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Intervention de Jean-Claude Volot

Réunion du 15 mars 2011 à 16h00
Commission d'enquête sur la situation de l'industrie ferroviaire française: production de matériels roulants voyageurs et frets

Jean-Claude Volot, médiateur des relations interentreprises industrielles et de la sous-traitance :

Les nouvelles institutions que sont la Médiation du crédit, le Commissariat général à l'investissement et la Médiation des relations interentreprises industrielles et de la sous-traitance – qui regroupent des hommes de bonne volonté souvent issus, comme René Ricol et moi-même, du monde économique et social – sont présentes sur tous les fronts. Les connexions horizontales entre elles fonctionnent très bien. René Ricol m'a du reste demandé d'être le président du comité consultatif « industrie et financement » du Grand emprunt. Nous nous réunissons d'ailleurs régulièrement pour définir nos orientations en matière de financement des entreprises comme en matière industrielle.

S'agissant du secteur ferroviaire, dès octobre 2008, René Ricol et moi-même sommes intervenus auprès des banques, au nom de la Médiation du crédit, en faveur d'entreprises touchées par la crise. En revanche, la Médiation des relations interentreprises n'a traité que peu de cas concernant ce secteur, mais les résultats ont été satisfaisants. Les situations s'enveniment souvent parce que les parties ne communiquent que par courriels et lettres recommandées, voire par avocats interposés. Il suffit en général de les convaincre de s'asseoir autour de la même table pour les amener à discuter, et c'est ainsi que, pour l'ensemble de nos interventions, notre taux de succès atteint 88 % !

Les travaux des États généraux de l'industrie ont été positifs. Nous intervenons dans les douze filières. À la demande de Jean-François Dehecq, vice-président de la Conférence nationale de l'industrie, nous donnons notre avis sur tous les sujets. Nous travaillons notamment à la création de médiations de filière, regroupant des sages qui, issus de chacune d'entre elles, seront à même de trancher les différends. Nous souhaitons favoriser l'émergence d'une culture de la médiation dans un pays où domine celle du conflit, non seulement dans les relations sociales mais également dans les relations entre entreprises. Il faut savoir régler les litiges à l'intérieur d'une profession. C'est possible, comme le prouve l'action entreprise au début des années quatre-vingt, à la suite des deux premières grandes crises pétrolières, dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP)– action qu'il serait au reste grand temps de relancer.

Dans le cadre du Commissariat général à l'investissement, l'État a décidé de consacrer 69 millions d'euros à la création de plateformes collaboratives de PME, au sein des douze filières. Si l'on ajoute la contribution des régions et des entreprises, le projet bénéficiera au total de quelque 200 millions d'euros : c'est la première fois qu'autant d'argent est consacré en France à une telle finalité. D'ailleurs, la caractéristique de la filière ferroviaire étant d'être éparse, la rassembler autour de projets communs ne peut que lui être bénéfique.

Le niveau de communication est bon, même s'il peut être amélioré.

Avec les États généraux et le Grand emprunt favorisant les industries du futur, nous assistons, en effet, au retour de la politique industrielle de l'État. En tant que chef d'entreprise, j'ai toujours déploré que celui-ci ait abandonné sa responsabilité en la matière au milieu des années soixante-dix. Je n'ai rien contre les régions mais je pense qu'il aurait dû continuer d'imprimer sa marque dans ce domaine, sans préjudice pour l'action des collectivités car l'économie est de la responsabilité commune. À l'évidence, quand on a partagé les rôles, on s'est lourdement trompé.

Je le répète : en tant que « vieux jacobin », je me félicite du retour en force de l'État en matière de politique industrielle, et qu'il revienne ainsi à la tradition qui fut toujours la sienne. Pourquoi a-t-il tourné le dos à des siècles de culture économique, sous des prétextes idéologiques d'autonomie régionale qui m'ont toujours fait rire et enrager à la fois ? Dans un pays de taille somme toute modeste, les régions n'ont pas les moyens d'impulser des politiques économiques ambitieuses. L'enquête que j'ai conduite pour le Gouvernement l'année dernière dans dix d'entre elles – dont la vôtre, monsieur le président –, en tant que commissaire à la réindustrialisation, montre combien l'absence de l'État a, depuis trente ans, été dommageable à notre industrie.

Faut-il rappeler la SNCF à ses missions ? Je n'en suis pas convaincu car on doit lui laisser toutes ses chances de réussite en tant qu'entreprise de transport. Les liens très anciens qu'elle entretient avec l'État, avec le monde politique et avec les collectivités territoriales ne lui facilitent pas la tâche. Laissons-la respirer !

