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Intervention de Claire Moscicki

Réunion du 23 mars 2011 à 16h15
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

Claire Moscicki :

- Donner aux parents les moyens d'agir sur la demande de drogues suppose quelques préalables. Réaffirmer l'interdit parental ne peut suffire à enrayer la progression de l'expérimentation des drogues dès le plus jeune âge, nos enfants ne nous prenant pas au sérieux et nous ramenant invariablement au credo de la banalisation de la drogue. Celle-ci poursuit sa route dans les esprits, les textes, les discours, les points de vue, les débats d'experts, les émissions de télévision et de radio, les articles de presse, etc.

Nous souhaitons donc pour les jeunes enfants, préadolescents, adolescents et parents une révision des quatre postulats émis il y a une vingtaine d'années en faveur de la banalisation de l'usage de la drogue : « Une société sans drogue n'existe pas ; se droguer est un comportement universel ; l'usage simple n'est pas dangereux ; ce n'est pas le produit qui est dangereux mais son usage ».

Ces postulats n'ont rien à voir avec une vérité historique, scientifique, philosophique, psychiatrique, voire religieuse. Ils sont plutôt le fait d'un programme, d'un choix de société prôné par des décideurs qui ont baissé les bras face à l'ampleur des dégâts de la toxicomanie en Europe. Ce programme est pour nous totalement utopiste et irréaliste : il est absurde de demander à des enfants et à des adolescents de contrôler et de maîtriser la consommation de produits dont le pouvoir addictogène est élevé !

Puisqu'il s'agit d'un choix de société, réaffirmons pour le prochain plan ce qui a été envisagé l'an dernier : le droit légitime de nos enfants à une enfance et à une jeunesse sans drogue !

Nous demandons pour ce faire que l'Etat et les institutions en charge des campagnes nationales de prévention de la toxicomanie définissent, en accord avec les experts médicaux, les principes qui légitiment l'interdit parental et abrogent, expertises à l'appui, les principes de la banalisation de la drogue. Nous réclamons que soient donnés aux familles les moyens financiers, logistiques et techniques de prendre elles-mêmes en charge leur destin face à ce fléau qu'est la toxicomanie en Europe.

Les parents, bien sûr, doivent définir les bonnes stratégies. Les discours de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) doivent les soutenir, les encadrer mais ne suffisent pas à en faire des acteurs de terrain.

Faut-il que les parents connaissent les processus pathologiques de la drogue ? Ont-ils besoin d'essayer toutes les drogues pour pouvoir en parler savamment à leurs enfants ou s'agit-il d'autre chose ?

Nous savons, avec l'expérience et le nombre d'appels téléphoniques que nous avons reçus depuis dix-sept ans, qu'ils ont besoin de données scientifiques nettes et précises qui ne fassent pas débat entre experts médicaux.

La drogue est un problème de santé publique. Il est temps que les données scientifiques effectives ne soient plus contestées par les lobbies. Les parents ont besoin de connaître les mécanismes neuronaux et cérébraux qui peuvent mener sans le savoir n'importe lequel d'entre nous à une addiction « en douceur », quel que soit le produit, qu'il s'agisse de drogues psychoactives, de jeux vidéo, de jeux d'argent, de cyberdépendance.

Les parents doivent comprendre qu'il existe des techniques de manipulation mentale, des pressions de groupes, des pratiques de harcèlement, afin de pouvoir transmettre à leurs enfants les moyens d'évitement, de maîtrise du danger qui permettent de dire non. Ces éléments concernent le développement psychomoteur de l'enfant, celui de ses facultés intellectuelles et psychosociales, dont il a besoin pour résister aux pressions, dire non, développer l'estime de soi, faire confiance et se faire confiance.

Le premier échelon de la maîtrise du danger, c'est l'évitement, la non-consommation choisie. Lors de nos conférences, les parents et les enfants sont particulièrement surpris d'apprendre comment cela fonctionne. Nous leur donnons envie de préserver leur capital santé, de remettre à plus tard les expérimentations hasardeuses et douteuses. Nous renforçons leurs capacités de résistance à la pression du groupe. Ils découvrent qu'ils sont des êtres exceptionnels, que leurs cerveaux sont de petits bijoux avec lesquels aucun ordinateur au monde ne pourra rivaliser. Ce cerveau, nous leur apprenons à l'aimer, à en prendre soin -et ils apprécient de le faire !

Ce que nous faisons avec quelques-uns, nous souhaitons le faire à grande échelle, avec des moyens financiers qui permettent la création de véritables sites-pilotes et l'évaluation des outils mis en oeuvre.

L'autoformation des adultes référents doit être possible grâce à des supports faciles d'accès, ludiques, attractifs -aussi bien pour les adultes que pour les jeunes.

Les comportements de solidarité, de respect mutuel et de non-violence doivent être renforcés. Il faut que les médias - et non simplement les pouvoirs publics - nous aident dans ce domaine. Il est symptomatique de constater la difficulté qu'ont les parents à se faire entendre sur un point particulier, celui de leurs prérogatives en tant que parents.

Nous espérons que le prochain plan de prévention des toxicomanies aille plus loin dans l'expression de la parentalité et propose un recadrage des droits et des devoirs de chacun, enfants et parents, en vue de relégitimer ces derniers dans leurs rôles d'éducateurs.

Une partie des parents, soumis au diktat de la banalisation de l'usage de drogues et du jeunisme, oublient qu'ils doivent contrôler les agissements de leurs enfants dès qu'ils entrent au collège, par exemple lors des fêtes que ceux-ci organisent chez les uns ou les autres. Ils n'osent plus avertir les autres parents lorsqu'ils rencontrent un jeune en danger, sous prétexte que leurs propres enfants le leur interdisent, par peur de perdre un copain fournisseur !

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