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Intervention de Bruno Spire

Réunion du 16 février 2011 à 16h00
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

Bruno Spire, président de Aides :

Tant que les seuls outils thérapeutiques à notre disposition seront l'échange de seringues et la substitution, il sera difficile de réduire les risques d'infection par le virus de l'hépatite C. En effet, à l'inverse de l'infection au VIH dont le risque est considérablement réduit par l'usage de seringues propres, dans le cas de l'hépatite C existe toujours un risque de transmission si l'injection n'est pas réalisé dans des conditions d'asepsie optimales. Voilà pourquoi il faut aller plus loin : les expériences étrangères ont fait apparaître que seules des salles de consommation supervisées permettaient de faire baisser le taux de contamination. Elles permettent en outre de distribuer des kits à usage unique, destiné aux usagers de drogues par inhalation – « sniff » –, qui sont aussi un outil de réduction des risques de transmission de l'hépatite C. L'association Aides assure de telles distributions, hélas mal vues des autorités sanitaires qui les considèrent comment une incitation à la consommation, alors que nous ne faisons que partir des pratiques de ceux que nous voulons protéger des infections.

Si on veut améliorer les résultats en matière de lutte contre les hépatites, il faut oser expérimenter. Nous ne demandons pas aux parlementaires d'autoriser les salles de consommation sur tout le territoire : ce que nous voulons, c'est la possibilité d'évaluer l'efficacité de telles salles de consommation dans le contexte français, avant éventuellement de modifier le cadre législatif. Tant qu'on ne les aura pas expérimentées, le débat n'aura pas de fin.

« Paul », responsable du comité d'information publique de Narcotiques anonymes de France. Comment sortir de la dépendance ? Cette question est au centre de l'activité de Narcotiques anonymes. Pour y parvenir, il faut avoir le désir d'arrêter de consommer. Cette réponse, qui peut sembler excessivement floue, a au moins le mérite de poser le débat à l'endroit où il doit l'être. En effet, nul ne peut décider de ce qui fait que quelqu'un a, à un instant donné, le désir d'arrêter de consommer. Nous ne pouvons en définitive parler qu'à partir de notre expérience. J'ai moi-même suivi des traitements de substitution et j'aurais pu continuer à les suivre. Mais substituer signifiant « mettre à la place de », il y a un moment où la question se pose de ne rien mettre à la place. La question de l'abstinence aujourd'hui, c'est de passer d'une abstinence imposée à une abstinence qui pourrait être choisie. Notre rôle, au sein de Narcotiques anonymes, est de témoigner qu'il est possible de vivre sans drogue et de « se rétablir », c'est-à-dire se reconstruire après des décennies de toxicomanie.

En ce qui concerne notre place dans le système de soins, il faut bien reconnaître que nous sommes peu implantés en France, où nous comptons cent groupes, contre cinq cents au Royaume-Uni. Nous travaillons avec l'Association nationale des intervenants en toxicomanie et addictologie, et nous sommes présents dans un petit nombre d'établissements, tels que l'hôpital Paul-Brousse. Nous avons également travaillé avec le « Bus méthadone » ou Médecins du monde. Les endroits où nous avons travaillé ne sont, somme toute, pas nombreux, et nous souhaiterions occuper toute notre place dans le système de soins.

Nous ne sommes pas des professionnels de la dépendance : notre seule formation est notre expérience. Nous prônons une éthique de la responsabilité. Selon les mots du psychiatre Marc Valleur, le système français fait du toxicomane soit un délinquant, soit un patient ; pour nous, s'il n'est pas responsable de sa maladie, il l'est de son rétablissement.

Nous accueillons environ cinq cents personnes par an.

Enfin, nous n'avons jamais eu de contact avec l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé.

« Jean ». Il est vrai que les fragilités sociales, psychiques et physiques du toxicomane peuvent laisser penser aux sectes qu'il y a là pour elles une partie à jouer – on l'a vu dans le passé, avec Le Patriarche, et aujourd'hui avec Narconon, association liée à l'église de scientologie et qui emprunte certains traits aux Narcotiques anonymes. Nous sommes extrêmement attentifs à ce problème et notre mode d'organisation vise précisément à parer à toute dérive sectaire. Le choix de l'anonymat, par exemple, ou le refus de la désignation d'un porte-parole, fût-ce au prix d'une moindre notoriété, vise à éviter toute personnalisation du pouvoir à travers la personne d'un gourou. L'autonomie financière que nous recherchons dans une perspective d'autosuffisance, en refusant l'aide de l'État ou de donateurs privés, constitue elle aussi un rempart contre toute dérive sectaire. Autre grande différence avec les sectes, il est assez difficile d'entrer dans notre association, et assez facile d'en sortir, l'appartenance aux Narcotiques anonymes devant reposer sur le désir et le libre choix.

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