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Intervention de Pierre Blayau

Réunion du 16 mars 2011 à 16h15
Commission d'enquête sur la situation de l'industrie ferroviaire française: production de matériels roulants voyageurs et frets

Pierre Blayau, directeur général de SNCF Geodis et président-directeur général de Geodis :

Les volumes du fret ont fortement baissé, en raison d'un niveau d'activité relativement faible. La baisse a débuté en 1990 et elle a entraîné des pertes oscillant entre 300 millions et 600 millions d'euros par an. La consommation de cash s'est élevée à quelque 3 milliards sur les cinq dernières années.

Nous avons porté à la connaissance des cheminots, du public et des chargeurs les raisons de cette situation. La première est la désindustrialisation de la France. Le transport des produits traditionnellement éligibles au train – produits sidérurgiques, charbon ou voitures – a considérablement baissé. La crise a accéléré le phénomène : elle a touché très durement l'ensemble du transport de marchandises.

La deuxième raison tient aux conditions dans laquelle la SNCF a été mise en concurrence. Celle-ci, saine en soi, a privé la société de 10 % à 20 % des parts de marché de trains massifs.

La troisième raison, c'est la concurrence routière. Les conditions dans lesquelles les chargeurs peuvent recourir à un mode de transport ou à un autre sont favorables à la route pour des raisons de prix, de flexibilité, d'adaptation, de coûts des infrastructures et de péages.

À ces raisons, il faut ajouter l'organisation du travail à la SNCF qui n'est pas optimale. La concurrence a été faussée non seulement par les différences existant entre le statut de cheminot et les conditions de travail des salariés des autres opérateurs ferroviaires, mais également par une organisation trop lourde, qui doit être modernisée.

Le schéma directeur a été supporté par l'engagement national pour le fret ferroviaire, un programme d'investissement de dix ans à hauteur de 7 milliards d'euros, principalement tourné vers des travaux visant à fluidifier le réseau et à assurer la circulation des trains de marchandises : 80 % de cet engagement doivent être portés par RFF, les 20 % restants concernant les opérateurs ferroviaires de proximité et le transport combiné pour lesquels la SNCF a pris des engagements. La SNCF s'est également engagée à investir 1 milliard d'euros, un montant que la réorganisation permettra de dégager.

Ce schéma s'articule autour de trois grands axes. Le premier est le développement des nouveaux trafics, porteurs de report modal. L'autoroute ferroviaire constitue une très bonne surprise : Lorry Rail est presque saturé avec quatre allers-retours quotidiens, et ce résultat est d'autant plus remarquable que l'activité était très faible à la fin de l'année 2009. Nous sommes passés, en ce début d'année 2011, à 35 000 équivalents semi-remorques transportés contre 17 000 il y a un an, c'est-à-dire un doublement

S'agissant du trafic des combinés, nous avons pris le contrôle de Novatrans pour bâtir un opérateur de la même taille que les opérateurs allemand – Kombiverkehr – ou suisse – Hupac. Ces nouveaux trafics sont porteurs de commandes de wagons. Nous avons ainsi commandé à Lohr Industrie des wagons très spécifiques pour assurer la montée de semi-remorques sur le train.

Le deuxième axe de travail est l'ajustement de l'offre, non pas dans la perspective de trafics innovants mais en vue de rationaliser notre propre trafic conventionnel. Il s'agissait tout d'abord de transformer le wagon isolé, qui a fait l'objet de nombreux débats publics. Nous ne l'avons pas abandonné : nous avons mis en place des lignes d'axe, dans le cadre d'un maillage territorial réduit mais plus dense. En dépit de quelques réserves, les chargeurs ont adhéré à cette nouvelle offre.

Nous avons également réorganisé, toujours en vue d'ajuster l'offre à la demande, les plans de transport de nos trains massifs, d'abord en sortie ou en entrée de port – Le Havre, Marseille et Anvers –, ensuite vers l'Europe, jusqu'au sud de Moscou.

Enfin – troisième axe –, nous réformons l'organisation de la SNCF afin de la rendre plus performante, ce qui nous a permis d'acheter récemment des locomotives : l'âge moyen du parc marchandises – trente ans pour les wagons et dix-neuf ans pour les locomotives électriques – baissera bientôt grâce à la mise hors service des matériels les plus anciens.

