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Intervention de Michel Chassang

Réunion du 27 avril 2010 à 17h00
Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe a

Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français :

Vous n'avez pas prononcé le mot, mais au fond, vous vous demandez ce qui explique l'échec du schéma vaccinal retenu. En effet, alors que l'objectif initial était de vacciner la plus grande part de la population, on n'est pas parvenu à vacciner un plus grand nombre de personnes que lors d'une campagne de vaccination contre la grippe saisonnière. Selon moi, il existe au moins quatre raisons à cet échec.

La première est l'absence de message clair, qui a entraîné des doutes et des interrogations chez les Français, au point de voir remis en question, comme l'a dit mon confrère, le principe même de la vaccination. Nous avons connu une communication pour le moins intempestive au sujet de la dangerosité potentielle du virus, d'une part, et des éventuels effets secondaires du vaccin, d'autre part. J'en veux pour preuve les messages contradictoires concernant la détection d'un éventuel cas de syndrome de Guillain-Barré, d'ailleurs infirmée par la suite. Toutes les campagnes de vaccination peuvent faire apparaître des effets secondaires, mais c'était vraiment une erreur de mettre l'accent sur de tels effets lors d'une campagne de vaccination de masse.

La deuxième raison, que je n'ai d'ailleurs jamais entendu citer jusqu'à présent, est l'absence de formation préalable des professionnels, contrairement à ce qui avait été décidé d'un commun accord lors de la campagne de vaccination contre la grippe aviaire. À l'époque, en effet, nous étions en concertation permanente, ce qui n'a pas été le cas lors de la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1). Cette formation aurait non seulement eu pour but de préparer les professionnels à ce type de pandémie, mais surtout de leur permettre de délivrer un message unique. Or contrairement à ce que nous avions proposé dès le printemps, une telle formation n'a pas eu lieu en 2009, ce qui a été une grosse erreur.

La troisième raison est que les modalités retenues, que je qualifie volontiers de « militaro-soviétiques », ont complètement révolté les médecins – et plus largement les Français. Le choix a été effectué de donner l'exclusivité à des centres de vaccination et de court-circuiter tout le réseau de proximité. Songez pourtant que ce pays compte 55 000 médecins généralistes, 3 000 pédiatres, 60 000 infirmières libérales !

Les raisons invoquées pour justifier cette mise à l'écart systématique du tissu de proximité ont profondément heurté les professionnels, qu'il s'agisse de l'absence de réfrigérateurs, des problèmes liés au conditionnement ou du prétendu risque d'encombrement des cabinets. En fait, comme lors de toute épidémie, on n'a observé qu'une augmentation de 10 % de l'activité en médecine de ville – un afflux facile à absorber. En outre, alors que les autres pays étaient donnés en exemple, on s'est aperçu que presque tous pratiquaient la vaccination dans des cabinets médicaux, individuels ou de groupe.

Écartés du dispositif, non formés, incapables de délivrer un message unique, les médecins ont pourtant été amenés à produire des certificats de non-contre-indication pour des enfants vaccinés dans des centres spéciaux ou des établissements scolaires ! Cela les a irrités profondément.

Par ailleurs, il est curieux, lorsque l'on veut toucher toute une population, de réserver la vaccination aux seuls détenteurs de bons. La raison invoquée, à savoir la nécessité d'une traçabilité, ne tenait pas : comme la prose pour M. Jourdain, la traçabilité est, Dieu merci, quelque chose que nous pratiquons tous les jours. Lors de toute vaccination – et celle-ci était à nos yeux une vaccination ordinaire –, nous remplissons des dossiers médicaux.

Notons que toute cette stratégie était en contradiction avec une loi qui vient d'être adoptée, la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, laquelle était censée remettre le médecin généraliste au centre du dispositif dit de « médecine de proximité ».

Enfin, passant rapidement sur les longues files d'attente que l'on a vu se former à l'entrée des centres de vaccination – lesquelles ont provoqué l'hilarité dans les cabinets –, je rappellerai qu'il n'a pas été permis aux médecins d'obtenir auprès de ces centres les doses nécessaires pour vacciner leurs propres patients.

La quatrième raison est que le choix de ce schéma vaccinal a désorganisé profondément l'ensemble du système de santé, en raison notamment des réquisitions intervenues. Certains médecins étaient ainsi contraints de quitter leur cabinet, dont la salle d'attente était pleine, pour rejoindre leur poste dans des centres de vaccination vides ! De même, la réquisition des stagiaires a déséquilibré le fonctionnement de la médecine de ville. Les hôpitaux et les services de santé au travail ont connu le même sort. Enfin, à la fin de l'année dernière, les médecins généralistes ont dû doubler le nombre de gardes sous prétexte de mobilisation autour de la vaccination.

Reste à tirer les leçons de tout cela, car ce qui nous importe, c'est l'avenir. Je suppose que vous aurez des questions à nous poser à ce sujet. Mais je crois avoir donné les raisons ayant conduit à l'échec du schéma vaccinal retenu.

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