ce qui signifie qu'on a éliminé du marché de l'emploi ceux qui ne sont pas assez productifs et qui, de ce fait, sont à la charge de la société. La quantité de travail et les richesses créées dans un pays, selon les indicateurs de l'OCDE, dépendent du nombre de jours travaillés par habitant et non par actif. En France, le nombre de jours est 88 contre 102 aux Pays-Bas, ce qui fait une différence de deux semaines. La quantité de travail y étant plus importante, les Pays-Bas créent plus de richesses.

En ce qui concerne les différences entre les territoires, j'étais à Annecy il y a quelques jours, où le taux de chômage est très faible.

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