L'action des médiateurs régionaux est efficace. L'un des deux grands objectifs de la Médiation, cette année, est d'améliorer la qualité et l'efficacité de leur intervention ainsi que de celle des médiateurs délégués nationaux, grâce, notamment, à des plans de formation élaborés par Mme Françoise Odolant et par M. Bertrand Rouzier, ici présents, et tous deux spécialistes des achats que j'ai tenu à faire venir à la Médiation.

Notre deuxième grand objectif est la création d'un corps national de médiateurs compétents, issus des anciennes DRIRE (directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement) et des DIRECCTE (directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi) – le profil type étant plutôt celui des ingénieurs des Mines connaissant bien le territoire. D'anciens juges et présidents de tribunaux de commerce nous ont également rejoints dans toutes les régions pour aider nos médiateurs. Nous sommes tous bénévoles – c'est du reste à titre bénévole aussi que ces anciens juges exerçaient. La Médiation ne coûte donc pas cher !

Le Fonds stratégique d'investissement et Oséo remplissent bien leurs différentes missions. J'ignore si le FSI est déjà intervenu dans le secteur ferroviaire, mais il semble prêt à le faire en cas de nécessité. Peut-être aurait-il fallu créer ou faudra-t-il créer, sur le modèle du FMEA – Fonds de modernisation des équipementiers automobiles –, un FMEF, à savoir un Fonds de modernisation des équipementiers ferroviaires, doté de 100 à 200 millions d'euros : l'idée est à creuser.

S'agissant de mes propos dans Les Échos, que vous avez cités, sur les difficultés à empêcher les délocalisations, je tiens à rappeler qu'il n'existe, à l'heure actuelle, aucune disposition législative permettant de contrer les pressions exercées par les donneurs d'ordres sur les fournisseurs pour les inciter à délocaliser. Nous nous efforçons toutefois de faire comprendre aux donneurs d'ordres que la délocalisation de leurs fournisseurs n'est pas toujours la meilleure solution. C'est en tout cas la mort assurée pour ceux des fournisseurs qui suivent à l'étranger un donneur d'ordres qui est leur seul ou quasi exclusif client, comme j'ai pu l'observer depuis vingt-cinq ou trente ans, quel que soit le secteur considéré.

Il en va autrement dans les cas de portage à l'international des entreprises, comme « Pacte PME International » en assure la mise en oeuvre dans de nombreux secteurs. Il est, en effet, des métiers où il peut être nécessaire, pour se développer, non pas tant de délocaliser que de se localiser. Si, en tant qu'industriel du secteur aéronautique, je me suis installé en Floride, c'est pour traiter directement avec les compagnies aériennes d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud. Nous avons également un établissement en Chine pour toucher la clientèle asiatique. Cela nous a permis d'accompagner Airbus en travaillant au plus près de ses clients. Tout cela a des effets très bénéfiques : études, prototypes, mises au point et structures commerciales sont gérés de Toulouse mais cette unité toulousaine ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui sans nos unités américaine et asiatique. Ce serait donc une erreur de tirer à boulets rouges sur les délocalisations en ignorant l'élément de localisation qu'elles peuvent comporter et qui contribue à consolider le site français.

Dans le secteur ferroviaire, Faiveley pourrait servir de modèle : cette magnifique entreprise réalise l'essentiel de sa production et de ses études en France, et près de 90 % de son chiffre d'affaires à l'exportation. La filière a tout intérêt à développer ces pratiques de portage à l'international. Dans le secteur de l'aéronautique, je pourrai aussi citer une très belle entreprise comme Zodiac.

Comme l'a montré le rapport que notre Médiation a rendu au Gouvernement à la fin du mois d'août, il n'existe en France, je le répète, aucune disposition législative visant à lutter contre les délocalisations, même forcées. En revanche, si un donneur d'ordres rompt unilatéralement ses relations commerciales avec un sous-traitant en raison du refus de ce dernier de délocaliser, il y a faute et nous intervenons. Ce cas fait partie des trente-six défauts relationnels que nous avons relevés et qui constituent autant d'entorses à la loi. Je dois noter que nous avons peu de réclamations en provenance du secteur ferroviaire : règne-t-il dans ce métier une totale omerta ou les relations y sont-elles entièrement satisfaisantes ? Je serais étonné que cette deuxième hypothèse soit la bonne : ce serait un cas unique !

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