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Intervention de Pascal Melin

Réunion du 16 février 2011 à 16h00
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

Pascal Melin, président de SOS Hépatites :

En ma qualité de président de SOS Hépatites et travaillant à l'hôpital de Saint-Dizier, en Haute-Marne et dans un centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie, où j'assure des consultations d'addictologie et d'hépatologie, j'axerai particulièrement mon propos sur l'hépatite virale.

La réduction des risques a été opérante pour le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), et les deux premières cohortes de personnes pour lesquelles l'infection a pu être endiguée étaient vraisemblablement les homosexuels et les usagers de drogues. Il semble cependant que ce mouvement se soit interrompu et la réduction des risques est un peu « en panne » pour ce qui concerne l'hépatite C. Sans entrer dans la polémique, la vaccination contre l'hépatite B est elle aussi en panne. Dans les centres de soins, les personnes qui sont en première ligne face à cette maladie ne sont pas toujours protégées correctement.

Malgré l'importante promotion du dépistage, celui-ci est trop souvent réalisé pour stigmatiser plutôt que pour favoriser l'accès aux soins. Alors que les vingt dernières années nous ont appris que la prise en charge des toxicomanes devait être médico-psycho-sociale, on constate en France une dérive qui consiste à la centrer trop sur les aspects médicaux et à abandonner la prise en charge sociale et psychologique.

Enfin, les toxicomanes des années 1970 – les « junkies » – n'ont pas grand rapport avec les toxicomanes de la pauvreté que nous rencontrons aujourd'hui. Les patients ayant changé, la loi du 31 décembre 1970 ne devrait-elle pas être revue ?

Les plans qui ont été élaborés ont été fortement centrés sur l'accès aux soins, comme le « Plan Hépatites », de même que les différents axes de prise en charge de la toxicomanie. Alors que les contaminations par l'hépatite C sont majoritairement liées à l'usage de drogues, on ne peut que regretter que le « Plan Hépatites » prévoie aussi peu d'actions en direction des usagers de drogues.

Pour l'hépatite C, comme pour l'hépatite B et le VIH, on compte environ quatre mille nouvelles contaminations chaque année en France. Or, alors que les moyens importants consacrés au VIH ont réduit le nombre de morts à quelques centaines, les hépatites virales continuent à tuer autant que la route, avec cinq mille morts par an, ce qui est d'autant plus inacceptable que nous avons les moyens de réduire ce nombre en adaptant nos politiques sanitaires.

Alors que les nouvelles contaminations par l'hépatite C sont essentiellement liées à l'usage de drogues, la population des usagers de drogues n'est pas la première à avoir accès aux soins qui bénéficient encore principalement au reliquat des patients contaminés par transfusion. Les études récentes – comme en France les études CHEOPS – montrent que ceux qui bénéficient le plus des traitements contre l'hépatite C en termes de réinsertion et d'amélioration de la qualité de vie sont les usagers de drogues. Une de nos études a montré en revanche que le transfusé était celui qui en tirait le moins de bénéfices.

On peut guérir de l'hépatite C, on ne le rappellera jamais assez. Il est fondamental que les usagers de drogues puissent bénéficier d'une dynamique de réinsertion sociale par le soin. C'est là que se manifeste l'importance de la prise en charge médico-psycho-sociale et de la réinsertion.

On se prend à rêver que le vaccin contre l'hépatite B puisse être un jour légalement obligatoire, et qu'une instance parlementaire permanente soit consacrée aux hépatites virales, comme cela a été le cas pour le VIH.

Des tests rapides d'orientation diagnostique, tels que ceux qui sont expérimentés avec succès pour le VIH, pourraient être employés pour l'hépatite C, mais j'ai appris voici quelques heures que l'Assemblée nationale avait adopté un amendement au projet de loi relatif à la bioéthique remettant en cause ces tests, y compris pour le VIH. J'espère que le Sénat, qui doit prochainement examiner ce projet de loi, pourra revenir sur cette mesure et permettre la poursuite de cette expérimentation.

Je rêve aussi que puissent être créées des salles de consommation à moindres risques dont l'utilité est aujourd'hui scientifiquement prouvée et qui ont leur place dans la lutte contre les hépatites virales.

Enfin, reconnaître l'addictologie comme une spécialité médicale à part entière serait une pierre majeure de l'édifice que nous voulons bâtir aujourd'hui.

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