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Intervention de Bruno Spire

Réunion du 16 février 2011 à 16h00
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

Bruno Spire, président de Aides :

L'association Aides, consacrée à la lutte contre le syndrome d'immunodéficience acquise (SIDA) et les hépatites, regroupe des personnes « séroconcernées » au sens large – affectées, infectées ou exposées. Bon nombre de nos adhérents sont ainsi liés à la consommation de produits psychoactifs et à l'usage de drogues.

La politique de réduction des risques, officiellement appliquée dans les années 1990, à une époque où l'épidémie du SIDA sévissait fortement parmi les usagers de drogues, a été instaurée avant qu'on ne dispose de la littérature scientifique qui prouve aujourd'hui l'efficacité de cette approche. Il a donc fallu un réel courage politique pour mettre en place, sur la base de pressentiments et malgré les arguments avancés par les opposants à cette démarche, les échanges de seringues et la prescription de produits de substitution aux opiacés – la méthadone et le Subutex ou buprénorphine haut dosage.

Depuis lors, d'autres pays « sérieux », tels que la Suisse ou le Canada, ont largement dépassé la France en se dotant de salles de consommation supervisées, en autorisant la prescription d'héroïne médicalisée et des programmes d'échange de seringues en prison et d'éducation à l'injection – autant de pratiques qui ne sont pas autorisées dans notre pays. Toute une littérature scientifique, publiée dans des revues internationales à comité de lecture, montre pourtant l'efficacité de tous ces programmes. Sur le plan sanitaire, ils réduisent l'incidence du virus de l'immunodéficience humaine (VIH), des hépatites et des risques infectieux. Sur le plan économique, ils sont moins coûteux que les traitements pour les finances publiques. Ils donnent en outre aux citoyens un sentiment de sécurité accru, car l'usage des produits psychoactifs apparaît mieux géré.

Il faut sortir d'une approche idéologique. Le débat doit porter sur des constats scientifiques. Tout fait scientifiquement établi peut être discuté et faire l'objet de nouvelles expérimentations mais, pour des raisons idéologiques, l'expérimentation en France de mesures appliquées ailleurs, proposée prudemment par le rapport issu de l'expertise collective menée par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), a été refusée.

Pour améliorer la situation, la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie doit être réellement interministérielle, ce qui n'est plus le cas : elle n'est plus qu'une émanation du ministère de l'intérieur et adopte une démarche purement idéologique en expliquant que des preuves scientifiques ne sont pas recevables. Nous nous trouvons dans la position de Galilée face à ceux qui ne voulaient pas entendre que la Terre était ronde. En refusant les conclusions d'une centaine de publications parues dans des revues à comité de lecture, on sort du rationnel.

Il faut enfin, pour aborder ces questions, le même courage politique que dans les années 1990. Ce courage n'est la propriété ni de la droite, ni de la gauche. Ainsi, à Marseille, l'une des premières villes à avoir mis en place, contre l'avis général, des programmes d'échange de seringues et où des élus municipaux ont conduit un important travail de terrain pour convaincre les comités d'intérêt de quartier, c'est aujourd'hui la population qui téléphone à la mairie pour lui signaler qu'un distributeur de seringues est en panne. Il ne faut pas prendre les gens pour plus bêtes qu'ils ne sont. On peut, quels que soient ses a priori, éduquer la population.

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