L'année 2011 devrait nous permettre d'assister, pour la première fois, à l'inversion des trajectoires en termes de volumes, après la stabilisation de 2010. Si la trajectoire de croissance s'annonce très modeste cette année, les perspectives d'appels d'offres de nos clients et la pénétration de nos nouveaux produits nous font espérer une progression de 10 % entre 2010 et 2012. Nous escomptons par ailleurs pour 2011 un volume de wagons isolés légèrement supérieur à 200 000, dans le cadre de la nouvelle offre « multilots-multiclients ». Le wagon isolé demeure donc dans la gamme de produits de la SNCF, mais présenté de façon différente. Certes, le niveau est inférieur à 2008-2009 avec ses 300 000 wagons et à la période antérieure à la crise avec 500 000 wagons en 2006 et en 2007.

Nous inverserons également la trajectoire des comptes en 2011, avec une amélioration de quelque 100 millions d'euros. C'est un signe encourageant. Compte tenu de nos possibilités en matière de réorganisation du travail et de politique commerciale, nous avons l'espoir, évoqué par M. Guillaume Pepy, de revenir à l'équilibre en 2014.

Je ferai une seule réserve. Elle concerne la disponibilité de l'infrastructure, une préoccupation que nous partageons, en dehors de tout esprit polémique, avec RFF. Si la tendance au désordre constatée au cours des deux premiers mois de cette année se poursuivait dans l'attribution des sillons, les annulations de dernière minute, les remplacements de sillons et les « plages travaux », le tout aboutissant à des impossibilités de circuler, une part de 10 % du chiffre d'affaires de la SNCF concernant le transport ferroviaire de marchandises serait perdue – elle le serait également pour nos concurrents logés à la même enseigne ! C'est évidemment la route qui en tirerait tout le bénéfice.

S'agissant des activités routières de SNCF Geodis, je tiens à rappeler que la SNCF, qui est passée récemment de quelque 45 % à plus de 98 % de participation dans Geodis, est depuis très longtemps, au moins cinquante ans, le premier transporteur routier français. Le groupe comprend des marques comme Calberson, France-Express, Bourgey-Montreuil. Il devance Norbert Dentressangle.

Dans le chiffre d'affaires de SNCF Geodis – quelque 9 milliards d'euros en 2011 –, le routier représente 2,5 milliards, le commissionnement de transport maritime 2,5 milliards aussi, les activités de logistique entre 1 milliard et 1,2 milliard et le fret ferroviaire 1,5 milliard. La balance entre les différentes activités est donc relativement équilibrée et cette configuration est identique à celle de plusieurs de nos concurrents.

La part routière de SNCF Geodis représente un important gisement d'emplois – le transport routier de marchandises représente en France quelque 350 000 emplois, et il occupe, à la SNCF, 15 000 salariés contre 10 000 à 11 000 cheminots pour le fret ferroviaire. En outre, les territoires sont irrigués par les activités de transport routier portées par la SNCF et par le développement de nos marques que j'ai précédemment citées. Nous jouons donc un rôle majeur dans le tissu économique des régions.

Je tiens aussi à rappeler que 80 % du transport routier de marchandises concernent des trajets inférieurs à 300 kilomètres : il serait difficilement concevable d'organiser pour des trajets aussi courts des transports ferroviaires de substitution. Nous nous efforçons d'améliorer la performance économique du transport routier de la SNCF concurrencé par les « grands » du secteur et par les entreprises des pays de l'Est, dont les conducteurs ont des conditions sociales très inférieures aux conducteurs français. C'est pourquoi nous nous battons sur la qualité du service rendu tout en améliorant la performance écologique, notamment par des investissements en matière de traction. Notre objectif est de nous conformer aux normes européennes les plus exigeantes. Nos chauffeurs suivent également des plans de formation à la conduite économe. De plus, nous avons investi dans des logiciels de transport qui permettent de rationaliser les circulations de camions. Nous inscrivons enfin les transports routiers dans le cadre d'offres bi- ou multimodales, avec la combinaison des offres ferroviaire et routière.

Notre modèle est l'allemand DB Schenker, prestataire mondial en logistique, dont la part routière est, je le rappelle, trois fois plus importante que la part ferroviaire d'activité.

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