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Intervention de Viviane Defrance

Réunion du 1er juin 2010 à 16h00
Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe a

Viviane Defrance, secrétaire générale adjointe du SNICS-FSU :

Les infirmières de l'éducation nationale, que le SNICS représente à 62 %, ont été fortement mises à contribution pour cette campagne de vaccination, aussi bien dans les centres de vaccination que dans les établissements scolaires.

Par leurs missions spécifiques – accueil, soins, écoute, aide, réponse à l'urgence, orientation – les infirmières scolaires participent à la réussite scolaire des élèves. Elles sont identifiées par la communauté éducative comme des référents santé de premier recours. Tout au long de cette campagne, leur souci permanent a donc été de concilier les responsabilités inhérentes à leur profession avec cette mission supplémentaire de vaccination.

La menace de pandémie de grippe A(H1N1) a eu des effets positifs sur le respect des règles et les équipements d'hygiène dans les établissements scolaires. Nous déplorons cependant un certain nombre de dysfonctionnements.

Tout d'abord, les infirmières scolaires n'ont pas été associées, notamment par leur ministère de tutelle, à la réflexion sur la mise en oeuvre de cette campagne, alors qu'elles étaient particulièrement concernées.

S'agissant de leurs missions spécifiques, nous déplorons que la priorité à donner au maintien de l'offre de soins n'ait pas été respectée. L'utilisation abusive par les préfets du temps de travail des infirmières de l'éducation nationale a eu pour conséquence la fermeture de ces lieux d'accueil et de confidentialité que sont les infirmeries scolaires, où l'on enregistre chaque année 14 millions de consultations. Mme Marie Choquet, de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, note dans son rapport que les infirmières scolaires sont, après les médecins traitants, le personnel de santé le plus consulté par les adolescents.

En outre, toutes les actions de prévention programmées en fonction des besoins recensés ont dû être annulées, alors qu'elles contribuent à aider les élèves à adopter un comportement autonome et responsable.

D'une manière générale, nous avons déploré l'absence d'anticipation, faute de constitution d'un corps de réserve sanitaire, pourtant rendu obligatoire par la loi du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur.

L'éducation nationale a confié la gestion de cette campagne aux infirmières et aux médecins conseillers techniques des inspecteurs d'académie. Cette organisation a été mise en place sans concertation avec les chefs d'établissement, qui sont pourtant les supérieurs hiérarchiques directs des infirmières et qui ont dû pallier leur absence au pied levé.

Au cours de cette période, notre syndicat a été assailli d'appels téléphoniques de collègues totalement désemparées d'apprendre leur réquisition. Le principe initial de volontariat, pourtant inscrit dans les circulaires interministérielles, n'a pas été respecté : dans de nombreux départements, l'infirmier conseiller technique de l'inspecteur d'académie a fourni au préfet la liste complète des infirmiers de l'éducation nationale du département à la place de la liste de volontaires.

Par ailleurs, alors qu'elles n'étaient qu'en sixième position dans l'ordre des réquisitions, les infirmières de l'éducation nationale ont souvent été réquisitionnées prioritairement pour vacciner dans les centres de vaccination, alors que des infirmières retraitées qui s'étaient portées volontaires nous ont dit ne jamais avoir été sollicitées.

Les arrêtés de réquisition n'étaient pas réguliers. En effet, la plupart ne mentionnaient pas précisément le lieu, ni les horaires, ni les jours de réquisition, pas plus que les tâches à accomplir. Dans certains centres de vaccination, la liste des infirmières réquisitionnées était affichée avec leur adresse personnelle. Des infirmières et médecins conseillers techniques des inspecteurs d'académie annonçaient par téléphone ou par courriel que telle infirmière devait quitter son lieu de travail pour se rendre le lendemain dans tel centre de vaccination.

Les circulaires précisaient que dans les établissements du second degré, les infirmières étaient appelées à participer à la vaccination des élèves dans leur établissement d'affectation. Quant aux élèves du premier degré, ils devaient, accompagnés de leurs parents, se rendre dans les centres de vaccination. Cela nous a paru logique et cohérent, mais des disparités et des dysfonctionnements ont été constatés. Ainsi dans certains départements, des infirmières scolaires ont dû fermer leur infirmerie pour aller vacciner des élèves d'établissements privés dont l'infirmière était présente et continuait à remplir ses missions. Dans d'autres départements, des infirmières scolaires se sont insurgées contre la demande de l'inspection académique d'établir pour la direction départementale des affaires sanitaires et sociales un tableau de signalement nominatif des élèves atteints de symptômes grippaux, au mépris des règles de secret professionnel inscrites à l'article R. 4312-5 du code de la santé publique.

L'équipe de vaccination était souvent composée d'un médecin scolaire, de deux infirmières scolaires, de deux agents administratifs, quelquefois d'un pompier, le chef d'établissement devenant « chef de centre ».

Cette campagne a eu un coût très élevé pour les établissements scolaires –information par courrier de tous les parents, mise à disposition et préparation des locaux, mobilisation de personnels – au regard du peu d'élèves volontaires pour la vaccination. Un exemple : dans un lycée, elle a représenté 5 000 photocopies, 850 enveloppes, 500 timbres et la mobilisation de deux infirmières, d'un médecin et de deux agents administratifs pendant deux jours, tout cela pour sept vaccinations.

Enfin, les personnels de l'éducation nationale n'ont pas pu se faire vacciner en même temps que les élèves. Ils ont été invités à le faire dans certains établissements scolaires de leur département à partir du mois de janvier.

En tant que professionnels de santé, nous avons signalé plusieurs problèmes : celui des aiguilles serties, le risque de non-respect de la chaîne du froid – certains vaccins ont été transportés dans une glacière de camping, dans une voiture particulière – et celui du lieu d'installation de certains centres de vaccination, parfois dépourvus de point d'eau. Des infirmières nous ont dit avoir été choquées de voir dans les centres de vaccination des personnes présentant des pathologies lourdes, par exemple des malades qui venaient de subir une chimiothérapie et qui n'avaient pu se faire vacciner à l'hôpital.

Pour éviter que ces dysfonctionnements ne se reproduisent, le SNICS souhaite la constitution d'un réel corps de réserve sanitaire ; il souhaite également une réflexion en amont sur la mise en oeuvre d'une telle campagne, associant l'ensemble des professionnels par l'intermédiaire de leurs représentants ; il demande enfin que l'offre de soins et les missions des infirmières de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur soient respectées. Si des réquisitions complémentaires sont nécessaires après l'affectation des volontaires du corps de réserve, il préconise une « proratisation » en fonction du nombre de professionnels de santé dans les différents lieux d'exercice de la profession infirmière. Je rappelle que les 8 000 infirmières scolaires que compte notre pays représentent 5 % des infirmières fonctionnaires et 3 % du total des infirmières en activité.

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