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Intervention de Michel Godet

Réunion du 11 mai 2011 à 16h00
Mission d'information sur la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale

Michel Godet, titulaire de la chaire de prospective stratégique au Conservatoire national des arts et métiers, membre du Conseil d'analyse économique :

J'invite M. Marc Laffineur à lire l'ouvrage de M. Lionel Fontagné publié par le Conseil d'analyse économique qui démonte l'illusion de l'attractivité de la France. En s'appuyant sur les chiffres de la Banque de France, il montre que les entrées effectives de capitaux doivent en réalité être divisées par cinq ou six car elles intègrent les profits que les entreprises françaises rapatrient de leurs filiales à l'étranger. Notre attractivité est tout à fait surfaite.

Depuis le début, je pourfends les 35 heures parce que ce n'est pas en ramant moins que le bateau avance plus vite. La quantité de travail mobilisée en France n'est pas suffisante. Nous avons une France qui fonctionne à mi-temps, ce qui perturbe en profondeur les services aux entreprises et le fonctionnement global de l'économie. Par la défiscalisation des heures supplémentaires, mon idée était d'éviter de s'attaquer de front à l'acquis social des 35 heures mais d'inciter le bricoleur qui veut bien poser du carrelage le samedi matin à travailler davantage que celui qui reste dans son lit, en l'autorisant en quelque sorte à travailler au noir officiellement.

En tout état de cause, il n'y a pas, en France, assez de gens qui travaillent. Faute d'emploi, certes. Les trois quarts des créateurs d'entreprises ne font pas le saut de la première embauche. Pourquoi ? Ils n'y sont pas préparés, et ils savent aussi que, s'ils se trompent sur la personne ou s'ils ne décrochent pas le marché espéré, ils risquent fort de mettre la clé sous la porte. Les lois sociales sont ainsi faites que le patron de la petite entreprise est fragilisé par rapport à son employé.

Sur le plan démographique, l'Allemagne perd 300 000 personnes par an et semble suivre, comme le Japon, un modèle suicidaire. Toutefois, notre démographie ne sera un atout que si nous réussissons l'intégration, notamment en Île-de-France. À quoi bon avoir des jeunes s'ils ne sont pas éduqués et si on ne peut pas les embaucher ? La moitié des jeunes qui ne savent pas lire, écrire et compter en entrant en sixième ont été embauchés par les entreprises de moins de vingt salariés. Les entreprises ont surtout et avant tout besoin de savoir-être : le savoir-faire, lui, s'apprend sur le tas. Le vrai problème aujourd'hui, ce sont les 22 % de jeunes des quartiers en difficulté où l'on a concentré les handicaps. Pour la compétitivité future, agir sur les quartiers, surtout en Île-de-France, tient de l'urgence sociale car, à long terme, la compétitivité est le produit du capital humain. Quant à l'autre moitié, celle qui reste, elle n'est pas employable en l'état par manque d'éducation au sens large. Ce cruel manque d'éducation d'une partie de ces jeunes renvoie aux responsabilités de la société envers les familles. En matière éducative, on agit trop en réparation, et pas assez en prévention.

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